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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 : débat sur l’hôpital

Par / 13 novembre 2008

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai écouté ce matin avec beaucoup d’attention Mme la ministre de la santé, mais je dois avouer que je suis resté quelque peu sur ma faim. Je m’attendais à ce qu’elle présente le bilan de son action politique en matière hospitalière. Or elle a prononcé un plaidoyer en faveur du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». Certes, l’exercice fut intéressant, mais il m’a semblé un peu...

M. Guy Fischer. Anticipé !

M. François Autain. ... prématuré, puisque nous devons ici même examiner ce projet de loi en février prochain, me semble-t-il.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un galop d’essai !

M. François Autain. Je ne comprends donc toujours pas pourquoi l’hôpital public, pourtant en état de réforme permanente depuis les années quatre-vingt, continue à être le mal-aimé du Gouvernement et à faire l’objet de critiques souvent excessives et infondées, comme s’il était, à lui seul, responsable du déficit de l’assurance maladie.

Certes, personne ne nie qu’il existe en son sein des dysfonctionnements auxquels il faut naturellement remédier. Mais sont-ils réellement plus nombreux et plus graves que ceux qui ont été observés dans d’autres secteurs de notre système de santé ? Je pense, par exemple, au scandale des dépassements d’honoraires face auquel le Gouvernement se montre bien timide ou encore à la dérive des dépenses du médicament, qui ont plus que doublé en vingt ans et augmentent à un rythme de croisière de 5 % si l’on excepte l’année 2006. Cela n’a d’ailleurs pas empêché le Gouvernement de baisser de 40 %, l’année prochaine, la taxe sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique.

Quel contraste singulier avec la rigueur et l’exigence dont le Gouvernement fait preuve à l’égard de l’hôpital public, pourtant plébiscité par les Français dans un sondage en mai dernier.

L’hôpital public est la clé de voûte de notre système de santé, car il est le seul, j’y insiste, à pouvoir accueillir à tout moment tous les patients, sans discrimination aucune. Sortant de son rôle, il est même obligé de pallier les carences de la médecine de ville, en laissant se dévoyer les services d’urgence qui, avec le temps, la crise et l’extension de la pauvreté, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est le problème de la permanence des soins !

M. François Autain. ... sont devenus une annexe de soins primaires gratuits vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils coûtent cher !

M. François Autain. Pourtant, malgré l’accroissement de leurs charges et l’élargissement de leurs fonctions, sur quarante ans, de 1960 à 2001, les dépenses engagées par les hôpitaux ont augmenté en volume moins rapidement que l’ensemble des dépenses liées aux soins reçus par les malades. Contrairement à une idée reçue, la part des dépenses d’assurance maladie consacrée à l’hôpital n’a fait que baisser depuis 1981, passant de 42 % à 34 % en 2003.

D’une manière générale, l’hôpital public est beaucoup plus respectueux de l’ONDAM que la médecine de ville ou les cliniques commerciales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr, il transfère à la médecine de ville un certain nombre de dépenses !

M. François Autain. Celles-ci ont dépassé, en 2006, l’ONDAM de 168 millions d’euros, alors que l’hôpital public restait en deçà de 187 millions d’euros !

En 2007, la médecine de ville dépassait de 3,1 % son objectif, qui avait, je vous le concède, été fixé à un niveau particulièrement bas, alors que l’hôpital se trouvait en deçà du sien de 0,2 %.

Ces résultats sont d’autant plus remarquables, même si M. le président de la commission des affaires sociales semble les contester, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous savez très bien ce qu’il en est, car vous êtes un spécialiste en la matière !

M. François Autain. ... que le contexte budgétaire imposé par le Gouvernement et dans lequel ils s’inscrivent est très défavorable.

Le taux d’évolution de la sous-enveloppe de l’ONDAM affectée aux hôpitaux oscille, en moyenne, entre 3 % et 3,8 % par an, 3,1 % en 2009, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet !

M. François Autain. ... alors que les dépenses incompressibles s’accroissent, quant à elles, dans le même temps - tout le monde s’accorde sur le sujet - de 4 %.

Mme Annie David. Il n’est pas possible d’atteindre les objectifs dans ces conditions !

