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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un texte qui s’apparente à une vaste opération de communication

Economie réelle (nouvelle lecture) -

Par / 21 février 2014

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à peine sortons-nous d’un débat de plus de trente heures sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale que nous sommes de nouveau réunis pour examiner la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle.

Ces conditions de travail, qui ne dépendent ni de Mme la présidente de la commission des affaires sociales ni de Mme la rapporteur, ne sont pas de nature à favoriser le travail parlementaire. De fait, la précipitation semble de mise et tout donne l’impression que, avec cette proposition de loi, il s’agit davantage d’organiser un grand plan de communication – disons même une opération d’affichage – que de s’attaquer réellement à l’emprise du capital sur le monde du travail.

Sans doute la reconquête de l’économie réelle est-elle un projet ambitieux, que nous soutenons. Seulement, pour l’atteindre, il faudrait prendre d’autres mesures : en finir avec le poids de la finance, qui compresse les salaires ; réduire la pression des actionnaires, qui empêche l’investissement dans l’innovation ; réduire le coût des banques et des emprunts, qui alourdit les charges des entreprises et les prive des leviers nécessaires pour investir dans la recherche et dans la modernisation des outils de production.

Pour reconquérir l’économie réelle, il aurait fallu, selon nous, introduire une véritable obligation de vente pour les entreprises qui veulent se débarrasser d’un site rentable. Trop souvent, en effet, des dizaines, des centaines, voire des milliers de salariés sont sacrifiés sur l’autel de la rentabilité !

Pour eux, cette proposition de loi sera dans la plupart des cas inopérante, ce qui n’aurait pas été le cas de la proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers, qu’une majorité de sénatrices et de sénateurs de gauche ont votée sur notre initiative.

De façon générale, cette proposition de loi nous paraît largement insuffisante, à plus d’un titre. En effet, il faut tenir compte des pratiques très souvent mises en œuvre par les dirigeants des grands groupes pour déresponsabiliser socialement les entreprises.

Ainsi, les grands groupes ont tendance à créer des filiales artificielles. Je les qualifie d’artificielles, car elles ne prennent leurs ordres que d’une entreprise, dont dépend la totalité de leur activité. Grâce à ce mécanisme, les groupes financiers gèrent de fait les entreprises et peuvent réduire leurs obligations légales et sociales.

Nous pensons qu’ils pourront aussi s’exonérer de l’application de l’article 1er de la proposition de loi, puisque l’obligation de rechercher des repreneurs ne concerne que les entreprises de plus de 1 000 salariés : en dessous de ce seuil, les dirigeants ne se voient imposer aucune contrainte en matière de recherche de repreneur. Au bout du compte, grâce à la multiplication des filiales, devenue pratique courante, cette obligation de recherche ne concernera, chaque année, qu’une poignée d’entreprises.

On sait également que les employeurs cherchent, depuis des années, à obtenir un éclatement du contentieux du travail, afin de sécuriser les licenciements en réduisant les droits des salariés. Le Gouvernement a déjà donné satisfaction au MEDEF avec l’accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi : en effet, les licenciements pour motif économique ont été élargis, alors qu’ils ne visent bien souvent qu’à accroître les marges ou les profits chers aux actionnaires.

Il poursuit dans cette voie en passant d’une obligation de vente à une obligation de recherche, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, et confie le contentieux non pas aux tribunaux de grande instance, comme il s’y était engagé, mais aux tribunaux de commerce, c’est-à-dire à une juridiction fortement contestée, et pas seulement par nous, composée exclusivement de dirigeants d’entreprise. C’est d’autant plus grave que ces juges spéciaux, qui manquent parfois de formation, pourront même moduler les seules sanctions économiques prévues par cette proposition de loi. La pénalité de 20 SMIC par emploi supprimé ne constitue qu’un plafond, par ailleurs dérisoire lorsque l’on mesure combien certains dirigeants de grands groupes sont volontairement prêts à payer dans le cadre des plans dits sociaux.

Qui plus est, cette proposition de loi méconnaît la capacité de certains employeurs à organiser une véritable optimisation sociale et fiscale mettant les territoires et les salariés en concurrence entre eux. C’est pourquoi je regrette que la majorité de gauche du Sénat et les députés aient refusé de rendre obligatoire le remboursement des aides publiques perçues par les employeurs qui licencient. Et les députés ont encore allégé la contrainte, en précisant qu’il ne s’agirait que du remboursement des aides pécuniaires. Les patrons ne s’y tromperont pas et n’hésiteront pas à solliciter des aides matérielles, en infrastructures notamment, plutôt que des aides financières.

Par ailleurs, qu’adviendra-t-il des exonérations de cotisations sociales, qui représentent également des aides importantes perçues par les entreprises ? Seront-elles considérées comme des aides financières et donneront-elles lieu à remboursement ?

Enfin, comment les personnes publiques seront-elles informées de l’existence d’une condamnation de l’entreprise ? C’est une question que nous avions soulevée et qui demeure sans réponse. Il y va pourtant de leur faculté à agir pour demander le remboursement des aides versées.

Tout cela, mes chers collègues, nous conduit, comme en première lecture, à ne pas voter cette proposition de loi, non que nous ne partagions pas son intention initiale, d’ailleurs beaucoup plus ambitieuse que le texte qui nous est proposé in fine, mais parce que nous ne voulons pas bercer d’illusions les salariés concernés par ce texte, qui nous semble trop timoré.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe CRC s’abstiendra sur cette proposition de loi.

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