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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Santé au travail des salariés et risques professionnels : explication de vote

Par / 22 janvier 2008

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, et vous l’avez souligné, madame le rapporteur, le texte que nous venons d’examiner, certes au pas de course,...

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Non !

Mme Michelle Demessine. ... a donné lieu à un débat de très grande qualité.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Michelle Demessine. Je tiens donc à mon tour à m’en féliciter, d’autant que cette proposition de loi s’est nourrie de mois, d’années de luttes, de rencontres, de réflexions communes entre élus et salariés, associations et syndicats.

Pour autant, nous nous doutions bien, en portant cette proposition devant la Haute Assemblée, qu’elle ne ferait pas d’emblée l’objet d’un consensus concret.

Je me félicite néanmoins de ce que ces questions de santé au travail, énoncées au travers des 53 articles du texte, aient pu constituer l’amorce d’un débat sérieux au sein de notre hémicycle, débat qui prolonge opportunément - cela a été dit plusieurs fois - les conclusions du rapport sénatorial. Je regrette d’ailleurs qu’une telle discussion n’ait pu avoir lieu à l’Assemblée nationale, où un texte similaire a été déposé par notre ancien collègue Roland Muzeau, qui continue à se battre sur ce sujet en tant que député.

Je ferai une remarque au passage. Les uns et les autres, en particulier Mme la secrétaire d’État, ont évoqué les divers groupes de travail, missions ou commissions mis en place et auxquels participent d’ailleurs certains de nos collègues. Je salue cet effort, tout en regrettant que l’enceinte de notre assemblée ne soit pas suffisamment utilisée pour approfondir ces questions essentielles.

Madame la secrétaire d’État, comme vous avez pu le constater, il y a ici un nombre important d’expertes et d’experts de grande qualité, légitimés par le suffrage universel. (Mme la secrétaire d’État acquiesce.)

Cela étant dit, pour expliquer mon vote, j’aimerais m’arrêter sur les principales objections qui viennent d’être formulées.

Tout d’abord, pour certains, les principales mesures de ce texte devraient être conditionnées aux résultats du dialogue social.

Vous connaissez tous l’attachement de mon groupe aux négociations conduites par les partenaires sociaux. Pour autant, je souhaite rappeler avec force que, du point de vue de la santé au travail et compte tenu de la dégradation continue des conditions de travail dues à la course effrénée à la rentabilité immédiate, la nation, l’État, et donc le Parlement conservent en ce domaine une responsabilité de premier plan.

En effet, la santé au travail ne saurait se résumer à un arbitrage déséquilibré entre les intérêts financiers des entreprises et la santé des salariés. Il s’agit, comme j’ai pu le développer à plusieurs reprises, d’un enjeu de santé publique qui, en tant que tel, appelle des mesures et une ambition à la hauteur de la population qu’elles concernent, à savoir les 15 millions de salariés de notre pays.

Ainsi, compte tenu du bilan du drame de l’amiante et des drames qui, comme cela a été dit, se profilent en raison du grand nombre d’autres substances toxiques, notre pays a besoin d’un cadre législatif explicite et volontaire pour que la prévention de tous les risques professionnels entre dans la réalité de l’entreprise. C’est pourquoi, loin de nier l’importance et la portée du dialogue social, nous avons souhaité graver dans le marbre un certain nombre de principes fondamentaux et respectueux de la vie de nos concitoyens.

Une autre objection est évoquée de façon récurrente. Notre proposition d’une tarification adaptée aux risques et de sanctions supplémentaires envers les entreprises qui contournent les règles de sécurité ne fait pas l’unanimité, au motif que ces mesures viendraient obérer la profitabilité de ces entreprises.

Plus que jamais - nous le vivons au quotidien -, le travail des salariés sert de variable d’ajustement pour toujours plus de rentabilité à court terme, portant à son extrême son intensification, sa flexibilité et sa précarisation.

Pis encore, se développe de plus en plus aujourd’hui l’externalisation des productions à risque vers les entreprises sous-traitantes et d’intérim et les pays dits « à bas coût ». C’est d’ailleurs ce qui me fait douter de la possibilité d’une réelle coopération entre les entreprises majeures et les sous-traitantes, comme cela nous est proposé.

