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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le gouvernement préfère écouter le MEDEF et les institutions européennes

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 -

Par / 15 juillet 2014

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 survient peu après la troisième conférence sociale, qui, c’est le moins que l’on puisse dire, n’a pas satisfait les organisations syndicales de salariés.

Mêmes les syndicats soutenant encore, du bout des lèvres, le pacte de responsabilité, que le présent texte est censé transposer, ont légitimement protesté contre les nouveaux cadeaux accordés au MEDEF à la veille même de la conférence sociale.

Quant aux représentants des organisations syndicales administrateurs de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, ils se sont tous prononcés, y compris la CFTC, la CGC et la CFDT, contre ce projet de loi de financement rectificative pour 2014. Leur avis défavorable porte non seulement sur le gel des prestations familiales initialement prévu, mais aussi sur le cœur même du pacte de responsabilité, à savoir l’instauration de nouvelles exonérations de cotisations sociales, qui constitue selon eux « une mauvaise décision en termes économiques et sociaux ».

Or cela, le Gouvernement ne l’entend pas. Il préfère écouter le MEDEF et les institutions européennes, le Conseil de l’Europe en tête, lequel considérait en 2013 que le CICE ne faisait que la moitié du chemin à ses yeux nécessaire pour réduire le coût du travail.

Au reste, si les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen s’opposent au présent texte, ce n’est pas pour des raisons dogmatiques ou par anti-européanisme, mais sur la base des échecs constatés des politiques d’exonérations massives de cotisations sociales menées en France depuis vingt ans.

Madame la ministre, en l’occurrence, le dogmatisme est de votre côté. En effet, les études statistiques montrent qu’en réalité cette politique échoue à créer des emplois. Elle est également lourde de conséquences pour les comptes sociaux et, en général, pour les comptes publics.

Chaque année, ce sont en effet près de 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales qui sont accordées aux employeurs, non seulement sans contreparties, mais aussi sans impact réellement positif sur l’emploi.

Au contraire, une étude du Centre d’étude des politiques économiques de l’université d’Évry montre que les mesures d’exonération de cotisations sociales, singulièrement les allégements généraux sur les bas salaires, similaires à ceux qui sont contenus dans l’article 2 de ce projet de loi, ont tendance à détruire plus d’emplois qu’ils n’en créent, et à détruire principalement des emplois rémunérateurs et de qualité. Ainsi, selon cette étude, « les mesures d’allégement du coût du travail auraient réduit de 41 000 à 76 000 les emplois qualifiés en 1997 ».

D’ailleurs le rapport du projet de loi de finances rectificative présenté à l’Assemblée nationale reconnaît clairement que les mesures du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 vont avoir pour effet un ralentissement de la croissance et la suppression de 250 000 emplois.

Ainsi, d’après le ministère des finances, les baisses de charges et d’impôts prévues dans le pacte devraient créer environ 190 000 emplois à la fin de l’année 2017. Cependant, les réductions de dépenses qui contribuent à son financement en supprimeront 250 000 dans le même temps. Le solde est donc négatif, avec la suppression de 60 000 emplois ! Tout porte à penser que le pacte de responsabilité va accroître le déficit de la sécurité sociale au lieu de le réduire.

De plus l’effet « trappe à bas salaires », apparaît lui aussi indéniable. Le rapport Cotis de 2009 montre d’ailleurs que sous l’effet de la « smicardisation » et de l’explosion des contrats précaires, le salaire moyen par salarié a peu évolué depuis vingt ans. Or c’est bien dans la déformation de la richesse créée par les entreprises que se trouve la cause profonde des déséquilibres.

Depuis trente ans, les dividendes extorqués au travail ont augmenté de 200 %. Sur la même période, en euros constants, les salaires n’ont progressé que de 20 %. Malgré les dizaines de milliards d’euros d’aides aux chefs d’entreprise, le chômage de masse bat aujourd’hui tous les records. Les seuls gagnants de cette politique sont en réalité les actionnaires.

Conscients sans doute que cette posture risquait de fragiliser votre majorité à l’Assemblée nationale, et que nos concitoyens ne supportent plus cette politique qui demande toujours plus de sacrifices aux ouvriers, aux employés, aux couches modestes et moyennes, vous avez pris la décision de réduire une partie des cotisations salariales.

Depuis, comme vous l’avez fait aujourd’hui, le Gouvernement communique à l’envi sur l’idée que l’article 2 aurait pour effet d’augmenter de 500 euros le salaire net annuel de certains des salariés les moins bien rémunérés. Il ne s’agit là toutefois que d’un artifice, puisque ce que vous donnez d’une main au plus précaires des salariés, vous le reprenez d’une autre main, par exemple en appauvrissant leurs parents retraités. Vous étiez mêmes prêts, initialement, à réduire le pouvoir d’achat des personnes bénéficiant d’une rente pour accident du travail ou maladie professionnelle et vous envisagez toujours, il me semble, de geler les prestations sociales liées au logement.

Très clairement, plutôt que de faire le choix de renforcer le pouvoir d’achat des salariés en augmentant les salaires, c’est-à-dire en opérant un nouveau partage des richesses entre capital et travail en faveur de ce dernier, vous faites le choix de réduire les cotisations sociales. Or cela conduira nécessairement, tôt ou tard, à une hausse des taxes ou des impôts affectés pour compenser ces moindres recettes. Cela conduit d’ailleurs déjà à une diminution des prestations et des services rendus à la population.

