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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une question de santé publique et de pouvoir d’achat

Qualité de l’offre alimentaire en outre-mer -

Par / 21 mai 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi doit être appréhendée, selon mon groupe, sous les deux angles de la santé publique et du pouvoir d’achat.

S’agissant de la santé publique, les chiffres qui nous ont été communiqués sont terribles : selon l’étude ObEpi-Roche, 32,3 % des adultes en métropole sont en surpoids, contre près de 40 % outre-mer ; 15 % d’entre eux sont considérés comme obèses dans l’Hexagone, contre 30 % outre-mer ; en métropole, moins de 5 % des enfants sont concernés, contre plus de 8 % outre-mer !

Ces chiffres ont été confirmés par d’autres études qui ont, elles aussi, souligné que le surpoids et l’obésité sont significativement plus élevés chez les femmes.

Par ailleurs, outre-mer, la prévalence de l’obésité et des autres pathologies associées – diabète, hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires – est plus élevée qu’en métropole.

L’État a tenté de prendre quelques mesures en direction des populations d’outre-mer, notamment dans le plan obésité 2010-2013, ou encore dans le programme national nutrition santé 2011-2015, dont vous avez parlé, monsieur le rapporteur.

Une des mesures préconisées dans ce programme visait à « faire en sorte que, pour une gamme comparable de produits, la teneur moyenne en sucre soit identique dans les territoires des départements d’outre-mer et en métropole ». Cela mettait en évidence la responsabilité des industriels de l’agroalimentaire dans la progression de l’obésité.

Hélas ! rien n’indique que cette recommandation ait été prise en compte. Vous le rappeliez à l’instant, monsieur le ministre : rien n’a été fait depuis la discussion à l’Assemblée nationale de la proposition de loi dont vous étiez l’auteur.

Ce sont non seulement les producteurs ultramarins qui sont visés, mais aussi les fabricants de l’Hexagone qui, pour leurs productions destinées à l’outre-mer, augmentent les taux de sucre.

Ainsi, un même produit d’une même marque comporte plus de sucre s’il est destiné à la Réunion, à la Martinique, à la Guyane ou à la Guadeloupe, que s’il était vendu à Strasbourg, Toulouse, ou même à Grenoble, pour citer une ville du département dont je suis l’élue. Cette différence peut aller jusqu’à 50 %, au nom d’une supposée appétence des populations d’outre-mer pour le sucre. L’argument est complètement faux. Il est même méprisant pour ces populations qui, en réalité, n’ont pas vraiment le choix, puisque tous les produits de consommation sont plus sucrés sur ces territoires qu’en métropole.

Il n’est pas non plus possible de cautionner l’explication avancée dans l’introduction du programme national nutrition santé, selon lequel « la spécificité de la situation alimentaire en outre-mer est étroitement liée aux particularités culturelles et économiques mais aussi aux particularités géographiques et climatiques, donc aux productions agricoles ».

Ainsi, au prétexte que l’outre-mer produit du sucre, les populations d’outre-mer devraient en consommer plus !

On peut, en revanche, s’arrêter un instant sur ce que sont les « particularités économiques » de l’outre-mer. Un rapport de l’Agence française de développement, l’AFD, a mis l’accent sur l’indice de développement humain, ou IDH, dans tous les outre-mer. Cet indicateur prend en compte des données de 2010 relatives à l’éducation, aux revenus mais aussi à la santé.

En les comparant aux résultats enregistrés dans l’Hexagone, nous ne pouvons que constater que les retards sont flagrants : ils se montent à vingt ans, en moyenne. La Réunion, elle, accuse un retard de vingt-cinq ans. Pour la Guadeloupe, le retard se monte à douze ans, et pour la Polynésie, à vingt-huit ans !

Bien évidemment, cela se traduit aussi dans le PIB : en moyenne, pour l’année 2009, les PIB des départements d’outre-mer sont inférieurs de 75 % à la moyenne des PIB de l’Union européenne.

