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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Résponsabilité civile médicale

Par / 12 novembre 2002

par Guy Fischer

Cette proposition de loi tente d’apporter une réponse législative à la désertion de grands groupes d’assurance, américains notamment, du marché de l’assurance en responsabilité civile médicale.

Certes, depuis l’adoption de la loi du 4 mars 2002, les assureurs résilient les contrats avec les cliniques, les praticiens libéraux et les hôpitaux, ce qui met en péril notre système de santé.

Il est faux d’attribuer la paternité de ces difficultés à la loi Kouchner, quoiqu’en dire la Fédération française des sociétés d’assurances.

M. ABOUT, président de la commission des Affaires sociales. - C’est un peu vrai !

M. MERCIER. - Les responsabilités seront partagées !

M. FISCHER. - Vous avez voté la loi Kouchner !

Très justement, l’exposé des motifs de la proposition de loi, ainsi que son rapporteur, notent que les handicaps rencontrés par ce secteur sont antérieurs. Ils tiennent en partie à l’augmentation du contentieux médical, à l’instabilité jurisprudentielle en ce domaine, mais également, à des « facteurs propres au monde de l’assurance », touché par la chute des marchés financiers après les attentats du 11 septembre.

Dans un article paru le 10 septembre dans Les Échos intitulé « responsabilité civile : les assureurs demandent une vaste réforme », il est montré que « la responsabilité civile médicale est l’arbre qui cache la forêt », le secteur de la responsabilité civile étant « dans son ensemble en crise ».

Les collectivités locales sont aussi touchées, car elles sont nombreuses à chercher une compagnie les assurant pour les conséquences des dommages aux biens. Comme dans le domaine médical, les assureurs ont fortement augmenté les primes et réduit la couverture du risque.

Pourquoi céder aux assurances privées qui prétextent des effets prétendument pervers la loi Kouchner, pour avancer sur le terrain beaucoup plus général de la responsabilité civile afin d’obtenir le rétablissement d’une entière liberté contractuelle ?

La Fédération française des sociétés d’assurance, toujours selon ce quotidien, qui a eu connaissance du mémorandum qu’elle a remis au ministère de l’Économie et des Finances veut qu’il soit mis enfin un terme à la jurisprudence, administrative et judiciaire, qui annule les clauses des contrats limitant dans le temps la garantie de l’assureur.

Les articles 4 et 5 satisfont cette préoccupation, en limitant dans le temps la durée de garantie des contrats d’assurance en responsabilité civile médicale. Monsieur le Ministre, les possibilités actuellement offertes à la victime d’un accident médical ne s’en trouvent-elles pas réduites ?

Lors de l’examen du texte sur les droits des malades, nous nous sommes opposés à une proposition similaire faite par le rapporteur. Aujourd’hui, notre appréciation est encore plus négative puisque la proposition de loi modifie par ailleurs deux propositions du Code de la santé publique.

Qu’il s’agisse de la responsabilité des dommages résultant d’infections nosocomiales ou de l’obligation d’assurance pour les professionnels de santé libéraux et les établissements de santé, il me semble, messieurs, que vous étiez favorables aux solutions consacrées par la loi Kouchner. Aujourd’hui, vous envisagez de transférer sur la solidarité nationale l’indemnisation des dommages lourds causés par les infections nosocomiales. Selon l’auteur de cette proposition de loi, la charge serait répartie de façon « plus équilibrée ». En fait, il s’agit surtout de soulager les assureurs !

Vous incitez fortement les compagnies d’assurances à revenir sur le marché en faisant en sorte qu’elles assurent sans risques !

Ce partage des risques lourds relevant de la solidarité nationale et des risques plus légers relevant de l’assurance privée me rappelle quelque chose ! À l’issue de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, le chef de file de l’U.M.P., M. Barrot, n’a-t-il pas avancé un tel schéma concernant la couverture du risque maladie ? Nous n’entendons pas laisser privatiser notre système de protection sociale de manière, monsieur Chérioux, rampante, insidieuse, louvoyante, déguisée, masquée…

M. CHÉRIOUX. - Devant de telles extravagances, je reste coi.

M. FISCHER. -… Nous ne voulons pas laisser passer des dispositions qui faciliteraient l’entrée des assurances privées dans le domaine de la santé.

