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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’État doit respecter ses engagements en faveur du droit au logement

Expulsions locatives -

Par / 4 mai 2011

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà quelques mois, lors de la remise de son rapport annuel, le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, le DALO, intimait l’ordre à l’État de ne pas rester hors la loi. Ces mots sont durs et sans appel, mais ils sont à la mesure du drame qui se déroule sous nos yeux.

En effet, alors même que nous avons instauré en grande pompe, dans cet hémicycle, le fameux « droit au logement opposable » en votant la loi du 5 mars 2007, le Conseil d’État continue de qualifier ce droit de « fictif ».

Comme pour confirmer ce jugement, la fondation Abbé Pierre, dans son rapport annuel, vient de nous fournir des chiffres affligeants sur la situation du mal-logement, qui concerne aujourd’hui plus de 3 millions de personnes. Ces chiffres sont corroborés par le rapport de l’INSEE, qui estime à 3,2 millions le nombre de personnes mal logées dans notre pays. Selon un sondage réalisé cet hiver par l’institut BVA, plus de la moitié de nos concitoyens, et jusqu’à 64 % des ouvriers, ont peur de se retrouver à la rue. La crise du logement atteint des sommets, conjuguant absence de politique ambitieuse en termes de construction et baisse du pouvoir d’achat des ménages.

Comment ignorer, en effet, l’arsenal mis en place par ce gouvernement, qui mène une politique ne garantissant pas le droit au logement, mais ouvrant au contraire la voie à la marchandisation de ce dernier ? En raison de la dramatique baisse des dotations budgétaires décidée dans le cadre de la loi de finances, la France consacre aujourd’hui moins de 1 % de son PIB au logement. Il en résulte une diminution sévère du financement des logements sociaux, notamment de celui des logements très sociaux. Les aides à la pierre atteignent ainsi péniblement 480 millions d’euros.

Par ailleurs, la subvention accordée par le Gouvernement pour chaque logement HLM est passée de 2 700 euros à 1 000 euros. De plus, la nouvelle taxe de 245 millions d’euros sur trois ans qui pèsera sur les offices d’HLM va amputer d’autant la capacité de construction de ceux-ci, alors même que, selon les associations, il faudrait construire 900 000 logements.

Cette situation de pénurie de logements sociaux se vérifie tout particulièrement dans la région parisienne et dans la plupart des grandes agglomérations du pays, là où le secteur immobilier est de plus en plus tendu en raison de la spéculation foncière et de la flambée des loyers, dont l’augmentation est supérieure à la progression de l’indice des prix à la consommation. Comment assurer le respect du DALO si le nombre de logements construits ne permet pas de répondre à la demande ?

Parallèlement, le décalage croissant entre le coût du logement et les revenus des ménages rend de plus en plus difficile l’accès au logement. Ainsi, les ménages comptant parmi les 30 % les plus pauvres qui sont logés dans le parc privé consacrent, en moyenne, près de 40 % de leurs ressources au loyer ou aux charges liées à l’accession à la propriété. Pour ce qui concerne cette dernière, depuis 2000, la durée d’endettement pour l’achat d’un même logement est passée de quatorze ans à trente et un ans !

Selon l’INSEE, entre 1998 et 2008, les prix à la consommation ont augmenté de 19 %, les loyers des résidences principales de 25 %, alors que le revenu disponible médian des ménages, quant à lui, n’a progressé que de 13 %. Les dépenses courantes de logement nettes des aides personnelles représentaient en moyenne 17 % du budget des ménages en 1984, contre 21,4 % en 2009. Il apparaît donc clairement que les ménages ont de plus en plus de mal à assumer les dépenses courantes liées au logement, notamment les charges. À titre d’exemple, le prix du gaz a augmenté de 60 % depuis 2004.

Dans le même temps, l’État se désengage du financement des aides personnalisées au logement, les APL, puisque la fin de la rétroactivité de celles-ci a été votée à l’automne dernier.

M. Alain Gournac. Ce n’est pas vrai !

Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. Cette situation engendre une demande sociale particulièrement forte, qui alimente durablement une crise du logement dont les locataires et leurs familles demeurent, en dernière instance, les principales victimes.

Conséquence mécanique de cette crise, la pratique barbare des expulsions locatives a repris de plus belle depuis le 15 mars dernier. Des femmes, des enfants, des familles entières sont jetés à la rue, avec pour seule perspective l’isolement, la précarité et le non-droit. À cet égard, je voudrais citer le rapport de la Cour des comptes intitulé « Les personnes sans domicile », selon lequel « dans l’enchaînement des ruptures qui conduisent à la rue, la perte du logement est un facteur clé ».

