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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Modernisation sociale : nouvelle lecture

Par / 9 octobre 2001

par Roland Muzeau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis qu’il nous soit enfin possible d’examiner la partie du projet de loi de modernisation sociale portant sur le titre II, qui concerne le travail, l’emploi et la formation professionnelle.

La première partie - le titre Ier - a été examinée en juin dernier. C’est ainsi que le groupe communiste républicain et citoyen a notamment avancé une meilleure définition du harcèlement moral au travail et réaffirmé tant la nécessité d’exécuter le contrat de travail de bonne foi que la responsabilité du chef d’entreprise pour prévenir des actes de harcèlement.

La majorité sénatoriale refuse le volet concernant une sanction pénale spécifique, mais l’Assemblée nationale saura, j’en suis certain, rétablir le texte dans toute sa dimension.

Sur d’autres volets du texte, comme la limitation du recours à l’emploi précaire, nous avons défendu une définition plus stricte de la notion de surcoût d’activité.

Concernant le volet de la formation professionnelle, nous avons défendu le dispositif de validation des acquis de l’expérience, sans tomber dans l’acceptation des certifications « maisons ».

Enfin, concernant les retraités, les personnes âgées ou handicapées, nous nous sommes opposés au retour de la loi Thomas sur les fonds de pension, voulu par la droite, et nous nous sommes félicités de l’amélioration du statut d’accueillants familiaux et de la prise en charge par l’Etat et par l’employeur des accessoires de salaires dus aux travailleurs handicapés en ateliers protégés.

Aujourd’hui, mes collègues et moi-même nous efforcerons, comme nous l’avions fait en première lecture, d’améliorer la législation sur les licenciements économiques pour que ces derniers soient effectivement des mesures de dernier recours et non pas, comme trop de chefs d’entreprise les entendent, de simples variables d’ajustement ou - je cite l’expression employée par Mme Nicole Notat - des « techniques de valorisation boursière ».

Chacun en conviendra, le débat est éminemment politique.

En juin dernier, la majorité sénatoriale s’est employée à faire barrage à l’examen des dispositions nouvelles introduites en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, sur l’initiative des députés communistes.

Deux points essentiels ont cristallisé vos griefs, chers collègues de la majorité sénatoriale : la nouvelle définition légale du licenciement économique et les contre-pouvoirs des salariés et des comités d’entreprise.

Ces dispositions nouvelles, vous les avez considérées tour à tour, et non sans contradictions, comme des cadeaux sans importance concédés au parti communiste ou comme des mesures trop contraignantes, car susceptibles de servir de point d’appui à l’évolution du droit du travail, notamment du droit en matière de licenciement.

Vous vous êtes même exercés à auditionner les syndicats, avec l’arrière-pensée de retarder l’adoption et l’entrée en vigueur rapide de ce texte. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)

M. Jean Chérioux. C’est faux !

M. Nicolas About, président de la commission. C’est là le travail parlementaire !

M. Roland Muzeau. Mais l’évidence est là : vous les avez écoutés, mais vous ne les avez pas entendus, hormis le MEDEF bien évidemment. Vous avez eu tort, parce que c’était très intéressant.

Vous considérez, comme M. Seillière, que ces dispositions sont « funestes » pour les entreprises. Je ne fais là que reprendre le mot de l’Union des industries métallurgiques et minières.

Elles sont donc « funestes » pour les entreprises, mais « utiles, sans être révolutionnaires » pour les salariés, selon M. Marc Blondel, de Force ouvrière, répondant à ma question lors des auditions devant la commission.

M. Nicolas About, président de la commission. Et la CFDT ?

M. Roland Muzeau. Réunis pour leurs universités d’été, les entrepreneurs se sont plaints d’être rendus responsables du retour des plans sociaux. M. Serge Dassault s’est dit « scandalisé » par l’expression « licenciements boursiers ».

Selon une enquête CSA-opinion, les Français, eux, soutiennent toujours dans leur grande majorité - à 87 % ! - l’action des salariés de l’entreprise Moulinex menacée de fermeture.

Lors des différentes manifestations, la résignation face aux destructions d’emplois plongeant salariés et territoires entiers dans le marasme a fait place à la volonté de rejeter ces décisions uniquement motivées par la sacro-sainte règle capitaliste du profit maximum pour l’actionnaire, quel qu’en soit le prix social, fût-il terrible.

