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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le système proposé est dérogatoire au droit commun

Moniteurs de ski -

Par / 14 mai 2014

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui a été déposée par les députés du groupe socialiste, des radicaux de gauche et de l’UMP, a pour ambition d’apporter une réponse concrète et immédiate à une difficulté réelle : sécuriser juridiquement l’accord conclu entre les représentants des monitrices et des moniteurs de ski, représentés par leur principal syndicat, et les Écoles de ski français.

Cet accord vise à favoriser l’accès au métier des jeunes diplômés, sans pour autant que leur entrée en activité, qui repose sur une réduction progressive d’activité des moniteurs seniors, ait pour effet d’affecter négativement les droits à retraite de l’ensemble des actifs de cette profession.

Le dispositif proposé ici est facultatif, comme l’a rappelé Georges Labazée, et laisse donc toute liberté aux ESF, les écoles de ski français, d’organiser la réduction d’activité des monitrices et des moniteurs qui ont atteint l’âge d’ouverture du droit à retraite, mais qui souhaitent poursuivre leur activité.

De plus, cette organisation n’est valable que si ce dispositif profite aux jeunes diplômés de moins de trente ans. Il s’agit en quelque sorte d’un passage de témoin entre professionnels d’un même métier. Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, c’est un contrat de génération avant l’heure.

Je ne reviendrai pas en détail sur le dispositif, parce que je n’en ai pas le temps et parce que notre rapporteur Georges Labazée l’a très bien détaillé.

Si la volonté affichée est tout à fait louable et généreuse, il n’en demeure pas moins que le système proposé est dérogatoire au droit commun et qu’il est la conséquence des diverses réformes du droit à la retraite que, par ailleurs, le groupe communiste républicain et citoyen conteste – j’y reviendrai.

Pour autant, cette organisation n’est pas nouvelle, cela a été dit. Mise en œuvre en 1963, elle a jusqu’à présent permis l’entrée dans la vie active des jeunes monitrices et moniteurs dans de bonnes conditions. Le départ progressif des seniors leur permettait en quelque sorte de bénéficier d’une assurance chômage, bien que ce terme ne soit pas juste, les moniteurs de ski étant, je le rappelle, de professionnels libéraux qui ne peuvent prétendre au chômage et n’ont donc aucune obligation légale de s’arrêter de travailler.

On le voit bien, on touche là au cœur de la problématique : l’obligation faite aux seniors de quitter leur emploi. Nous y reviendrons peut-être dans un moment, lorsque M. Pozzo di Borgo défendra ses amendements. On est également au cœur des spécificités des territoires de montagne qui, alors qu’ils représentent plus de 22 % de notre territoire national, sont trop souvent méconnus.

Il n’en demeure pas moins que cette proposition de loi constitue une réponse pragmatique à la difficulté juridique à laquelle sont confrontés ces professionnels libéraux, dont l’activité, très encadrée, repose sur le triptyque professionnalisme – avec un haut niveau de formation et un sens particulier de la pédagogie –, sécurité et passion.

Afin de tenir compte de ces éléments et de la nécessité, dans l’intérêt de la profession et pour favoriser le dynamisme économique, d’organiser l’entrée dans la vie active des jeunes monitrices et moniteurs, les professionnels ont donc imaginé, il y a bien longtemps – c’était en 1963 – un dispositif de cessation progressive d’activité.

C’est ce dispositif, remanié depuis sa création, que le tribunal de grande instance d’Albertville et la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, ont remis en cause. La HALDE n’a pas manqué de rappeler que, pour organiser un traitement différencié qui ne soit pas assimilable à une discrimination, il fallait que le législateur, et lui seul, intervienne.

Tel est donc l’objet de cette proposition de loi, qui, en outre, vise à prendre en compte les réalités économiques de nos territoires de montagne, dont les ressources naturelles constituent souvent la première richesse.

Notre collègue Georges Labazée a d’ailleurs parfaitement souligné dans son rapport combien le tourisme de montagne, et par conséquent le ski, constitue une source importante de richesse. Ce n’est bien évidemment pas le cas dans tous les territoires, mais ça l’est pour ceux qui ont fait le choix d’orienter leur économie vers « l’or blanc ». Je n’y reviendrai donc pas, si ce n’est pour préciser que, derrière ces chiffres, il y a une réalité : cette richesse, cette activité, par nature saisonnière, conditionne pour partie le maintien et l’installation de jeunes couples dans nos territoires et donc la vitalité de ces derniers.