M. François Autain. Aucune entreprise du secteur marchand, même bien gérée, ne pourrait résister longtemps à un tel régime, à plus forte raison un hôpital qui, faut-il le rappeler en ces temps de crise, n’est pas une entreprise comme les autres.

Dès lors, faut-il s’étonner que l’hospitalisation publique, dans son ensemble, accuse à ce jour un déficit cumulé de l’ordre de 800 millions d’euros ? Cette faillite est la conséquence directe de la mise en œuvre du plan Hôpital 2007.

En premier lieu, le remplacement du budget global par ce que l’on appelle « l’état de prévisions de recettes et de dépenses », autrement dit l’EPRD, reposait sur l’hypothèse selon laquelle les moyens dont dispose l’hôpital public sont suffisants et les difficultés budgétaires qu’il rencontre sont uniquement dues à la mauvaise gestion de ses dirigeants.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

M. François Autain. Outre le fait qu’une telle allégation revient à jeter le discrédit de façon irresponsable sur des équipes de direction déjà fragilisées par les difficultés de la tâche à accomplir, il s’avère qu’elle est erronée. En effet, s’il suffisait de remplacer les directions incompétentes par des techniciens chevronnés pour restaurer la situation financière des établissements, cela se saurait ! En outre, cela signifierait qu’il existe aujourd’hui, en France, 235 directeurs d’hôpitaux totalement incompétents, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est l’organisation de la gouvernance qui est en cause, pas la compétence des personnes !

M. François Autain. ... puisque tel est le nombre des établissements qui connaissent des difficultés financières. C’est naturellement peu vraisemblable. L’hypothèse d’un sous-financement est beaucoup plus probable.

En second lieu, la substitution à marche forcée, depuis quatre ans, de la tarification à l’activité à un système forfaitaire qui ne tenait pas compte de la productivité n’a fait qu’aggraver les choses. Ce nouveau mode de tarification, complété par une dotation forfaitaire des MIGAC mal évaluée et insuffisante pour permettre à l’hôpital d’exercer pleinement ses missions de service public, n’a pas apporté, loin s’en faut, la preuve de son efficience.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le processus commence !

M. François Autain. Il était, lui aussi, fondé sur des hypothèses erronées.

Mme Annie David. Eh oui !

M. François Autain. L’ensemble de l’activité médicale hospitalière ne peut être pris en compte par ce mode de tarification, dont la logique discriminatoire pénalise la prise en charge des patients porteurs de maladies graves ou de polypathologies.

Les établissements dont les coûts sont supérieurs à la moyenne, souvent en raison de spécificités locales difficiles à changer, comme le taux de morbidité de la population, sont condamnés à des réductions de personnel, voire, à terme, à la disparition. En témoignent les plans de licenciements massifs qui sont actuellement en préparation : 800 licenciements sont prévus à l’hôpital du Havre, 200 à Nantes et 20 000 au total. Ils ne manqueront pas d’avoir des effets négatifs sur la qualité des soins offerts.

Ce qui pourrait arriver de pire à l’hôpital public, c’est que cette logique soit poussée jusqu’à son terme, comme le préconisent les idéologues de la convergence intersectorielle.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Intrasectorielle ! Ce serait déjà pas mal !

M. François Autain. Les hôpitaux qui auraient survécu à cette purge seraient, certes, bien gérés, mais au prix d’une dégradation de la prise en charge des patients et d’une incapacité à faire face à leurs obligations de service public. Ce serait alors la « fin de l’hôpital public », pour reprendre le titre d’un livre récent dont la MECSS a auditionné l’auteur dans le cadre de l’élaboration de son rapport annuel. Mais ce serait aussi le début d’une ère nouvelle pour les investisseurs, qui pourraient enfin s’intéresser à des établissements devenus rentables, pour peu que ce secteur soit ouvert à la concurrence.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faudrait une haute autorité de régulation !

M. François Autain. Ce sera chose faite lorsque le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » aura été voté, puisqu’il prévoit une délégation de service public qui permettra de confier au secteur privé à but lucratif la gestion des hôpitaux publics, qui n’auront plus de public que le nom.

Le seul inconvénient, c’est que les Anglais, qui nous ont précédés dans cette voie, viennent de renoncer à un tel système de santé, devant la déliquescence qu’il a entraînée.