Pourtant le Président de la République, lors de sa campagne, assurait, la main sur le cœur, que plus personne ne dormirait dehors s’il était élu. Il est plus que temps de traduire en actes ces promesses ! Il est urgent que cessent ces pratiques d’un autre âge, qui non seulement ne respectent pas la dignité de la personne humaine, mais constituent en outre une absurdité économique, puisqu’il revient souvent plus cher d’héberger des personnes privées de logement que de permettre un maintien dans les lieux. À ce titre, notons que, chaque année, sont dépensés 100 millions d’euros en nuitées d’hôtel en Île-de-France.

Nous avons donc souhaité vous soumettre, mes chers collègues, la présente proposition de loi, dont l’objet principal est d’assurer le respect par l’État des engagements pris en faveur du droit au logement, à l’échelon tant international que national, et dont les expulsions locatives sont l’antithèse.

Le droit au logement est notamment défini comme droit humain dans l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui dispose que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté à New York le 16 décembre 1966 par l’Assemblée générale des Nations unies et entré en vigueur le 3 janvier 1976 conformément aux dispositions contenues dans son article 27 suite à sa ratification par un trente-cinquième État, « les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit. »

Cette reconnaissance crée ainsi pour l’État une obligation de mise en œuvre effective du DALO, dans la mesure où l’article 2 du même texte dispose que « chacun des États parties au présent Pacte s’engage à agir […] en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte […] ».

Par un arrêt du 16 décembre 2008, la Cour de cassation a consacré pour la première fois l’effectivité directe du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans notre droit interne et devant les tribunaux.

Parallèlement, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu, dans l’arrêt Larkos contre Chypre du 18 février 1999, qu’une menace d’exécution d’une décision d’expulsion d’un locataire de son logement contrevenait au droit au respect du domicile garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et a ainsi protégé le droit de ne pas être privé du domicile que l’on occupe.

En outre, depuis un arrêt du Conseil constitutionnel du 19 janvier 1995, le droit au logement est reconnu comme un objectif à valeur constitutionnelle. Cela signifie très clairement que ce droit a intégré le bloc de constitutionnalité, au même titre que d’autres droits, notamment celui de la propriété, si cher au Gouvernement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. À tout le monde !

Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. Effectivement, monsieur le secrétaire d’État !

J’ajoute que la législation de notre pays a lentement évolué vers une reconnaissance de plus en plus forte du droit au logement, symbolisée par l’adoption de la loi dite DALO, qui en a fait un droit opposable à l’État.

Ainsi, l’article 1er de cette loi dispose que « le droit à un logement décent et indépendant, mentionné à l’article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’État, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir ». Il en résulte que l’État français a contracté l’obligation de faire en sorte qu’aucune famille ne soit privée de son logement faute de ressources suffisantes.

Pourtant, l’expulsion sans relogement de familles en grande difficulté reste une pratique très courante, voire en nette progression : de 1998 à 2008, le nombre de décisions de justice prononçant une expulsion locative a augmenté de 48 %, s’établissant à 105 000 en 2008. Chiffre plus impressionnant encore, la même année, il a été recouru à la force publique dans plus de 11 000 cas, soit une progression de 132 % entre 1998 et 2008. Les chiffres, encore provisoires, pour l’année 2009 font état de 110 246 décisions de justice prononçant une expulsion et de 10 500 cas d’intervention effective de la force publique ; ce sont 10 500 de trop ! Du reste, la Défenseure des enfants a de nombreuses fois dénoncé le caractère particulièrement traumatisant, pour les enfants, des expulsions locatives effectuées avec l’appui de la force publique.

Il existe une véritable contradiction, qu’il convient de lever, entre le respect du droit au logement et la poursuite des procédures civiles d’expulsion locative.

S’agissant plus précisément du DALO, alors même que, pour nombre d’acteurs du droit au logement, l’adoption de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale avait constitué une avancée, on reste aujourd’hui très loin du respect de l’obligation générale de relogement qui avait été posée. Ainsi, il existe des lacunes considérables dans l’application de la loi. Malgré la reconnaissance d’un droit au logement opposable, les expulsions de locataires en difficulté, y compris parmi ceux qui ont été déclarés prioritaires par les commissions de médiation DALO, continuent d’être la règle, et ce en contradiction avec les prescriptions internationales.

À partir de ce constat, le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO a adopté à l’unanimité, en mars 2010, une motion demandant au Gouvernement de prendre toutes mesures utiles afin que les personnes reconnues prioritaires pour l’attribution d’un logement par les commissions départementales de médiation ne puissent être expulsées.

En effet, la loi DALO a ouvert aux personnes menacées d’expulsion une voie de recours leur permettant de faire reconnaître leur droit à un relogement. Ainsi, de janvier 2008 à juin 2010, 15,6 % des recours déposés devant les commissions de médiation l’ont été pour ce motif. Lorsque la commission prend une décision favorable au demandeur, le préfet est tenu de faire en sorte qu’il reçoive une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités.

