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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Nous ne voterons pas cette proposition de loi à cause de la vision de l’histoire qui la sous-tend

Conditions d’attribution de la carte de combattant -

Par / 19 novembre 2013

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi de notre collègue Marcel-Pierre Cléach intervient quelques jours après le 11 novembre, une commémoration désormais dédiée à tous ceux qui ont combattu et sont morts pour la France. Comme pour tout ce qui touche à l’histoire de notre pays, à ses différentes mémoires et aux guerres dont il a été victime ou qu’il a menées, souvenons-nous que, au mois de janvier de l’année dernière, cette décision du précédent président de la République n’avait pas été sans susciter de vives controverses.

Pour notre part, nous avions contesté l’idée selon laquelle tous les conflits seraient de même nature et qu’ils pourraient être mis sur le même plan. Nous avions souligné le risque d’aboutir, en ne distinguant plus les choses, en confondant les conflits, à une vision aseptisée de l’histoire et de la mémoire collective, qui ne permette plus de comprendre le passé et de construire lucidement l’avenir.

Avec ces considérations générales, sommes-nous si éloignés du sujet de cet après-midi ? Je ne le pense pas, car l’intérêt et les passions sont toujours aussi vifs dans nos mémoires pour ce qui a trait aux combats en Algérie dans les années cinquante et soixante, mais également, quoique dans une moindre mesure, pour les opérations militaires plus récentes auxquelles notre pays a participé. Ces sentiments sont compréhensibles, car, en arrière-plan, se trouve non seulement la conception que l’on a de notre pays, mais aussi des valeurs et des principes au nom desquels la République envoie des hommes au combat, au prix parfois de leur vie.

Cette proposition de loi a donc un sens et une portée.

Au nom de l’égalité entre les différentes générations du feu, il nous est proposé, d’une part, d’élargir les conditions d’attribution de la carte du combattant aux anciens d’Algérie, jusqu’au retrait total de nos troupes en 1964, et, d’autre part, de simplifier, en définissant des conditions identiques pour tous les combattants, la délivrance de ce document aux anciens combattants ayant participé aux conflits dans lesquels nos armées ont été engagées après 1964.

Ces deux mesures sont des droits à réparation revendiqués depuis de nombreuses années par l’ensemble des associations du monde combattant. Les adopter peut sembler logique, car elles paraissent aller dans le sens d’une juste reconnaissance de droits légitimes. Pourtant, à y regarder de plus près, elles soulèvent des questions de principe et présentent des difficultés de mise en œuvre. Par ailleurs, elles ont été, nous semble-t-il, partiellement, voire très largement satisfaites, ou sont en voie de l’être.

Pour ce qui concerne l’Algérie, la possibilité d’extension des droits à la carte du combattant au-delà du 2 juillet 1962 – date officielle de l’indépendance –, si elle est confirmée par le débat budgétaire, existera désormais avec ce qu’on appelle la carte « à cheval ». La carte du combattant pourra en effet être attribuée dès lors que la date du premier séjour en Afrique du Nord est antérieure au 2 juillet 1962. Nous tiendrons ainsi un engagement pris depuis de nombreuses années,…

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Cécile Cukierman. … régulièrement rappelé dans les différentes assemblées générales de la FNACA auxquelles nous avons participé. Nous avons, les uns et les autres, été régulièrement interpellés sur cette promesse qui ne s’est jamais traduite en actes. Si le débat budgétaire nous permet d’y parvenir, nous ne pourrons que nous en féliciter.

J’estime qu’il y a manifestement sur cette question, au travers de la proposition de loi qui nous est présentée, une volonté sous-jacente de réécrire l’histoire. En effet, le texte prévoit que la carte pourra être attribuée à ceux qui ont été présents en Algérie au moins quatre mois entre le 1er juillet 1962 et le 1er juillet 1964, avec certains critères d’attribution qui se fondent sur la notion de « participation à des opérations en zone d’insécurité comportant un risque d’ordre militaire ». Or il faut également prendre en compte le contexte « historico-politique » et les conditions dans lesquelles se sont déroulées, ou non, des opérations militaires comportant « un risque d’ordre militaire ».

Dans le cas de l’Algérie, le cessez-le-feu entre l’armée française et les troupes du FNL, qui deviendra l’ALN, l’Armée de libération nationale, est intervenu le 19 mars 1962. Nous avons voté au Sénat une proposition de loi visant à reconnaître officiellement cette date.

Après cette date, conformément aux accords d’Évian, il ne pouvait y avoir, et il n’y eut pas, d’engagement de nos troupes contre celles de l’ALN. En outre, nous commencions à rapatrier nos troupes, en priorité celles qui comprenaient une majorité d’appelés du contingent.

Bien que la situation d’insécurité fût avérée, il n’y eut pas d’opérations militaires après le 19 mars 1962, donc, par définition, pas de « risque d’ordre militaire » proprement dit. En revanche, de nombreuses représailles furent commises par la population civile algérienne, comme le massacre des harkis et de leurs familles, ou les exactions contre les Européens à Oran le 5 juillet 1962, qui firent plus de 500 victimes. C’est d’ailleurs à cet évènement que la proposition de loi fait explicitement référence dans l’exposé des motifs, avec, me semble-t-il, l’intention, consciente ou non, de reprendre les arguments de ceux qui ont reproché à nos troupes leur non-intervention pour y mettre fin.

Pour ce qui est des anciens combattants ayant participé à des OPEX – c’est la deuxième partie de la proposition de loi –, il est considéré, à juste titre, que les critères d’attribution de la carte ne correspondent plus à la réalité de ces engagements et que les conditions pour l’obtenir sont trop complexes et restrictives.

Telle qu’elle est rédigée, la proposition de loi impliquerait de reconnaître le statut d’anciens combattants aux militaires engagés à l’étranger avant 1991, c’est-à-dire essentiellement les casques bleus de la FINUL. Or ceux-ci avaient un statut particulier puisqu’ils participaient à une opération dépendant directement de l’ONU, à la différence des opérations menées en Afghanistan, au Rwanda, en Libye, au Mali ou bien encore contre la piraterie maritime au large de la corne de l’Afrique, qui ont toutes reçu la qualification « d’opérations extérieures ».

Cela nécessiterait en outre que soient traitées rétroactivement les situations des unités envoyées à l’étranger dans un cadre bilatéral, ou sous mandat de l’ONU, et de vérifier le statut de ces militaires eu égard à leur qualité d’anciens combattants. Il faudrait aussi modifier les critères généraux prévus par le code de la défense, en retenant par exemple ceux appliqués pour l’Afrique du Nord, soit quatre mois de présence.

Monsieur le ministre, les engagements que vous avez pris sur ce sujet lors du débat budgétaire à l’Assemblée nationale et rappelés devant la commission des affaires sociales du Sénat seront de nature à régler équitablement cette question.

Au final, le groupe communiste, républicain et citoyen votera contre cette proposition de loi, en raison des implications qu’elle entraîne concernant la période de la guerre d’Algérie. Notre position ne s’explique pas par des raisons budgétaires puisque l’attribution de la carte du combattant ouvre des droits en vertu des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre. Nous ne voterons pas ce texte parce que le droit à réparation pour la carte « à cheval » nous semble quasiment satisfait, sous la réserve d’un vote, et parce qu’il soulève une question de principe et sous-entend une certaine vision de l’histoire.

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