Le contexte socioéconomique est donc extrêmement difficile. La question du coût de la vie et du pouvoir d’achat est particulièrement importante. Récemment, comme l’avaient fait il y a quelques mois les habitants des Antilles et de la Réunion, les Calédoniens sont descendus dans la rue pour manifester contre la vie chère.

En outre-mer, une grande partie de la population vit avec un faible pouvoir d’achat, alors que le coût de la vie y est nettement supérieur à la moyenne nationale. Il y a là une inégalité inacceptable, qui en entraîne une autre, tout aussi inadmissible.

En effet, une analyse a montré que plus le niveau de revenus était élevé, moins la prévalence de la surcharge pondérale était importante. Par voie de conséquence, malheureusement, plus le pouvoir d’achat est faible, plus la prévalence de l’obésité est importante. Pour des raisons financières, en plus d’hésiter à se faire soigner, les familles les plus modestes ne peuvent acheter de produits alimentaires dits sains.

Il existe une troisième injustice, tout aussi inacceptable. Je veux parler de la question des dates limites de consommation. Comment peut-on justifier que certains produits périssables, comme les yaourts, aient une date de péremption plus longue en outre-mer qu’un produit identique, de même marque, vendu sur le territoire métropolitain ? Cet écart, mes chers collègues, peut parfois atteindre vingt-cinq jours !

Je dois le dire, mes chers collègues, monsieur le ministre, c’est cette inégalité qui m’a le plus étonnée. Il n’y a aucune raison à ce que les dates de péremption soient différentes. Vous citiez l’exemple du reblochon, monsieur le ministre, pour lequel je ne vois vraiment pas comment deux dates de péremption différentes peuvent être fixées !

Cette loi, si elle est adoptée, va donc permettre de supprimer non seulement quelques injustices, mais également des inégalités, ce qui est le plus important.

Néanmoins, il reste encore beaucoup de travail pour faire reculer le surpoids et l’obésité, et, ainsi, réduire les risques de maladies cardiovasculaires.

Il conviendrait, par exemple, de prendre les dispositions nécessaires pour que les préconisations du programme national nutrition santé soient enfin mises en œuvre.

Celui-ci proposait, je le rappelle, d’« agir sur l’offre alimentaire en milieu scolaire », « de valoriser les ressources et la production agroalimentaire locales » ou d’« agir sur le dispositif d’aide alimentaire ».

C’est bien la question de l’approvisionnement des marchés qui se pose. L’article 4 de la présente proposition de loi vise à promouvoir les denrées issues des circuits courts de distribution, afin de favoriser l’approvisionnement des sites de restauration collective en produits frais et de saison.

L’intention est louable ; on ne peut qu’y adhérer. Mais – faut-il le rappeler ? – la loi Grenelle 1 ou la loi de modernisation agricole, entre autres, envisageaient déjà cette possibilité.

Or, comme souvent, les dispositions permettant de prendre en compte les spécificités de l’outre-mer n’ont jamais été prises. Ces spécificités ont trait à l’étroitesse des marchés locaux et à l’éloignement de ce que l’on appelle les « grands marchés », qui sont – histoire oblige – ceux de la France métropolitaine et de l’Europe.

Comme nous l’a souvent expliqué mon collègue et ami Paul Vergès, cette situation de dépendance économique est la traduction d’un développement qui s’est toujours fait dans le même sens : les anciennes colonies avec la « mère patrie », puis avec l’Europe.

Derrière cela se trouve donc la question des accords de partenariat économique. Bien évidemment, il s’agit, avant tout, de promouvoir la production locale. Celle-ci doit être non seulement préservée mais surtout renforcée pour promouvoir des prix supportables, dans l’intérêt des consommateurs.

On ne peut donc occulter la question de la diversification des sources d’approvisionnement. Cela doit se traduire par la prise en compte de la situation spécifique de la Réunion et des autres départements d’outre-mer, dans le cadre des accords de partenariat économique. C’est un chantier qu’il reste encore à mener à terme. Monsieur le ministre, le groupe CRC compte sur votre action ferme et déterminée pour faire valoir ces spécificités.

Pour l’heure, le groupe CRC votera la présente proposition de loi sur l’offre alimentaire en outre-mer.

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