Cependant, le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO a constaté que des personnes désignées comme prioritaires ont été expulsées avec le concours de la force publique, et ce sans avoir reçu d’offre de relogement.

M. Guy Fischer. Absolument !

Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. Outre les souffrances humaines qu’engendrent toutes les expulsions, celles qui concernent des personnes prioritaires au titre du DALO constituent un véritable dysfonctionnement de l’État, garant du droit au logement !

Cette situation a d’ailleurs conduit le Conseil d’État, dans son rapport annuel de 2009, à définir les droits dits opposables à l’État comme des « droits fictifs », ce qui ne peut manquer d’interpeller tout citoyen pensant vivre en République et dans un État de droit…

Le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO a donc demandé que l’État organise sa propre cohérence en appliquant les quatre principes suivants.

Premièrement, toute personne faisant l’objet d’un jugement d’expulsion doit être informée par le préfet de la possibilité de déposer un recours au titre du DALO en vue d’un relogement.

Deuxièmement, lorsqu’une personne a déposé un tel recours, la décision d’accorder le concours de la force publique doit être suspendue dans l’attente de celle de la commission de médiation.

Troisièmement, lorsqu’une personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation, aucun concours de la force publique ne doit être accordé avant qu’elle ait reçu une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités.

Quatrièmement, le refus de concours de la force publique doit donner effectivement lieu à indemnisation du propriétaire, ce qui suppose l’abondement du budget concerné à hauteur des besoins. Je rappelle en effet que la dotation de ce fonds d’indemnisation a été divisée par deux en trois ans, passant de 78 millions d’euros en 2005 à 38 millions d’euros en 2008. Voilà la réalité !

Plus récemment, dans son rapport de décembre 2010, le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO a, d’une manière que l’on pourrait qualifier de virulente, appelé l’État à ne pas « rester hors la loi ».

En effet, selon les chiffres fournis par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, au 31 décembre 2010, alors que plus de 200 000 demandes ont été déposées auprès des commissions de médiation DALO, seules 25 189 personnes ont pu être logées ou hébergées à la suite d’un recours. Ce chiffre s’élève à 43 000 si l’on prend en compte les ménages relogés ou hébergés avant le passage en commission.

Quoi qu’il en soit, le nombre de personnes déclarées prioritaires et n’ayant pourtant reçu aucune offre de relogement reste donc trop important. Ainsi, au 30 juin 2010, 14 000 ménages étaient dans ce cas, dont 12 500 avaient été déclarés prioritaires par les commissions franciliennes et 10 000 par la seule commission de Paris. Ajoutons que, la procédure DALO visant à « écrémer » au maximum les dossiers, ne sont déclarés prioritaires qu’une infime minorité des demandeurs de logement ! C’est ainsi que, à la fin de juin 2010, 43 % des dossiers seulement faisaient l’objet d’un avis favorable.

Nous ne pouvons que nous alarmer de la diminution constante du nombre de demandes acceptées. En Seine-Saint-Denis, par exemple, les commissions de médiation n’ont délivré que 20 % de décisions favorables en 2010 ! De tels chiffres sont inquiétants.

L’écart entre le nombre des ménages déclarés prioritaires et celui des ménages relogés, ou simplement entre le nombre des demandeurs et celui des personnes relogées, écart qui continue à se creuser, est le plus sûr révélateur des carences de l’action publique ! Plus généralement, dans la mesure où, en 2009, on comptait 1 023 000 demandeurs de logement social, les chiffres du DALO nous semblent gravement insuffisants.

Outre ces dysfonctionnements, le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO déplore une confusion dans les critères utilisés par les commissions de médiation pour la définition des ménages prioritaires. En effet, certaines commissions de médiation refusent de désigner comme prioritaires les ménages expulsables tant que ceux-ci ne font pas l’objet d’une décision de recours à la force publique. Cette situation est anormale et n’est pas conforme à la législation actuelle.

La proposition de loi présentée par notre groupe comporte diverses mesures propres à garantir un droit universel au logement effectif.

L’article 1er vise à redéfinir le droit au logement comme un droit universel, accessible à tous, quelle que soit la situation juridique de la personne sur le sol français. Cette conception est d’ailleurs celle qui prévaut dans la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 1995, qui indique clairement que « toute personne a le droit de disposer d’un logement décent ». Dans cette optique, nous estimons, à l’instar de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité dans sa délibération du 30 novembre 2009, que la définition posée par l’article 1er de la loi DALO ne respecte pas cette dimension universelle, puisqu’elle conditionne le droit au logement à la régularité du séjour sur le territoire français, « dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’État ». La prise en compte de ces conditions crée une discrimination inacceptable !