Le porte-parole du collectif interassociatif des usagers du système de santé accuse le gouvernement, « de laisser les assureurs imposer leur vision du monde de la santé ».

Ce matin, le grand quotidien national Libération…

M. CHÉRIOUX. - Un grand quotidien national ?

M. FISCHER. - Vous voulez comparer son tirage avec celui du Figaro ?

M. Jacques BLANC. - Avec celui de l’Huma !

M. FISCHER. - « Libération », donc présentant votre proposition de loi, titre : « Du sur mesure pour les assureurs ». Il reprend les propos d’Alain-Michel Ceretti : « on bénéficie aujourd’hui d’un système de sécurité sociale qui repose intégralement sur la solidarité nationale et on laisse un acteur privé le faire dérailler. C’est tout le système de santé qui est aujourd’hui à la merci des marchés financiers. Ces primes d’assurance risquent de faire exploser les honoraires et de creuser le trou de la sécurité sociale ».

M. ABOUT, président de la commission. - C’est l’inverse de la proposition de loi !

M. FISCHER. - Nous nous en expliquerons. Ces dérives sont d’autant plus inacceptables que le domaine de la santé n’est pas un marché comme un autre, car la singularité de la relation entre le patient et le médecin exige une approche dénuée de toute exigence économique.

Le traitement distinct des infections nocosomiales les plus graves envisagé par la proposition de loi déplacera la charge financière vers un fonds public, l’ONIAM.

Pour un gouvernement et une majorité qui accordent la priorité à la baisse des prélèvements obligatoires et à la maîtrise des dépenses de santé, le paradoxe est frappant !

Si vous chargez l’ONIAM d’indemniser les victimes, encore faut-il que la loi de financement de la sécurité sociale dote suffisamment ce fonds, ce qui n’est pas le cas !

D’autres problèmes sont soulevés par la distinction entre infections nosocomiales fondées sur la gravité des dommages.

La loi Kouchner énonçait clairement un principe : la responsabilité des professionnels et des établissements de santé repose sur la notion classique de faute ; la solidarité nationale indemnise l’aléa médical. Mais elle précisait, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils apportent la preuve d’une cause étrangère.

Le dispositif proposé introduit une certaine confusion, puisque l’obligation de sécurité de résultat perd de sa force.

Malgré l’existence d’un recours subrogatoire de l’ONIAM contre l’assuré, les dispositions contenues dans l’article premier conduisent à déresponsabiliser les établissements et les professionnels de santé. L’exigence de qualité en matière d’hygiène ou de santé publique diminuera, puisque les établissements ne se sentiront plus directement responsables de dommages dont ils n’assumeront plus la charge.

Si la proposition de loi n’est pas allée jusqu’à la responsabilité pour faute - qui aurait radicalement limité les cas d’indemnisation - le compromis proposé ne saurait nous satisfaire.

Les assureurs ont toujours vu d’un mauvais œil la création du Bureau central de la tarification, chargé de fixer le montant de la prime et de désigner un organisme d’assurance lorsque les professionnels de santé ne trouvaient pas à s’assurer. L’existence d’un tel système reste légitime, vu l’obligation d’assurance en responsabilité civile médicale.

La proposition de loi règle la question, l’article 3 envisageant de reporter l’entrée en application des sanctions pénales encourues pour non- respect de cette obligation.

Je comprends pourquoi la fédération française des sociétés d’assurance fait du vote de cette proposition de loi la « condition du respect de son engagement à tout mettre en œuvre pour qu’aucun libéral, aucune clinique ne soient sans couverture en assurance responsabilité civile médicale au 1er janvier 2003 ».

Monsieur le Ministre, vous vous êtes engagé à trouver une solution législative aux questions posées. Le dépôt de ce texte, sous forme d’une proposition de loi, devrait rapidement satisfaire le lobby des assurances, en permettant l’assurabilité des établissements et des professionnels. Mais, comme l’ont très justement craint les médecins spécialistes libéraux ayant appelé la semaine dernière à la grève, le coût du risque reste en l’état.

Les anesthésistes, obstétriciens, chirurgiens, ne verront pas dégonfler leurs primes d’assurance alors que le nombre de déclarations pour dommages déposées contre les médecins diminue.

Pour ces diverses raisons, nous ne pouvons que voter contre cette proposition de loi.

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