Je pense ici au gel des pensions de retraites à partir de 1 200 euros par mois, qui, couplé à l’inflation et cumulé avec des dispositions antérieures – contribution pour l’autonomie, gel des retraites complémentaires –, entraîne mécaniquement une perte du pouvoir d’achat des retraités modestes. Contrairement à ce que j’entends parfois sur certaines travées, on n’appartient en effet pas à la classe moyenne avec une retraite médiane de 1 200 euros bruts par mois. Ces retraités sont légitimes à pointer votre responsabilité, alors que nous venons encore d’apprendre, au conseil d’administration de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, que la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, continuerait à être détournée de son objet – l’accompagnement de la perte d’autonomie – au moins jusqu’au 1er juillet 2015, et que 42 millions d’euros de crédits destinés à l’accompagnement médicosocial des personnes âgées sont supprimés dans le budget rectificatif.

Je pense également au rapprochement que l’on peut faire, par exemple, entre la baisse sensible du subventionnement par les caisses d’allocations familiales des projets de crèches publiques ou à portage associatif et la baisse des cotisations employeurs à la branche famille.

Je pense encore à la diète supplémentaire que vous prescrivez aux établissements de santé, en particulier aux hôpitaux publics déjà en grande difficulté, que vous allez encore ponctionner de plusieurs centaines de millions d’euros, alors que leurs budgets sont déjà difficiles.

Jusqu’où irez-vous dans les reculs sociaux ? Vous parlez de sacrifices, mais pour qui et pour quels résultats ? Avec quelle efficacité ? Car, vous l’avez compris, ce que nous contestons ce n’est pas la nécessité de réduire les déficits publics, y compris ceux de la sécurité sociale, mais le chemin que vous avez choisi.

En effet, malgré les vingt années durant lesquelles cette politique de réduction du coût du travail a été menée, la compétitivité des entreprises a clairement continué à fléchir. Preuve, s’il en est, que le coût du travail est sans doute moins important que d’autres, comme celui de l’énergie ou du capital.

Le coût du capital imposé aux entreprises et à leurs salariés représentait en 2012 pas moins de 299 milliards d’euros, plus de deux fois ce qu’elles ont acquitté au titre des cotisations à la sécurité sociale. C’est là qu’il faudrait agir pour réorienter l’argent vers l’économie réelle, pour relancer l’investissement productif, pour conforter l’emploi et les salaires et, au final, pour regonfler les recettes de la sécurité sociale quand vous les faites régresser avec votre politique « austéritaire ».

Oui, c’est vous qui vous livrez au dogmatisme, puisque vous poursuivez comme si de rien n’était, que dis-je ? vous amplifiez même une politique qui échoue lamentablement depuis vingt ans !

Résultat : non content d’avoir obtenu un nouveau paquet cadeau de 8 milliards d’euros d’allégements et d’exonérations de cotisations sociales, le MEDEF obtient encore plus dans ce projet de loi, à savoir la suppression progressive de la C3S, qui avait pourtant pour vocation d’organiser une forme de solidarité entre les grandes entreprises, notamment les grandes enseignes de commerce, et les petits artisans et commerçants.

Cette mesure, qui, en 2016, représentera à elle seule une perte de recette de l’ordre de 6 milliards d’euros, va fragiliser plus encore l’équilibre économique du régime général, lequel se voit adosser le RSI. Cet adossement s’apparente en fait à une reprise de dettes, qui risque de devoir être supportée encore en plus par les salariés eux-mêmes.

Toutefois, je dois le reconnaître, madame la ministre, votre projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 est, d’une certaine manière, cohérent. Votre volonté de réduire massivement les ressources de la sécurité sociale vous oblige à mettre en œuvre une politique d’austérité. N’ergotons pas : comment appeler autrement une politique économique qui consiste à réduire les dépenses publiques et sociales, à geler les pensions et traitements des fonctionnaires, quitte à ce que cela se traduise au final par une perte de pouvoir d’achat ?

Une alternative existe, pourtant. De nombreux économistes le disent : la solution à la crise se trouve non pas du côté du capital, qu’il faudrait choyer, mais du côté du travail, qu’il faut soutenir, encourager et mieux rémunérer.

Le groupe CRC porte un projet, sans doute ambitieux, tendant à réformer notre assiette de cotisations sociales. Il consiste à faire cotiser les entreprises en fonction de règles simples : plus les entreprises sont vertueuses, plus elles favorisent l’emploi, mieux elles rémunèrent leurs salariés, moins leurs parts de cotisations sociales sont grandes ; plus elles spéculent, plus elles rémunèrent le capital et le finance, plus elles cotisent.

Michel Sapin disait être devenu l’ami de la bonne finance. À votre tour, madame la ministre, devenez le soutien du bon financement de la sécurité sociale : un financement juste et solidaire. Ce basculement de logique en faveur du travail pourrait vous permettre de mener une tout autre politique qui recueillerait le soutien populaire et mobiliserait toutes les forces de gauche derrière le Gouvernement.

Elle vous permettrait de supprimer les franchises médicales, ou d’accroître la part des remboursements par l’assurance maladie, qui constituent autant d’obstacles dans l’accès aux soins. Elle vous permettrait de développer massivement les places et les structures d’accueil des jeunes enfants au sein d’un service public de la petite enfance. Elle vous permettrait de veiller à la qualité de l’organisation et de l’offre de soins hospitaliers et à tarifs opposables sur tout le territoire.

Elle vous permettrait, en fait, et ce sera ma conclusion, de mener la politique pour laquelle vous avez été élus, et non celle pour laquelle vous serez inévitablement sanctionnés. C’est à ce changement de cap que nous vous invitons en exprimant une opposition de fond à votre projet de loi.

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