Danone peut-il décemment évoquer la sauvegarde de sa compétitivité pour justifier son plan social qui, quels que soient les moyens déployés par le groupe, demeure selon M. Philippe Waquet, conseiller doyen de la Cour de cassation, un « sinistre social » ?

Et pourtant, la commission nous propose aujourd’hui une réécriture de l’article définissant le licenciement économique en ajoutant le droit de licencier pour procéder à des « réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité de l’entreprise concernée ». Décidément, M. Gournac se distingue en refusant d’écouter ce que disent les Français, par la voix de syndicats aussi différents que la CGT, la CFTC, FO et la CGC, et en continuant à défendre la possibilité de procéder à ces licenciements boursiers.

Voilà trois mois, on reprochait au projet de loi de modernisation sociale de répondre dans l’urgence à des situations particulières. Aujourd’hui, ce texte, qualifié hier de « circonstance », est d’une terrible actualité.

L’été a été émaillé de multiples annonces de plans sociaux et de fermetures de sites.

Les grands groupes industriels sont concernés. Selon le journal Les Echos du 13 août dernier, près de soixante sociétés, réalisant chacune plus de 100 millions de francs de chiffre d’affaires chaque année, ont déposé le bilan.

Mais combien de PME-PMI, dont les médias ne parlent pas, sont-elles dans cette situation, avec des salariés dramatiquement privés de droits ?

Dans mon département, les Hauts-de-Seine, près de cinquante entreprises de divers secteurs - CS Télécom, Framatome, Atofina, TDF, Aéro Matra Missile, Brandt, etc. - programmant quelque 4 800 suppressions d’emplois ont été recensées par la CGT des Hauts-de-Seine lors du dernier comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l’emploi, le CODEF.

Et comment ne pas parler aujourd’hui de toutes ces entreprises qui ont disparu depuis l’ouverture de nos débats, avant les vacances, de Lacoste Devanlay, de Dim et de tant d’autres encore ?

Depuis les événements douloureux et graves survenus le 11 septembre dernier aux Etats-Unis, les annonces de licenciements ne cessent de se succéder. L’onde de choc des attentats n’a pas fini de se diffuser dans l’économie américaine et mondiale ! Des dizaines de milliers de salariés sont inquiets pour leur emploi.

Dans le journal Le Monde et, plus largement, dans la presse économique, de nombreux observateurs ont d’ores et déjà fait part de leurs propres craintes de voir nombre d’entreprises tirer prétexte du contexte émotionnel actuel pour mettre en oeuvre des plans de licenciements en préparation plusieurs semaines avant les attentats. Ainsi, M. Edward Leamer, économiste à l’Andersen School de l’université de Californie, estimait que « les attaques du mois dernier pourraient bien constituer le catalyseur de plans de restructuration massifs ».

Rien de ce qui constitue des avancées dans le droit du travail ne trouve grâce aux yeux de la commission des affaires sociales, qui propose également de supprimer le recours au médiateur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr !

M. Roland Muzeau. Rappelons que le groupe communiste républicain et citoyen était pour un droit de véritable opposition ; mais la possiblité de choix paritaire du médiateur n’en constitue pas moins une avancée dans l’obtention de droits nouveaux par les salariés dans les entreprises. Tout en soulignant que ce dispositif « n’a pas de véritable effet contraignant », M. Gournac ajoute qu’il convient tout de même de le supprimer !

Ce que M. Gournac oublie, c’est que la CGT, par exemple, considérait que les articles 32 bis et 32 quater constituaient bien deux avancées nouvelles dans les droits des salariés, même si elle estimait le dernier article sur le médiateur de portée limitée.

M. Alain Gournac, rapporteur. Ah !

M. Roland Muzeau. Ce n’était pas une raison pour le supprimer !

La CGT demandait le recours au juge, lors des auditions, en cas de désaccord sur le choix du médiateur, ce que M. Gournac refuse.

Vos amendements, monsieur le rapporteur, visent aujourd’hui à supprimer toutes les avancées législatives qui, bien évidemment, ne réglaient pas tout, mais donnaient plus de possibilités aux salariés pour s’opposer aux plans sociaux et moins de marge de manoeuvre aux directions d’entreprise pour les décider.

