Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Un débat qui pose aussi la question des moyens humains et financiers

Fin de vie -

Par / 13 février 2014

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en préambule, je me permettrai une remarque de forme.

Si nos collègues du groupe écologiste ont déposé le présent texte, c’était pour que son examen aille à son terme. Une motion de renvoi en commission a été déposée et sera, selon toute vraisemblance, adoptée. Cette procédure, fût-elle utilisée avec l’accord des auteurs de cette proposition de loi, est contraire à l’idée que nous nous faisons des niches parlementaires. Pour notre part, nous considérons qu’il s’agit là d’un contournement de la procédure législative, qui affaiblit le Sénat.

M. Yvon Collin. Ça, c’est vrai !

Mme Laurence Cohen. Je le dis en toute franchise : il eût été plus judicieux de demander la tenue d’un débat. Cela étant, je n’irai pas plus loin dans mes explications sur cette question de méthode. Ma collègue Éliane Assassi exposera plus en détail notre position sur ce point, en s’exprimant contre la motion de renvoi en commission.

J’en viens au débat de fond.

Au sein du groupe CRC, nous sommes unanimes à reconnaître la nécessité qu’il y a aujourd’hui à renforcer le droit existant, à savoir la loi Leonetti, encore trop méconnue des équipes médicales comme des patients.

Il apparaît tout d’abord que nos concitoyens restent inégaux face à l’accès aux soins palliatifs. En 2012, Édouard Ferrand, chercheur en éthique médicale et responsable de l’unité mobile de soins palliatifs à l’hôpital Foch de Suresnes, a analysé 1 500 dossiers de patients décédés dans l’ensemble des services d’un centre hospitalier universitaire parisien entre 2005 et 2009. Ses travaux l’ont conduit à cette conclusion : malgré l’adoption, sept ans auparavant, de cette loi sur la fin de vie, 74 % des patients décédés dans cet établissement qui auraient dû bénéficier de soins palliatifs n’y ont pas eu accès. Ces soins n’ont été décidés que dans 39 % des cas, et seulement 25 % des patients en ont bénéficié dans les faits.

Pis, cette étude révèle que les soins palliatifs ne sont dispensés que dans les derniers instants : en moyenne, ils ne seraient proposés que dans les deux derniers jours de vie.

Mes chers collègues, cette inégalité est également territoriale. Selon l’Observatoire national de la fin de vie, l’ONFV, cinq régions concentrent les deux tiers des lits d’unités de soins palliatifs.

Les membres du groupe CRC, qu’ils soient ou non favorables à l’instauration dans notre droit national d’une disposition légalisant l’euthanasie, sont persuadés qu’il faut enfin rendre pleinement effectif le droit existant. Or on en est loin ! Comment pourrait-il en être autrement quand – toujours selon l’ONFV – seulement 2,5 % des médecins sont formés aux soins palliatifs et aux techniques d’accompagnement des proches qui y sont associées ? Et il faudrait encore étendre ce constat aux équipes médicales tout entières !

En commission, il a été beaucoup question des moyens humains et financiers nécessaires pour mener à bien ce chantier. Curieusement, une certaine unanimité s’est dégagée, au-delà des clivages politiques. Cette situation n’a pas manqué de m’étonner.

En effet, nous nous sommes sentis bien seuls lors du vote de l’ONDAM – objectif national des dépenses nationales d’assurance maladie – pour 2014, dont le niveau était historiquement bas, et par conséquent dangereusement insuffisant pour répondre aux besoins d’un hôpital du XXIe siècle.

Je n’oublie pas non plus le vote négatif du Sénat – exception faite des sénateurs des groupes CRC et écologiste – sur la proposition de loi que j’ai défendue et tendant à instaurer un moratoire sur les fermetures ou les regroupements de services et d’établissements de santé.

Aussi, je me réjouis de cette nouvelle prise de conscience. Elle devrait nous permettre de voter un ONDAM plus ambitieux pour 2015, et de répondre ainsi aux exigences de soins de qualité tout au long de l’existence, de la naissance à la fin de vie.

Madame la ministre, nous souhaiterions vous interroger sur les moyens que vous entendez mettre en œuvre pour que, enfin, la loi Leonetti soit mieux connue, mieux respectée et réellement appliquée. Pourquoi les décrets d’application n’ont-ils pas été pris ?

