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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Médiateur des enfants : deuxième lecture

Par / 16 janvier 2000

par Odette Terrade

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un peu plus de deux mois après son premier passage au Sénat, la proposition de loi dont l’initiative appartient au président de l’Assemblée nationale et qui tend à créer un Médiateur des enfants nous revient en deuxième lecture.

C’est, pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, un double motif de satisfaction.

D’abord, cette accélération de la procédure législative témoigne de l’attention particulière accordée par le Gouvernement et l’ensemble des parlementaires aux droits des enfants.

Celle-ci se vérifie d’ailleurs également avec la proposition de loi que nous examinerons ensuite et qui vise à renforcer le rôle de l’école dans la prévention et la détection des mauvais traitements à enfants.

La présente proposition atteste d’une réelle volonté de traduire en actes les principes énoncés dans la convention internationale des droits de l’enfant, dite convention de New York, que la France a été l’un des premiers Etats à ratifier.

Or, j’avais souhaité le souligner lors de la première lecture, si la France est l’un des pays dans lesquels les droits de l’homme, en général, et les droits de l’enfant, en particulier, sont assez bien respectés, les réalités de la vie ne sont pas toujours en adéquation avec les droits proclamés.

La maltraitance, le suicide des jeunes, l’inégalité devant le système éducatif ou l’inégalité face aux droits aux vacances et aux loisirs sont autant de questions qui doivent nous prémunir contre toute tentation d’autosatisfaction. Et la liste n’est certainement pas exhaustive !

Dans ce contexte, où la progression des droits ne va malheureusement pas toujours de pair avec leur accessibilité, l’institution d’un porte-parole des enfants paraît particulièrement opportune. Elle est le gage qu’une vigilance constante sera exercée à cet égard.

C’est pourquoi nous saluons l’effort de consensus qui s’est manifesté à la commission des lois, sous l’égide du rapporteur, M. Christian Bonnet : plutôt que - pour reprendre ses termes - de
" s’engager dans une guerre de tranchées " sur les modalités de fonctionnement du
" Défenseur " des enfants, il a choisi de hâter et faciliter la création d’une institution qui, dans son principe, recueille l’assentiment unanime des groupes.

Si la proposition de loi est adoptée telle qu’elle, ainsi que nous le laisse espérer l’absence d’amendements, le défenseur des enfants pourra être rapidement mis en place. Nous espérons que l’annulation par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi organique relative à l’inéligibilité du Médiateur des enfants ne constituera qu’un bref contretemps.

D’autant que notre souhait de doter le Médiateur des enfants de moyens effectifs de fonctionnement se trouve en partie satisfait par un amendement gouvernemental adopté à l’Assemblée nationale. En effet, vous l’avez dit, madame la ministre, les crédits de fonctionnement du Défenseur des enfants seront inscrits au budget du Premier ministre, ce qui lui garantit les moyens de son existence.

Tombe ainsi l’un des arguments avancés ici même en première lecture pour tenter de justifier un rattachement organique au Médiateur de la République.

Que l’Assemblée nationale ait rétabli l’indépendance organique du Défenseur des enfants et que la majorité sénatoriale ait bien voulu convenir que cette solution était la bonne est une deuxième raison de se réjouir.

Les sénateurs communistes avaient vivement combattu l’option de la majorité sénatoriale en première lecture qui, en rattachant le Médiateur des enfants au Médiateur de la République, en faisait, en fin de compte, un " mineur sous tutelle " et vidait ainsi de son sens l’institution.

La création d’une entité propre aux enfants répond au caractère spécifique de leurs droits, qui ne doivent pas être systématiquement et exclusivement appréhendés au travers du prisme des adultes ; elle se situe dans la lignée des conclusions de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur cette question et du sentiment de la très grande majorité des Français.

L’indépendance du Défenseur des enfants est la condition de sa crédibilité auprès des principaux intéressés : elle est absolument nécessaire pour qu’il puisse prétendre relayer leur parole. J’en veux pour preuve l’expérience du médiateur de l’enseignement, qui n’est saisi qu’exceptionnellement des réclamations des élèves.

Pour notre part, nous aurions souhaité pousser plus loin cette logique d’appropriation de l’institution par les enfants, en permettant aux associations de lycéens, notamment, de lui adresser leurs réclamations. Cette possibilité, qui correspond pourtant à une pratique citoyenne collective déjà éprouvée au travers des conseils municipaux des enfants et du Parlement des enfants, aurait mérité d’être prolongée au niveau du Défenseur des enfants.

