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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les règles applicables aux mutuelles et aux sociétés privées ont tendance à s’harmoniser, ce qui contredit l’activité sociale des premières

Réseaux de soins créés par les mutuelles -

Par / 24 juillet 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, portant sur un sujet dont nous sommes familiers depuis la loi Fourcade, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui suscite un débat toujours aussi passionné, sans doute en partie du fait d’un lobbying soutenu !

M. Philippe Bas. S’il vous plaît, un peu de respect !

Mme Sophie Primas. Cela suffit !

Mme Laurence Cohen. De quoi s’agit-il au juste ? En effet, ce texte a non pas pour objet de créer des réseaux de soins mutualistes, puisqu’ils existent déjà, mais de leur permettre de déroger à une règle majeure du code de la mutualité, laquelle interdit, à ce jour, aux mutuelles de procéder à des remboursements différenciés autres que ceux autorisés en fonction de la nature du contrat souscrit et de la situation de famille des adhérents.

Or les autres opérateurs complémentaires que sont les assurances privées et les instituts de prévoyance pratiquent déjà de tels remboursements différenciés. La Mutualité française a donc fait valoir que cette situation générait une concurrence déloyale, préjudiciable aux mutuelles.

Progressivement, depuis 1992, sous l’impulsion de textes réglementaires, législatifs et communautaires, les règles applicables aux mutuelles et aux assurances privées commerciales tendent à s’uniformiser, ce qui a malheureusement des conséquences négatives pour les œuvres sociales des mutuelles. Qu’il s’agisse de la séparation des deux livres, de l’application de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance, de l’assujettissement des mutuelles à l’impôt sur les sociétés ou de l’application des règles prudentielles figurant dans les plans Solvabilité I et II, tout converge vers une assimilation totale des mutuelles aux assurances privées commerciales. Au point que, en 2004, la loi relative à l’assurance maladie a créé l’Union nationale des organismes d’assurance maladie, l’UNOCAM, comme si tous les acteurs la composant avaient un intérêt commun à agir…

Or l’intérêt des assurances privées commerciales, comme des instituts de prévoyance, réside moins dans la satisfaction des besoins en santé des populations que dans la maximisation des profits générés par ces groupes.

Compte tenu des objectifs officiellement portés par le mouvement mutualiste, vous comprendrez donc que nous nous étonnions de l’existence de ce regroupement.

Cette interrogation, mes chers collègues, nous la portons également sur cette proposition de loi qui contribue, comme l’article 1er de l’ANI, à remettre en cause l’architecture de notre système de santé en modifiant le partage entre la solidarité nationale, supportée par la sécurité sociale, et le champ d’intervention des complémentaires santé, dont personne n’ignore qu’elles relèvent des moyens de nos concitoyens.

Nous partageons naturellement avec le rapporteur général, avec nos collègues du groupe socialiste, ainsi qu’avec le Gouvernement, un certain nombre de constats. Nous divergeons, toutefois, sur les réponses.

Pour eux et pour la majorité d’entre vous, mes chers collègues, l’adoption de cette proposition de loi aura pour effet de réduire le prix des lunettes, des soins dentaires et des appareillages auditifs dans la mesure où les mutuelles pourront négocier des tarifs plus avantageux pour leurs adhérents.

Autrement dit, les mutuelles seront autorisées à agir comme des centrales d’achat, opérant une forme de régulation des prix par le marché. Cette approche libérale ne nous convainc pas. Et parce que nous considérons que la santé n’est pas une marchandise, nous nous opposons à ce que les prix des secteurs précités soient fixés, comme n’importe quel autre produit, en fonction de la loi de l’offre et de la demande.

Afin que les prix baissent réellement et pour tous, y compris pour celles et ceux de nos concitoyens qui sont « trop riches » pour bénéficier de la CMU et trop pauvres pour souscrire une mutuelle, le groupe CRC souhaite que les prix des soins visés dans cette proposition de loi soient, comme cela est le cas pour les médicaments, encadrés par les pouvoirs publics. Et pourquoi pas, d’ailleurs, par le Comité économique des produits de santé lui-même ?

