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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’exemple éclairant de Pétroplus

Interdiction des licenciements boursiers -

Par / 16 février 2012

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la meilleure pédagogie passe sans doute par l’exemple. Dans le cadre de cette discussion, je ne peux donc que faire état d’une situation rencontrée dans mon département, qui montre à quel point la financiarisation est porteuse de dommages pour l’emploi.

Mme Claire-Lise Campion. Exactement !

M. Thierry Foucaud. Cela fait plusieurs décennies que le département de Seine-Maritime accueille, sur le territoire de la commune de Petit-Couronne, une raffinerie qui traite une bonne partie du pétrole brut arrivé sur notre territoire par le terminal pétrolier du port du Havre. La transformation du pétrole brut s’avère décisive et essentielle pour une grande part de l’économie seinomarine, notamment dans le domaine de la chimie, mais aussi de ses multiples dérivés.

Dans son intervention, à laquelle je souscris pleinement, M. Desessard a mentionné cette entreprise, Petroplus, et indiqué qu’à son sens la situation actuelle recelait sûrement quelque chose de frauduleux. Je le remercie d’en avoir parlé.

N’oublions pas que, sans les produits raffinés de base que fournissent des unités comme celle de Petit-Couronne, nous n’aurions pas, dans l’ensemble de la vallée de la Seine, entre Haute-Normandie, Eure-et-Loir et même Loir-et-Cher ou Loiret, ce que d’aucuns appellent le « pôle de compétitivité » que représente la Cosmetic Valley , ensemble constitué d’usines de productions de parfums, d’emballages, de produits de beauté, entre autres.

Cet établissement industriel, propriété initiale de la Société maritime des pétroles, nous ramène, je dois le dire, à une partie de l’histoire industrielle de notre pays. Derrière la Société maritime se trouve en effet la Société des pétroles Jupiter, créée, en un temps ancien, par la famille Deutsch de la Meurthe, dont on connaît le rôle déterminant dans le développement de l’automobile et de l’aviation dans notre pays. Cette société, associée au groupe Royal Dutch, a passé un accord avec Shell pour créer la Shell France, premier exploitant du site de Petit-Couronne.

Le site de Petit-Couronne était donc la porte d’entrée principale sur le marché français du groupe anglo-hollandais, tirant de l’activité concernée des bénéfices importants, année après année.

Seulement, les exigences de rentabilité sont telles,…

Mme Claire-Lise Campion. Eh oui !

M. Thierry Foucaud. … y compris en matière de pétrole, produit où les bénéfices sont pourtant aisés à réaliser, dans un contexte de pénurie organisée et de poussée continue de la demande – il faudrait peut-être songer à faire quelque chose, monsieur le ministre, car tous les Français se plaignent de l’augmentation du prix de l’essence –, que Shell, comme d’autres grands groupes pétroliers, a décidé de changer son mode de fonctionnement.

L’essentiel des profits pétroliers étant réalisés sur l’exploitation – en général dans des pays où la législation sociale et les contraintes salariales sont limitées –, les Exxon Mobil, Royal Dutch Shell, BP et autres Total ont décidé de changer leur fusil d’épaule et d’abandonner peu à peu leurs activités de raffinage en France et, de manière générale, en Europe, d’autant que les États producteurs avaient tendance à associer les nouveaux permis de prospection et d’exploitation à des demandes renforcées de raffinage sur place. Shell ne fit évidemment pas exception à la règle, car l’existence d’un accord commercial privilégié entre l’Europe et les Antilles néerlandaises, où le groupe jouit du monopole du raffinage, lui permettait en outre d’inonder le marché européen de produits offrant une plus grande rentabilité.

Sachant, de plus, que le marché chinois, en pleine émergence, semble plus juteux, le groupe Shell ne rencontre aucune difficulté, pour se refaire une bonne santé financière, à vendre le site de Petit-Couronne en 2008, tout comme il vend, d’ailleurs, sa raffinerie de Berre.

Il vend le site de Petit-Couronne à Petroplus, groupe raffineur domicilié dans l’accueillant canton suisse de Zoug, un endroit que nous appelons, avec d’autres, un paradis fiscal, béni des dieux de la finance, où le taux d’impôt sur les sociétés maximal est de 7 %. Il est largement financé par le fonds américain Blackstone Capital Partners, dont le siège se situe dans l’État américain du Delaware.

Il vend également celui de Berre à LyondellBasell. Ma collègue Isabelle Pasquet pourrait d’ailleurs parler longtemps des agissements de ce groupe pétrochimique américain, qui s’est placé pendant plus de quinze mois sous la protection de la loi américaine sur les faillites.

Ce qui est en jeu dans l’affaire du site de Petit-Couronne, monsieur le ministre, mes chers collègues, est particulièrement net.