Certains d’entre vous, mes chers collègues, objecteront qu’il serait vain d’ouvrir le DALO aux sans-papiers, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas éligibles au logement social. Cependant, je voudrais tout de même rappeler que nous considérons cette situation de non-droit comme scandaleuse, s’agissant de personnes qui contribuent pourtant à l’économie de notre pays !

En outre, nous souhaitons, à travers cette disposition, alerter les consciences sur le fait que le Gouvernement s’est engagé sur une pente glissante.

Concernant l’hébergement, tout d’abord, nous avons pu constater, à l’automne, qu’il existait au sein du Gouvernement une tentation d’instaurer une clause de préférence nationale, mais également la volonté de durcir les critères d’accession au logement social dans le cadre de la réforme du fichier des demandeurs de logement HLM, par le biais du décret du 29 avril 2010. Ce décret fixe en effet des conditions de plus en plus drastiques pour les migrants, s’agissant notamment de la durée minimale de validité de leur carte de séjour, portée de un à deux ans. Une telle mesure n’a d’autre vocation que d’exclure un grand nombre de migrants de l’accession au logement social.

Par ailleurs, d’un point de vue tout à fait pragmatique, exclure du droit au logement les personnes ne disposant pas de papiers constitue le plus sûr moyen de faire prospérer les « marchands de sommeil », qui bénéficient ainsi d’une clientèle captive.

Signalons que, face à l’accroissement des demandes d’expulsion, les maires de certaines communes, se fondant sur les obligations internationales contractées par l’État et leur pouvoir de police, ont parfois pris des arrêtés anti-expulsions dont la jurisprudence conteste aujourd’hui la légalité.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est normal !

Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. C’est pourquoi nous proposons que toute autorité publique ait qualité, sur le territoire de son ressort, pour s’assurer de la mise en œuvre effective du droit au logement opposable. En effet, le non-respect par l’État de ses engagements internationaux, notamment lorsqu’il est procédé à des expulsions locatives sans relogement de personnes ne pouvant se maintenir par leurs propres moyens dans un logement, constitue un trouble grave et manifeste à l’ordre public, qui justifie l’intervention de l’autorité de police municipale, dans le strict respect de la séparation des pouvoirs. Du reste, je le rappelle, c’est bien au nom du maintien de l’ordre public que l’État refuse parfois le concours de la force publique.

Une telle mesure relève également de l’esprit de l’article 28 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, aux termes duquel « toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ».

Le droit au logement étant ainsi reconnu par ce texte international, nous considérons qu’il est du devoir de toutes les institutions de l’État, de l’échelon local à l’échelon national, ainsi que de toute personne investie d’une mission publique, de veiller à la pleine application dudit principe, c’est-à-dire, concrètement, à ce qu’aucune famille ne puisse faire l’objet d’une expulsion sans être assurée de bénéficier sans aucune solution de continuité d’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités.

L’article 2 de notre proposition de loi prévoit d’interdire le recours par le préfet à la force publique dans une procédure d’expulsion locative décidée en justice lorsque la personne visée n’est pas en mesure d’accéder à un logement ou de s’y maintenir par ses propres moyens et n’a pas obtenu de proposition de relogement adaptée à ses besoins et à ses capacités. Il s’agit là de mettre notre droit en conformité avec les engagements internationaux contractés par la France.

L’article 3 de notre proposition de loi reprend les préconisations formulées par le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO, en vue d’interdire toute expulsion de personne reconnue prioritaire par une commission de médiation DALO ou étant dans l’attente d’une réponse d’une telle commission.

Nous sommes en effet au regret de constater que, s’il existe aujourd’hui des possibilités d’octroi de délais supplémentaires par le juge avant l’intervention de la puissance publique, dans la pratique, à défaut d’intervention législative, des expulsions sans relogement de personnes déclarées prioritaires au titre du DALO pourront encore se produire. Cela nous semble tout à fait intolérable, et en contradiction totale avec non seulement l’esprit de la loi DALO, mais également les prescriptions internationales concernant le droit au logement.

Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de spolier les propriétaires,…

M. Alain Gournac. Ah ! (Sourires.)

Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. … car, comme le prévoit l’article 16 de la loi du 9 juillet 1991, aux termes duquel « le refus de l’État de prêter son concours ouvre droit à réparation », ceux-ci seront bien évidemment, le cas échéant, indemnisés par le fonds ad hoc.

Enfin, l’article 4 de la proposition de loi tend à garantir l’équilibre financier du dispositif que nous préconisons, en prévoyant la compensation du coût pour l’État de sa mise en œuvre.

Telle est, mes chers collègues, la philosophie de la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous soumettre.

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Bio Express

Odette Terrade

Ancienne sénatrice du Val-de-Marne
Membre de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire
Elue le 19 septembre 2007
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