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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une recherche autorisée mais encadrée

Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires -

Par / 15 octobre 2012

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen par notre assemblée de la révision des lois de bioéthique s’éclaire du prix Nobel de physiologie et de médecine 2012 qui apporte des perspectives au sujet dont nous débattons ce soir.

Avec mes collègues du groupe CRC, je m’étais opposé au projet défendu par l’ancien gouvernement, à savoir le maintien d’un principe d’interdiction de la recherche embryonnaire, assorti d’éventuelles dérogations.

Avec d’autres, au-delà des rangs de la gauche – je pense notamment à notre rapporteur d’alors, Alain Milon, qui très courageusement avait porté un texte honorant la position de la commission des affaires sociales –, nous avions soutenu le principe d’une autorisation encadrée de la recherche, une voie qui, faut-il le rappeler, était retenue à la fois par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et par le Conseil d’État.

Ayant soutenu cette démarche au sein de notre commission et en séance publique, vous comprendrez naturellement qu’aujourd’hui, comme il l’a fait voilà un an, le groupe CRC vote en faveur de cette proposition de loi – nous sommes constants dans nos positions.

M. Jean Desessard. Nous comprenons !

M. Guy Fischer. Ce vote, mes chers collègues, repose sur les deux principes fondamentaux et incontournables de ce qui deviendra, je l’espère, le nouveau régime légal : une recherche autorisée mais encadrée.

Le basculement d’un régime d’interdiction avec dérogations vers un régime d’autorisation encadrée met fin, cela a déjà été affirmé avec force par Mme la ministre et par M. le rapporteur au sein de la commission placée sous l’autorité de Mme la présidente Annie David, à une situation absurde, inefficace et hypocrite.

Nous le savons tous, et les scientifiques que nous avons auditionnés en 2011 en ont témoigné, dans les faits, toutes les demandes de recherches qui ne soulevaient pas de problèmes éthiques et visaient une finalité thérapeutique étaient, à titre dérogatoire, autorisées.

Certains invoquent d’ailleurs cet argument comme prétexte pour ne pas basculer vers un régime d’autorisation encadrée. Or, nous le savons, cette position a fait perdre du temps aux scientifiques français et a rendu leur pratique plus complexe. Mais elle est aussi hypocrite et, d’une certaine manière, elle jette sur les scientifiques conduisant des recherches sur l’embryon une suspicion permanente. Si cette proposition de loi est adoptée, cette suspicion n’aura plus de raison d’exister, car les critères requis pour une autorisation sont tout aussi importants et contraignants que les critères existants.

M. Philippe Bas. Pas exactement !

M. Guy Fischer. Cela est bien normal lorsqu’on mesure l’importance de ces recherches sur l’avenir de la santé humaine et ce sur quoi elles portent.

Toutes les conditions sont réunies pour que, demain, aucun scientifique ne puisse se comporter comme un apprenti sorcier.

Je pense notamment, en disant cela, à la règle selon laquelle aucune recherche ne pourra être menée si celle-ci n’est pas pertinente et n’a pas de finalité médicale. Les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, parce qu’elles portent en quelque sorte sur les prémices de la vie humaine, ne doivent avoir qu’un objectif, faire en sorte que les conclusions auxquelles elles aboutissent profitent à l’humanité tout entière, en apportant des réponses à des patients qui ne bénéficient aujourd’hui d’aucun traitement efficace. Je fais d’ailleurs toute confiance à l’Agence de la biomédecine.

Je pense également à la disposition qui prévoit que la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires doit être non pas une finalité en soi, mais une possibilité offerte à la science à un moment donné. Si, demain, des recherches identiques peuvent être menées sur d’autres modèles, en particulier des animaux, alors cette recherche sera privilégiée à la recherche embryonnaire.

J’en viens enfin à une autre condition, qui me paraît être la plus fondamentale, celle de la limitation de la recherche aux seuls embryons surnuméraires et ne faisant plus l’objet d’un projet parental. Beaucoup l’ont déjà dit, à l’instar du généticien Axel Kahn, l’embryon est une potentialité de vie. Certains voient en lui la vie, quand j’y vois pour ma part ses prémices, une possibilité. Bien que ne partageant pas l’avis de mes collègues, je le respecte. D’ailleurs, nous pouvons tous convenir ici, malgré nos différences, que, compte tenu de la singularité de l’embryon, il faut le respecter.

Toutefois ce respect ne doit pas conduire à exclure la recherche. En effet, si le fait de conserver congelé un embryon surnuméraire pendant plusieurs semaines, voire des années, ne lui retire pas sa potentialité biologique de devenir un être humain, il faut encore, pour qu’il le devienne, qu’il fasse l’objet d’un projet parental, c’est-à-dire qu’un couple décide de faire en conscience d’une matière possiblement humaine un enfant. Or les recherches dont il est question ici porteront seulement sur des embryons qui ne font pas l’objet d’un projet parental, autrement dit des embryons qui sont voués tôt ou tard à perdre toute potentialité humaine.

Mes chers collègues, cette proposition de loi me semble équilibrée : elle est le garant d’avancées scientifiques tout en maintenant un cadre éthique qui est de nature à protéger les convictions de chacun. Elle pose le principe d’un régime d’autorisation qui, j’en suis convaincu à la lecture du dispositif juridique prévu, contient les conditions suffisantes pour éviter les errements redoutés par certains.

Ce texte permet également, et je sais que, au-delà de nos différences, nous y sommes tous particulièrement attachés, d’empêcher la marchandisation de l’embryon. La loi réaffirme le principe de l’interdiction de la fabrication d’embryons qui n’auraient pas initialement de finalité humaine. Seuls les embryons surnuméraires pourront être utilisés. Il sera donc interdit de fabriquer des embryons comme on fabrique des tissus humains ou des amas de cellules, précisément afin que l’embryon ne soit pas réduit à une structure « chosifiable ».

À cet égard, et parce nous, les membres du groupe CRC partageons pleinement la position de Lucien Sève, philosophe et ancien membre du Comité consultatif national d’éthique, qui affirmait : « La façon de traiter [l’embryon] engage […] inexorablement la façon de traiter l’humanité », nous considérons que, compte tenu des conditions et garanties qui sont posées dans cette proposition de loi, les conditions sont réunies pour permettre le développement d’une recherche profitable aux hommes et respectueuse de l’humanité. Aussi, nous voterons le présent texte.

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