Néanmoins, certaines améliorations du texte initial méritent d’être soulignées.

Nous avons notamment obtenu que les associations reconnues d’utilité publique puissent saisir le Défenseur des enfants. Est ainsi fort heureusement consacrée l’action des nombreuses associations nationales et internationales en faveur des droits de l’enfant. Je pense, en particulier, au réseau d’associations COFRADE, conseil français des associations pour les droits de l’enfant.

De même, nous nous réjouissons que l’Assemblée nationale ait donné suite à deux amendements déposés par nos collègues du groupe socialiste du Sénat, qui rejoignaient d’ailleurs les préoccupations exprimées par M. Pelletier.

Le premier permet désormais au Défenseur des enfants de proposer des mesures législatives nouvelles, et non plus seulement correctives, tendant à faire progresser les droits de l’enfant.

Quant au second, il étend la compétence du Médiateur des enfants à la sphère privée, partant de l’idée que les droits de l’enfant ne sont pas divisibles et distincts selon qu’ils trouvent à s’exprimer dans la sphère publique ou dans la sphère privée.

Cette approche nous semble pourtant contredite par la rédaction nouvelle de l’article 3 dans ses dispositions qui concernent

les compétences respectives du Médiateur des enfants et du Médiateur de la République pour les litiges mettant en cause des personnes publiques.

Dès lors qu’ils seront " suffisamment sérieux ", ces litiges devront être renvoyés au Médiateur de la République, qui garde ainsi, pour l’essentiel, la maîtrise des choses.

Au nom du " principe " de l’unité de la médiation institutionnelle - j’aimerais que l’on m’explique ce qu’il recouvre et quel en est le fondement ! - on sacrifie, par ces modifications de l’article 3, l’unité de la protection des droits de l’enfant, alors même que l’extension de la compétence du Défenseur des enfants aux litiges privés lui redonnait toute sa substance.

Cette solution ne nous semble pas opportune. Comme vous le rappeliez à l’Assemblée nationale, madame la ministre, " le respect des droits fondamentaux des enfants est un principe universel, et donc indivisible ".

Oter au Défenseur des enfants la possibilité d’instruire les litiges mettant en cause des personnes publiques ne nous semble pas aller dans le sens de cette universalité. La rédaction initiale, qui prévoyait une information réciproque du Médiateur des enfants et du Médiateur de la République, nous semblait de loin préférable.

Les sénateurs communistes ne sont pas non plus convaincus par l’appellation
" Défenseur des enfants " retenue en deuxième lecture, qui est censée prémunir contre tout risque de concurrence avec le Médiateur de la République. Sans vouloir privilégier la forme sur le fond, ce changement de nom ne nous semble pas correspondre à l’esprit dans lequel a été conçue l’institution.

Dans la dynamique de la convention de New York, la mise en place d’un médiateur des enfants répond à un changement de perception du statut de l’enfant. Celui-ci n’est plus seulement un " objet de protection " à qui l’on octroie le droit d’être défendu par les adultes
- étymologiquement, le mot " enfant " désigne celui qui ne parle pas - mais une personne à part entière, titulaire en tant que telle de droits et de capacité à les faire respecter. Tel est l’aspect véritablement révolutionnaire de la convention internationale des droits de l’enfant.
Or, le mot " défenseur " ne traduit pas cette appréhension " positive " de l’enfant ; au contraire, il nous semble de nature à faire perdurer cette vision de l’enfant
" objet de droit " plutôt que " sujet de
droit ".

On a dit que cette dénomination serait plus parlante, plus compréhensible par les enfants. Je n’en suis pas convaincue ; je crains, au contraire, avec d’autres, qu’elle ne soit source de confusion, en assimilant la nouvelle institution à une sorte de
" super-avocat ".

Ces quelques remarques n’altèrent cependant en rien la satisfaction avec laquelle les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen verront se mettre en place le Défenseur des enfants.

Dans une interview récente, l’écrivain Alain Serres, à qui l’on doit la réédition du Grand Livre des droits de l’enfant, nous rappelait que " l’enfant n’a qu’un devoir, celui de connaître ses droits et de savoir que ces mêmes droits s’appliquent à son semblable ".

L’institution du Défenseur des enfants va dans ce sens, et c’est pourquoi nous voterons sans hésitation le présent texte.

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