L’organisation de nos débats, qui nous accorde un temps de parole réduit à la portion congrue, finit d’éclairer le fond de la pensée de la droite sénatoriale : mépris des salariés et défense indéfectible des positions du MEDEF.

Notre pays et ses citoyens méritent une tout autre ambition.

C’est en ce sens que le groupe communiste républicain et citoyen fera entendre son opposition résolue à votre volonté, monsieur le rapporteur, d’annuler les avancées du 13 juin dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur celles du groupe socialiste.)

II Explication de vote

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous venons d’examiner les amendements - je devrais plutôt dire les suppressions ! - proposés et votés par nos collègues de la majorité sénatoriale.

A l’origine, ce texte avait pour ambition non seulement d’actualiser la législation sociale existante, mais encore d’apporter des réponses législatives fortes aux diverses demandes sociales et surtout à la multiplication des plans sociaux.

Le groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, après le groupe communiste de l’Assemblée nationale, a estimé que le projet de loi pouvait être le support d’avancées significatives correspondant à la volonté d’une majorité de nos concitoyens demandeurs de réelles garanties portant notamment sur le droit à l’emploi, à la sécurité de l’emploi et à la formation, sur la résorption de la précarité, mais aussi le moyen d’enrichir le titre Ier relatif à la santé, à la solidarité et à l’action sociale, notamment sur la délicate question du harcèlement moral. Je regrette vraiment que la majorité sénatoriale n’ait pas eu la même attitude constructive au cours de ce débat.

Que reste-t-il du texte initial à ce point de la navette parlementaire ? Rien de ce qui constituait une avancée sociale à l’issue de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale n’a eu grâce aux yeux de la commission des affaires sociales et de son rapporteur Alain Gournac, ni d’ailleurs à ceux de nos collègues de droite.

Nos collègues de la majorité sénatoriale sont allés jusqu’au bout de leur entreprise de démolition : la loi Thomas sur les fonds de pension n’est plus abrogée ; le dispositif de validation, même s’il a fait l’objet de discussions intéressantes, des acquis professionnels, est dénaturé ; le délit de harcèlement moral, sur lequel nous avons beaucoup travaillé, n’est pas tout à fait reconnu, puisque vous avez de nouveau inversé la charge de la preuve !

Mais là où vous atteignez des sommets, c’est sur la question de la lutte contre les licenciements abusifs et leur prévention. Quand la majorité de nos concitoyens manifeste son refus des licenciements à des fins spéculatives - même M. Chérioux y pense - vous refusez de les qualifier de : « licenciements boursiers ».

Au lieu d’améliorer la rédaction du code du travail en apportant encore plus de précisions, de limites et d’éclairage sur les causes autorisant le licenciement économique que ne l’avait fait l’Assemblée nationale, la commission fait voter une nouvelle rédaction et réintroduit encore plus de souplesse, plus de possibilités pour les patrons d’utiliser les plans sociaux comme mode de gestion que dans la législation actuelle !

Au lieu de doter le comité d’entreprise d’un droit d’opposition à caractère suspensif avec recours à un médiateur, la commission supprime purement et simplement ce droit.

Ce sont les principales dispositions obtenues en deuxième lecture à l’Assemblée nationale qui sont ainsi « piratées » par la majorité sénatoriale.

Ce sont les orientations du MEDEF condamnant sans réserve le projet de loi dans un communiqué du 13 juin dernier qui sont purement et simplement mise en oeuvre.

Alors que les vagues de licenciements s’accumulent, alors que des dizaines de milliers de salariés vont payer de leur emploi les plans de restructurations décidés par les dirigeants d’entreprise qui ne voient que la rentabilité à court terme, alors que les profits atteignent des sommets, la droite prône la déréglementation, refuse d’écouter les syndicats de salariés et massacre tous les acquis du 13 juin.

Dans ces conditions, les sénateurs communistes républicains et citoyens s’opposeront à ce texte dénaturé et franchement « réactionnaire » - j’ose employer le terme ! - par rapport à celui que nous avions élaboré.

Madame la ministre, je suis convaincu que la majorité de l’Assemblée nationale va reconduire son vote du mois de juin.

Néanmoins, nous souhaitons que le Gouvernement suspende les plans sociaux dans l’attente de l’approbation définitive de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)

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