Premièrement, un groupe pétrolier, largement bénéficiaire, a procédé à la cession d’unités de production essentielles pour notre économie nationale – le raffinage pétrolier induit, vous le savez, cinq emplois pour un poste sur site en moyenne – et, plus spécialement, l’économie régionale de la Haute-Normandie et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Deuxièmement, les opérateurs choisis, malgré toutes les « garanties » dont ils avaient entouré leur activité – implantation dans des paradis fiscaux, séparation juridique des activités permettant de jouer sur les flux de TVA et les prix de transferts entre entités du groupe –, n’ont pas résisté à la pression spéculative sur les prix du brut ni à la volonté de leurs actionnaires comme de leurs prêteurs en dernier ressort, des fonds de pension notamment, et se sont ainsi trouvés en situation de difficulté financière majeure.

Aujourd’hui, des centaines d’emplois directs – 550 à Petit-Couronne, sans compter les sous-traitants, au nombre de 1 500 environ –…

Mme Annie David. Eh oui !

M. Thierry Foucaud. … sont directement menacés par les pressions boursières qui s’exercent sur Petroplus, matérialisées par l’effondrement de l’action, qui a perdu 83 % de sa valeur, et par la dégradation de sa note par les agences de notation. Cerise sur le gâteau, en effet, Standard & Poor’s, en fin d’année 2011, a dégradé la note de Petroplus de B à CCC+, montrant, une fois encore, que la finance peut être sans pitié.

À ce propos, monsieur le ministre, vous avez tout à l’heure évoqué la situation de la gauche. Au lieu de vous occuper d’elle, je serais tenté de vous dire…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Occupez-vous plutôt du chômage !

M. Thierry Foucaud. … que la pluralité de la gauche est notre affaire, et non la vôtre !

Je vous rappelle que, durant ce quinquennat, et même pendant la crise, les patrons ont vu leur rémunération augmenter de 34 %,…

M. Jean Desessard. Voilà !

M. Thierry Foucaud. … jusqu’à 240 SMIC annuels. Cela, vous omettez de le dire !

M. Xavier Bertrand, ministre. Et que proposez-vous ?

M. Thierry Foucaud. Je propose de prendre un peu aux patrons pour augmenter les salaires.

M. Xavier Bertrand, ministre. Est-ce dans le programme ?

Mme Annie David. Bien sûr que c’est dans le programme !

M. Thierry Foucaud. Avec des salaires plus élevés, monsieur le ministre, le pouvoir d’achat augmente, la consommation croît et l’offre avec. Voilà ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Entre 2010 et 2011, le CAC 40 a augmenté de plus de 13 % et Total a enregistré un bénéfice de 12 milliards d’euros en 2011. Il y a de l’argent ! Votre problème, monsieur le ministre, n’est pas simplement d’avoir laissé les gros trusts et les patrons s’en mettre plein les poches.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Thierry Foucaud. S’il fallait d’ailleurs résumer le quinquennat qui vient de s’écouler, on pourrait dire que la droite s’est occupée de la droite, au détriment des Françaises et des Français !

M. Xavier Bertrand, ministre. Les heures supplémentaires, c’est de la faute de la droite ?

M. Thierry Foucaud. Pendant ce temps, l’argent allait à l’argent, et voilà où nous en sommes aujourd’hui ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Monsieur le ministre, le PDG de l’Oréal, Jean-Paul Agon, a touché une rémunération s’élevant à 10,7 millions d’euros, soit l’équivalent de 637 SMIC, 29 135 euros par jour et 1 221 euros de l’heure.

Mme Annie David. 1 000 euros de l’heure, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. Les heures supplémentaires, c’est de la faute des patrons ?

M. Thierry Foucaud. Voilà la situation !

Dans son intervention, Annie David a évoqué la question du bouclier fiscal, qui, d’ailleurs, existe encore. La simplification du barème de l’ISF que le Gouvernement a fait voter coûte à la France 1,8 milliard d’euros !

M. Xavier Bertrand, ministre. Cette somme est intégralement compensée par les mesures sur les droits de succession !

M. Thierry Foucaud. Le bouclier fiscal fait encore sentir ses effets à hauteur de 650 millions d’euros, ce qui représentera, au total, un coût de 2,4 milliards d’euros à inscrire dans le budget pour 2013.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est faux !

M. Thierry Foucaud. Renseignez-vous, monsieur le ministre, vous faites partie de ce gouvernement ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

Épargnez-nous vos pleurs sur les grands patrons, le manque de compétitivité des salariés et le coût horaire du travail ! Les salariés voient leur pouvoir d’achat amputé,…

M. Xavier Bertrand, ministre. Si la gauche passe en mai, oui !

M. Thierry Foucaud. … alors, de grâce, arrêtez !

Pour terminer, devant les risques sociaux et industriels auxquels le pays fait face, il est nécessaire de voter la présente proposition de loi, mais aussi de faire en sorte que l’État s’engage clairement en faveur du maintien de la capacité de raffinage dans notre pays. Cela passe par le soutien au site Petroplus de Petit-Couronne, abandonné aujourd’hui par l’État.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est faux !

M. Thierry Foucaud. Seule la gauche, et notamment le groupe CRC, est aux côtés de ses salariés et formule des propositions pour sauver à la fois l’indépendance énergétique du pays et cette entreprise.

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