Outre la question de la formation des médecins, les membres de la Haute Assemblée partagent une exigence commune : que les professionnels de santé, qui interviennent au quotidien dans un contexte difficile, bénéficient d’une véritable sécurité juridique. Là encore, c’est loin d’être le cas. L’étude que j’ai déjà citée met en lumière le fait que la personne de confiance censée recevoir la volonté du patient n’a été consultée que dans 6 % des cas.

Et que dire des dossiers incomplets ! Dans seulement un quart des cas, les dossiers médicaux font explicitement mention des décisions de limiter ou d’arrêter le traitement prescrit. Cette situation tient, elle aussi, à un défaut de formation des professionnels de santé. Elle est également liée au déficit de personnel dont souffrent nos hôpitaux. Cette situation conduit à reléguer au second plan les démarches administratives quand bien même celles-ci sont indispensables pour garantir les droits des patients et ceux de leurs proches, et pour sécuriser les équipes médicales.

J’en viens à la question fondamentale, placée au cœur du présent texte, à savoir l’inscription dans la loi d’un droit à bénéficier d’une assistance médicalisée à mourir.

Les sénateurs du groupe CRC ont beaucoup travaillé sur cette question, sous l’impulsion de notre collègue et camarade Guy Fischer. Si, en la matière, notre position n’est pas unanime, une très large majorité d’entre nous est, comme en 2011, favorable à l’adoption d’une telle réforme.

Cette mesure revient à sacraliser par la loi l’idée que nul n’est mieux placé que soi-même pour décider de ce que doit être sa fin de vie. C’est reconnaître la liberté individuelle et le respect absolu de la volonté de chacune et de chacun, dès lors que cette volonté ne s’impose pas aux autres. C’est reconnaître le même droit pour toutes et tous à décider, y compris de sa fin de vie. C’est admettre que sa propre humanité, sa propre vie n’appartiennent à personne d’autre qu’à soi-même.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Laurence Cohen. Il s’agit de réduire autant que possible des souffrances psychiques et physiques. Mais il s’agit également de reconnaître – et j’insiste sur ce point – que l’autre, notre proche, est toujours, tant que la loi en juge ainsi, une personne capable, dotée de discernement et d’un libre arbitre qu’il convient de respecter.

Oui, la fin de vie a une dimension philosophique, elle relève de l’histoire personnelle, de l’intime. Mais nous sommes ici pour élaborer des lois qui s’appliquent à tous.

Il est important de rappeler que plusieurs propositions de loi ont été déposées par des groupes de diverses sensibilités. Il aurait sans doute été plus efficace et plus pertinent de privilégier une proposition commune. Cela nous aurait peut-être permis d’aller plus loin dans cet accompagnement.

Notre groupe entend s’inscrire dans cette démarche commune, appelée à nous rassembler. Je me réjouis ainsi, comme l’ensemble de mon groupe, des propos tenus par Mme la ministre et qui font appel à cet esprit de responsabilité. C’est cet esprit qui doit nous amener à mettre en avant ce que nous partageons ici, au Sénat, au-delà de nos divergences politiques.

Les dernieres interventions

Affaires sociales Grand âge : le coup de com’ prend un coup de vieux

Diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie - Par / 28 mars 2024

Affaires sociales Pour de meilleures retraites, de meilleurs salaires pour les travailleurs agricoles

PPL visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles - Par / 19 mars 2024

Affaires sociales Maxi Puff, maxi danger pour la santé des jeunes

Proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique - Par / 8 février 2024

Affaires sociales Pour un véritable service public de l’autonomie

Proposition de loi pour bâtir la société du bien vieillir en France - Par / 30 janvier 2024

Affaires sociales Mieux dépister les troubles du neuro-développement

Proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neuro-développement (TND) - Par / 26 janvier 2024

Affaires sociales Vol au-dessus d’un nid d’anxiété

Ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale - Par / 18 janvier 2024

Affaires sociales Allocation autonome universelle d’études : coût ou investissement ?

Débat sur une proposition de loi proposée par le groupe écologiste au Sénat - Par / 14 décembre 2023

Affaires sociales Budget solidarité : un coup sérieux au pacte social

Vote des crédits Solidarité, insertion et égalité des chances pour 2024 - Par / 6 décembre 2023

Affaires sociales Les mesures prises depuis des années sont d’une inefficacité navrante

Représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes (conclusions de la CMP) - Par / 26 janvier 2022

Affaires sociales Certaines victimes de ces thérapies ont subi de véritables tortures

Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle (conclusions de la CMP) - Par / 20 janvier 2022

Administration