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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2005 : accidents du travail et maladies professionnelles

Par / 18 novembre 2004

par Michelle Demessine

Ce projet de loi institutionnalise le déficit récurrent de la branche A.T.-M.P. En faisant varier les engagements de cette branche en fonction d’une estimation « stabilisée » de ses ressources, on va à l’encontre du principe de fonctionnement de cette branche, à laquelle la loi du 25 juillet 1994 impose l’équilibre des comptes. C’est grave tant pour la branche que pour la sécurité sociale dans son ensemble, dont l’avenir serait mieux garanti si les employeurs respectaient leurs obligations de financement.

 Depuis une décennie, en effet, l’assurance maladie supporte 14 milliards d’euros chaque année au titre des maladies professionnelles. Chaque année, plus de 9 milliards de dépenses pour les cancers d’origine professionnelle sont transférés par les entreprises à la charge de la collectivité. De même, ce sont 2 milliards par an qui devraient être supportés par leurs cotisations pour le traitement du syndrome du canal carpien.

 Mais le gouvernement sous-estime le rôle qui devrait être celui de cette branche et, ce faisant, il nie, avec efficacité d’ailleurs, la question de la santé au travail. Ce ne sont pas les 330 millions reversés à la branche maladie qui permettront de réparer les troubles dus à l’amiante ou aux éthers de glycol. Monsieur le Ministre, vous aviez annoncé vouloir interdire certains de ces éthers. Quand allez-vous passer à l’action ? Certes, vous augmentez sensiblement la contribution de la branche A.T.-M.P. au financement du F.I.V.A. mais, là encore, cette contribution de 200 millions ne sera pas en mesure de répondre aux besoins. Faute de moyens suffisants, le F.I.V.A. a dû allonger de six mois à neuf mois le délai de reconnaissance des maladies professionnelles. Certaines provisions ne sont plus versées, et le service juridique doit traiter plus de 700 dossiers par mois, contre 500 initialement prévus.

 Pour une victime de l’amiante, chaque jour est un jour d’inquiétude et de souffrance. Il n’est pas acceptable que de plus en plus de victimes et de familles renoncent au F.I.V.A. parce que les tribunaux indemnisent beaucoup mieux et parce que la justice condamne les responsables pour faute inexcusable, ce qui est exclu dans le cas d’un recours au F.I.V.A. ; nous l’avions d’ailleurs dénoncé dès sa création. Et que penser d’une contribution de l’État au F.I.V.A. réduite à rien pour la deuxième année consécutive ? L’État employeur s’exonère ainsi d’une contribution pourtant prévue dans le texte fondateur, il ne respecte pas l’obligation de réparer les préjudices qu’il a fait subir à ses agents en les exposant à l’amiante ! Il contribue ainsi à mettre les maladies de l’amiante au premier rang de la sous-déclaration des maladies et accidents professionnels ! Les prévisions de dépenses pour 2005 font apparaître un besoin de financement de 300 millions. Il manque donc 100 millions pour permettre à ce fonds d’assurer ses obligations financières.

 La hausse de la contribution de la branche A.T.-M.P. au fonds de la CAATA ne suffira pas à couvrir la croissance des dépenses. Là encore, le nombre de dossiers ne cesse de croître et le ralentissement annoncé de cette progression ne révèle-t-il pas la volonté des pouvoirs publics de durcir encore sa politique de reconnaissance des sites amiantés ?

 Rien ne garantit, dans ce projet de loi, qu’un ajustement budgétaire en cours d’exercice puisse rendre les moyens de ce fonds conformes aux besoins qui ne manqueront pas de se manifester en cours d’année. Il serait pourtant juste d’élargir le bénéfice de la CAATA aux personnels sous-traitants, en régie ou aux intérimaires ayant manipulé de l’amiante. Je défendrai des amendements en ce sens.

 D’autre part une des sources de financement du fonds - le tabac - pose question car la baisse de sa consommation risque d’amoindrir les ressources.

 C’est sans doute pour compenser le manque de réalisme et d’envergure de la politique menée envers la branche accident du travail et maladie professionnelle que le gouvernement envisage de créer une nouvelle contribution des entreprises ayant exposé leurs salariés à l’amiante. Toutefois, le plafonnement de cette cotisation et les exonérations prévues amoindrissent la portée de cette mesure. En la plafonnant à 2,5 % de la masse salariale et à 2 millions vous avantagez, une fois encore, les plus grandes entreprises ! De même, l’exonération automatique des entreprises en redressement ou liquidation judiciaire est une injustice sociale criante qui, de plus, déroge à l’article L. 621- 130 du Code du commerce lequel prévoit que « les créances résultant d’un contrat de travail sont garanties en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ». Pour l’exposition à l’amiante comme pour toute maladie professionnelle, la responsabilité des employeurs ne s’éteint pas avec les difficultés de l’entreprise et puisque le Code du commerce prévoit de garantir les charges sociales afférentes, il n’est pas nécessaire d’envisager l’exonération automatique de cette cotisation.

 Le transfert de la branche A.T.-M.P. vers la branche maladie, le rapporteur ne peut que le constater, est un transfert a minima : la commission des transferts dite commission « Levy-Rosenvald » indiquait déjà en 2002 que la dépense imputée à tort à l’assurance maladie se situait plutôt entre 368 et 550 millions par an. Nous sommes très loin du compte.

 Tant que la sous-déclaration et la fraude en matière d’accident du travail ne seront pas contrariées par des mesures volontaristes, les droits des salariés seront bafoués et les finances de la branche A.T.- M.P. comme de l’assurance maladie en général seront mises en péril. Vous négligez l’urgente nécessité d’actualiser les cotisations A.T.-M.P. afin de contraindre les entreprises à engager une réelle prévention des risques professionnels.

 Vous ne cessez de réduire les cotisations sociales. Ainsi, les exonérations passent de 20 milliards d’euros à 24 milliards l’an prochain. Sont- elles efficaces ? Pouvez-vous nous donner une estimation ? Il est grand temps de changer de modèle : plus l’entreprise comprime l’emploi et les salaires en privilégiant sa croissance financière, moins elle contribue au financement de la protection sociale.

 Nous proposons de moduler la cotisation patronale en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Favorisant ainsi les entreprises qui investissent dans les ressources humaines tout en assurant des ressources pérennes à la protection sociale. Cette réforme aurait le mérite de promouvoir une politique active de prévention des risques professionnels. Une fois de plus force est de constater que, la prévention reste le parent pauvre de la branche A.T.-M.P. Avec moins de 2 % de son budget qui lui est consacré, on ne voit pas comment cette catastrophe sanitaire que constitue l’amiante pourra être traitée !

 La directive européenne Reach (Registration, evaluation, authorisation and restriction of chemical) prévoit l’évaluation des effets sur la santé publique de plus de 30 000 produits en libre circulation et dont la nocivité est inconnue. Nous nous inquiétons face au scepticisme, voire à l’hostilité, que cette directive suscite dans l’industrie chimique, scepticisme relayé par plusieurs chefs d’États. Comme en témoigne la lettre adressée par MM. Chirac, Schröder, et Blair au Président de la Commission européenne. Pourtant, cette directive concerne directement la santé des salariés et des populations ; songez aux dégâts causés par Metaleurop !

 Le groupe C.R.C. déposera plusieurs amendements pour infléchir votre politique sur les A.T.- M.P.

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