On le voit, cette réforme constitue, à n’en pas douter, une machine de guerre contre l’hôpital public et le statut de la fonction publique hospitalière.

La réforme a en outre accentué la division du travail observée entre le public et le privé commercial. Pour assurer sa rentabilité, ce dernier s’est constitué aux dépens du service public des « niches » d’activité très lucratives. Les cliniques privées ont enregistré en 2005 un taux de croissance à deux chiffres de leur rentabilité financière. M. Marini évoquait à ce propos des résultats assez rares.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Effectivement, 13 %, ce n’est pas mal !

M. François Autain. Je m’en remets à cet expert pour considérer qu’il s’agit pour les cliniques d’une aubaine, que les fonds spéculatifs se sont empressés de saisir.

Ajoutons que, depuis 2002, grâce au plan Hôpital 2007, les établissements privés commerciaux ont bénéficié de l’argent public au titre de l’aide à l’investissement à hauteur de 2 milliards d’euros, sans aucune contrepartie.

Le plan Hôpital 2012 prévoit de leur accorder une nouvelle aide de l’ordre de 750 millions d’euros. L’État finance ainsi le regroupement et la spécialisation des secteurs privés pour le plus grand profit des fonds spéculatifs qui détiennent les cliniques commerciales. Ce n’est pas acceptable, même si cette répartition des rôles - déficit pour l’hôpital public, bénéfices pour les cliniques commerciales -...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un résumé un peu simpliste !

M. François Autain. ... vérifie une constante dans l’histoire du capitalisme, à savoir la socialisation des pertes et la privatisation des profits ; les modalités d’intervention du Président de la République Nicolas Sarkozy pour sauver les banques de la faillite en sont la plus récente illustration.

Cette politique a été dénoncée successivement par le Comité consultatif national d’éthique, dans son avis du 28 juin 2007, qui estime que « le concept de rentabilité ne peut s’appliquer à l’hôpital de la même manière qu’une activité commerciale ordinaire », par le président du Conseil national de l’ordre des médecins et par les responsables des quatre principaux syndicats de médecins libéraux, qui soulignent dans un communiqué l’urgence de « protéger le secteur de la santé des appétits des financiers ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je suis d’accord ! Il faut une régulation !

M. François Autain. Enfin, le 4 novembre dernier, l’intersyndicale des biologistes, inquiets pour leur avenir, publiait dans plusieurs journaux un long communiqué dont la tonalité ne manquait pas de surprendre de la part d’une profession qui ne nous avait pas habitués à un discours aussi radical ; il était intitulé La santé aux enchères. Après avoir ruiné les banques, groupes financiers et spéculateurs lorgnent sur la santé.

Au même moment, le président du Conseil national de la chirurgie déclarait dans une revue professionnelle : « les praticiens veulent devenir partie prenante plutôt que d’être les jouets de grands groupes financiers ». Et bientôt, sans doute, les pharmaciens voudront se joindre à ce combat lorsque le capital de leur officine sera ouvert aux capitaux spéculatifs, ce qui ne saurait tarder.

Ces personnalités fort respectables ne sont ni des gauchistes ni des révolutionnaires, et le Gouvernement ferait bien de prêter une oreille attentive à leurs propos.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Autain !

M. François Autain. Que disent-ils tous ? Que la santé n’est pas un bien comme les autres et qu’elle ne doit pas dépendre de mécanismes marchands.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très belle conclusion !

M. François Autain. Je me vois contraint d’abréger mon propos.

Il faut donc préserver l’avenir de l’hôpital public, seul garant de l’égal accès de tous aux soins, en le tenant à l’écart des lois du marché. Il me semble que la voie empruntée actuellement par le Gouvernement ne va pas dans ce sens. Je crains que, dans ces conditions, les difficultés rencontrées aujourd’hui par l’hôpital ne continuent de s’aggraver. C’est la raison pour laquelle nous attendons, sans trop d’illusions, le projet de loi « Hôpital, santé, patients, territoires ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous ne devriez pas être déçus !

M. François Autain. Dans un premier temps, nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

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Bio Express

François Autain

Ancien sénateur de la Loire-Atlantique
Secrétaire de la commission des affaires sociales
Elu le 25 septembre 1983
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Administration