Cette économie associant tourisme, sport et passion repose sur une dynamique propre aux saisonnalités. Elle présente en outre les particularités montagnardes de l’enclavement et de la faible densité de population, ces particularités pesant, avec les questions du transport des matières premières et de la consommation énergétique, sur un tissu industriel en plus grande difficulté que partout ailleurs en France.

Cette proposition de loi, mes chers collègues, n’apporte bien sûr pas toutes les réponses aux problèmes spécifiques de nos massifs ou de nos communes de montagne.

Toutefois, cette initiative parlementaire achève la volonté des acteurs économiques et des professionnels qui, ensemble, étaient parvenus à un accord équilibré, tout en renforçant son effet protecteur pour les moniteurs de ski les plus âgés, car, contrairement à ce qui était prévu dans le pacte intergénérationnel de 2012, la réduction progressive s’effectuera en trois temps.

L’article 3 de cette proposition de loi prévoit en effet un dispositif transitoire afin de ne pas porter atteinte aux droits de certains moniteurs ; cela a été rappelé par M. le rapporteur.

Mon premier constat, mes chers collègues, est donc positif. Les spécificités des territoires de montagne sont reconnues et prises en compte, de même que les particularités économiques et sociales et les besoins singuliers d’insertion professionnelle des jeunes dans notre économie.

Malgré tout, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent ignorer que la dernière modification du pacte intergénérationnel, comme les précédentes, est la conséquence des réformes successives des retraites qui, toutes, sans exception, ont conduit à l’allongement des durées de cotisation et à l’augmentation des décotes, bref, ont compliqué les conditions d’accès à la retraite de nos concitoyennes et concitoyens.

Les monitrices et moniteurs de ski, qui relèvent du régime des indépendants, subissent également ces conséquences, alors même que leurs durées de cotisation sont réduites, du fait du caractère saisonnier de leur activité et des règles de cumul des retraites, qui leur sont défavorables.

Parce qu’ils sont multi-actifs, qu’ils cumulent plusieurs activités dans l’année et qu’ils relèvent parfois de régimes différents – ils sont libéraux l’hiver et salariés l’été –, les monitrices et moniteurs de ski peuvent être polypensionnés et relever de plusieurs régimes de retraite. Or on sait que les règles de calcul des droits et des durées de cotisation des polypensionnés leur sont défavorables.

Cela explique sans doute pourquoi, comme l’a précisé notre collègue Georges Labazée dans son rapport, la pension de retraite moyenne d’un moniteur de ski ayant validé l’ensemble des trimestres nécessaires à l’obtention d’une retraite à taux plein grâce à son activité de moniteur de ski s’élèverait à 6 000 euros par an, soit, lissée sur douze mois, à peine 500 euros mensuels.

Même si on la rapporte au nombre de mois cotisés, soit entre quatre et cinq mois par an en moyenne, cela représente une pension sur douze mois variant entre 1 200 euros et 1 500 euros mensuels. Et encore faut-il que les moniteurs aient validé tous leurs trimestres, ce qui, compte tenu de l’entrée tardive dans la profession, est loin d’être le cas de la majorité d’entre eux. En la matière, force est de constater que cette proposition de loi ne changera rien.

De même, elle ne modifiera en rien l’organisation du temps de travail des moniteurs et des monitrices de ski. Je pense à la hiérarchie des plannings, par exemple, ou à l’organisation du fonctionnement – de la toute-puissance, suis-je tentée de dire – du principal syndicat de la profession, le Syndicat national des moniteurs du ski français. Nous avons été alertés par des moniteurs qui aimeraient faire entendre une voix différente dans nos montagnes…

Pour ces raisons, le groupe CRC a décidé de prendre acte de la volonté des professionnels telle qu’elle a été transposée dans cette proposition de loi, sans pour autant lui apporter son soutien. En conséquence, nous nous abstiendrons sur ce texte.

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