En outre, certains considèrent que, grâce à l’adoption de ce texte, les mutuelles pourraient veiller sur la qualité des prestations concernées.

Cette affirmation tend à jeter un doute sur le sérieux des pouvoirs publics quant au niveau d’exigence de conformité et de sécurité auquel nos concitoyens peuvent légitimement prétendre.

Qui plus est, cette affirmation tend à laisser croire que, là encore, le marché permettrait d’apporter un encadrement hors de portée des pouvoirs publics. Pourtant, les médicaments, qui contribuent, eux aussi, à améliorer l’état de santé de nos concitoyens, font l’objet d’une veille sanitaire et qualitative qui dépend non des mutuelles, mais bien des pouvoirs publics. Le scandale récent des prothèses PIP conforte notre analyse sur le besoin d’intervention forte des pouvoirs publics.

Enfin, face à l’insuffisance notoire des remboursements de la sécurité sociale sur les soins et appareillages optiques, dentaires et auditifs, vous proposez, plutôt que de renforcer la sécurité sociale, de généraliser la concurrence entre opérateurs complémentaires. Or, si la sécurité sociale n’est pas en capacité de mieux rembourser certaines dépenses de santé, c’est qu’elle est victime d’un pillage généralisé qui ne cesse de s’étendre !

Dernier exemple en date, l’article 1er de l’ANI, qui a pour effet de retirer 2,5 milliards d’euros de ressources à la sécurité sociale pour encourager le patronat à souscrire des complémentaires, ce qui coûte annuellement à la sécurité sociale 6,5 milliards d’euros.

Naturellement, l’UNOCAM et le patronat y trouvent leur compte, puisque, rappelons-le, le MEDEF ne cesse de demander la réduction du champ de la solidarité au profit d’une généralisation de la concurrence dans le domaine de la protection sociale. Et pour cause ! La participation des employeurs au financement des régimes complémentaires est, en effet, bien moins importante que celle qui est destinée à financer la sécurité sociale.

Le patronat ne manquera d’ailleurs pas de se réjouir de cette proposition de loi, ainsi que du projet de directive européenne élaboré par la Commission européenne dont l’article 76 vise à instituer le respect de l’égalité de traitement entre tous les opérateurs économiques.

Chacun l’aura compris, le maître mot de notre débat est donc bien celui de concurrence !

Nous regrettons sincèrement que, pour permettre aux mutuelles de faire jeu égal avec les assurances privées lucratives, on nous propose une rupture avec l’ADN de la mutualité, poussée à s’aligner sur le secteur marchand. Pourquoi ne pas avoir fait le choix inverse ? Il s’agit, en quelque sorte, d’abandonner encore un peu plus le mutualisme !

Notre groupe est très dubitatif sur cette fuite en avant, qui consiste à renoncer toujours un peu plus à des réformes de fond et à laisser les règles du jeu entre les mains non pas des politiques, mais des acteurs économiques.

On prend en otage les patients, en faisant croire que c’est à eux que l’on pense d’abord. En réalité, c’est un marché de dupes, on oublie toutes celles et tous ceux qui ne peuvent pas souscrire à une mutuelle, faute de moyens. Et, surtout, on obère le glissement qui se fait de plus en plus fortement non pas vers un remboursement solidaire, mais vers un remboursement à la carte selon la nature du contrat !

En résumé, c’est pour nous, au travers de cette proposition de loi, un rendez-vous manqué avec une loi qui aménage à la marge un système chaque jour davantage meurtrier pour la sécurité sociale.

Notre groupe s’est interrogé sur son vote, comme il le fait à chaque fois, mais, face à la prolifération des assurances privées et afin de tenir compte de la situation des patients, il a choisi de s’abstenir, une abstention marquée – vous l’aurez compris ! – par une analyse très négative de cette proposition de loi.

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