D’ailleurs, de grands groupes, et non des moindres, n’hésitent pas, pour atteindre les objectifs précités, à adopter des attitudes délictueuses et particulièrement cyniques que je voudrais rappeler.

Ainsi, les responsables de la firme Arkema, dans une circulaire destinée aux différentes directions des ressources humaines, détaillent toutes les mesures à prendre pour contourner les procédures de reconnaissance des maladies professionnelles, au motif que celles-ci pèsent sur la charge financière des AT-MP de l’entreprise !

L’attitude du groupe Alstom est tout autant condamnable. Je me permettrai de citer l’avocate générale près la cour d’appel de Douai, dont les réquisitoires sont très instructifs : elle rappelait ainsi en décembre dernier que la direction du groupe, au travers d’une note destinée aux actionnaires, argumentait que, en matière d’amiante, il n’y avait pas de risques de perte de rendement de leurs actions puisque les réparations dues aux victimes seraient prises en charge par la sécurité sociale. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, n’est-ce pas absolument scandaleux ?

Quant aux PME-PMI, je souhaite attirer votre attention sur ce point, mes chers collègues : nous avons pris la précaution de mesures adaptées à leur réalité économique.

J’en viens à la troisième objection, selon laquelle nombre d’articles de cette proposition de loi ont déjà fait l’objet d’une lecture lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela indique pour le moins, vous en conviendrez, une certaine persévérance de notre part !

Cette objection me permet aussi d’évoquer le rôle et le poids que devrait avoir, chaque année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

À la suite des deux missions parlementaires relatives au drame de l’amiante, nous aurions pu nous attendre à une plus large prise en compte de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Or le débat se concentre uniquement autour de trois articles de financement, qui concernent le budget du FCAATA, celui du FIVA et le montant de la réversion de la branche accidents du travail et maladies professionnelles à la sécurité sociale, au lieu de s’élargir à toutes les grandes questions posées par les rapports parlementaires. Ce n’est, convenez-en, qu’au détour des amendements déposés par notre groupe, ainsi que par nos collègues socialistes et Verts, que nous avons pu jusqu’alors continuer à susciter un débat public sur ce sujet. Malheureusement, et permettez-moi encore de le regretter, le nouveau règlement du Sénat relatif à la discussion des amendements en séance ne nous permettra plus de le faire, puisque ceux-ci vont disparaître, sanctionnés par l’article 40 de la Constitution dès le dépôt en commission.

Madame la secrétaire d’Etat, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui a tout de même permis de revenir sur cette grave question et de lui donner une nouvelle résonnance devant le Parlement.

Même s’il faut accorder importance et légitimité à la négociation entre partenaires sociaux, je tiens à dire encore une fois que la responsabilité de la représentation nationale doit rester fortement engagée dans le domaine de la santé au travail. Mme Blandin vient de le rappeler fort justement, en évoquant la réponse cynique faite par le directeur de l’usine Arcelor de Dunkerque à une question posée par la mission sénatoriale.

Je souhaite simplement citer, pour qu’il résonne dans nos têtes, le jugement du Conseil d’État de mars 2004, qui a confirmé la responsabilité de l’État et a condamné ce dernier à indemniser les victimes de l’amiante sur le fondement de la faute pour carence de l’action de l’État dans le domaine de la prévention des risques liés à l’exposition professionnelle à l’amiante. Ces manquements sont constitués par l’absence de réglementation spécifique avant 1977, puis par une réglementation insuffisante et trop tardive par la suite. Est ainsi sanctionnée, aux termes de ce jugement, l’inapplication par l’État des principes de prévention et de précaution.

Je tiens à remercier notre rapporteur, Mme Sylvie Desmarescaux, pour la qualité de l’examen réservé à notre proposition de loi, Mme la secrétaire d’Etat pour ses réponses et l’appréciation qu’elle a faite de notre travail, ainsi que l’ensemble de nos collègues pour la qualité de leurs interventions, leurs apports au débat et les réflexions nouvelles dont ils ont été les auteurs. Je ne peux néanmoins suivre les conclusions du rapport. Je voterai donc, avec mon groupe, contre les conclusions négatives du rapport de la commission des affaires sociales sur ma proposition de loi.

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