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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Vous avez abandonné le « bien commun » et épousé le « bien servir » des compères du Fouquet’s

Réforme des retraites : explication de vote sur la question préalable -

Par / 6 octobre 2010

Je vous ai écouté, Messieurs les Ministres, sur ce que vous appelez par effraction à la langue, la réforme de la retraite que nous rejetons telle quelle, comme la majorité des français.

Depuis des mois, après un virage à 180° de Monsieur Sarkozy, vous « managez » la vie des femmes et des hommes pour les priver de leur retraite dans les conditions et à l’âge conquis voici 30 ans.

Vous avez tout décidé en cercle fermé et limité votre démocratie, votre démocrature, à la seule question posée aux syndicats, c’est à prendre ou à laisser.

Vous avez aussi blessé le travail législatif et renforcé l’omnipotence présidentielle pour mettre au point entre vous une politique canine des retraites ne respectant pas l’humain.

Vous avez -ce n’était pas prévu au début- ajouté une destruction programmée de la médecine du travail en lui imposant de faire le tri sélectif des retraités handicapés physiquement et en la contrôlant.

Au cœur de tout cela votre imagination contrainte n’a trouvé qu’un mot, la pénibilité. Au cours du débat nous déverrouillerons ce mot « vent debout ». Le chercheur Robert Castel pense qu’il y a des métiers justifiant de partir à 50 ans. Mais il a pour la pénibilité une autre grille de travail que la vôtre, une grille humaine.

Votre grande affaire est de mettre la main sur l’âme des salariés comme si elle était à acheter.

Vous utilisez la crise pour mettre en route autoritairement un vaste plan de son paiement à 85 % par les travailleurs. Vous utilisez les technologies comme un « fatum » naturalisant votre solution au rabais.

Vous mettez notre pays à l’envers. Ce n’est pas au maire de Chantilly que je demanderais l’effet que lui ferait la tenue d’une course hippique où les jockeys porteraient les chevaux.

Enfin, et surtout, vous oubliez le fondamental de toute démarche concernant le travail, sa considération.

Soyons précis, certains parmi le cercle présidentiel, Jean-François Copé et les deux Xavier, Bertrand et Darcos, aujourd’hui vos soutiens actifs avaient, quand éclata l’affaire inhumaine des suicides de France Télécom, diligenté des études sur ce qu’on appelle en croyant faire le tour du problème, la « souffrance au travail ». Jean-François Copé s’était même scandalisé parlant d’un problème majeur.

Actuellement, ils jouent à colin-maillard sur cette ébauche à courte vue de solution exigée par les suicides de France Télécom que le directeur d’alors osa assimiler à une mode.

En fait vous vous êtes repliés sur des solutions préparées à l’avance qui « trichent avec le réel », tout en parlant de cicatriser la douleur du personnel. Vous préférez le concept de « souffrance au travail » à celui de « maladie du travail » consécutive aux politiques du Medef qui semble désormais siéger au gouvernement. Vous avez abandonné le « bien commun » et épousé le « bien servir » des compères du Fouquet’s.

La « maladie du travail » exige de soigner le travail.

Un forestier de l’Office National des Forêts, où il y a eu 22 suicides en 7 ans, a parfaitement énoncé l’ordonnance : « On a appris un métier et ce que l’on nous demande de faire aujourd’hui est contraire à la qualité de ce métier ».

Beaucoup de travailleurs ne peuvent plus assurer la qualité de leur travail d’où leur souffrance. Le travail, sa raison d’être, sa finalité, son sens dans la vie humaine, son utilité, sa dignité, sa fierté sont mises en cause, la retraite aussi.

Vous laissez empoisonner la vie même des travailleurs, et dans un même mouvement le dossier des retraites. Le travail n’est pas un produit toxique, c’est de ne pas pouvoir le faire correctement qu’il l’est. Avant la retraite quand on respire mal au travail, on respire mal pendant le temps libre qui vire au temps mort qu’on cherche à remplir à tout prix. Les circuits financiers y compris sous la formule de « travail immatériel » s’emparent du travail humain et rêvent de s’emparer de la retraite avec entre autre… un objectif de privatisation. Monsieur Longuet a été clair sur ce point.

La retraite, c’est aujourd’hui une dimension importante de la vie. La première partie de la vie c’est la formation, la deuxième c’est la vie active, la troisième c’est la retraite qui n’est aucunement un retrait de la vie.

Yves Clot, chercheur au CNAM, titulaire de la chaire de psychologie du travail vient d’écrire « Le travail au cœur » à La Découverte. Il y dit : « La question est que les travailleurs se reconnaissent de moins en moins dans ce qu’ils font ce qui produit une inflation de la demande de reconnaissance ».

C’est une déchirure de leur vie d’autant que le lien social s’évapore à proportion du rôle des experts qui ne pensent que gestion, droits individualisés et compassion.

C’est inscrit dans la stratégie de Madame Parisot dont on ne peut oublier qu’à la place où elle est, elle n’a pas hésité à dire : « L’amour est précaire, la santé est précaire, la vie est précaire, pourquoi pas le travail ». Elle n’a pas encore osé dire « pourquoi pas la retraite ! ». Ce sont des propos péniblement pénibles, c’est une pensée de décivilisation.

C’est une pensée qui combat le « pouvoir d’agir », nourrit une logique d’évitement et de résignation. Je préfère la colère qui va avec « pouvoir d’agir » et homme debout.

Il y a un homme debout que personne ne peut contester, c’est Primo Lévy qui dans son livre « La clef à molette » évoque le lien qu’il y a entre le « bien être » et les exigences du « bien faire » au travail.

Le monde du travail s’est transformé quand les travailleurs s’en sont occupés autrement que par la déploration.

Rencontrant ce week-end une sage-femme, profession de vie s’il en est, elle m’a dit parlant de la maladie de son travail : « Parfois, tellement c’est difficile, je me prends à changer de personnalité ».

Relisant un beau livre, écrit par trois conducteurs de train et un médecin de la SNCF (Edition La Dispute), où ils réfléchissent sur leur métier, j’ai retenu leur raisonnement : « Notre travail est le gisement de l’efficacité ferroviaire. A lui opposer trop exclusivement les impératifs d’une gestion qui tourne le dos au travail, on menace de tarir ce gisement. A négliger les impératifs du travail humain, la gestion financière joue contre elle-même ».

Le médecin philosophe Georges Canguilhem a dit : « L’homme est plein à chaque minute de possibilités non réalisées ». « Ayant leur ‘ pouvoir d’agir ‘, les femmes et les hommes peuvent se trouver « une tête au-dessus d’eux-mêmes ».

Messieurs les Ministres, n’oubliez pas que dans leur diversité, « ceux qui se lèvent tôt », et que vous voulez faire partir plus tard en retraite, ceux qui travaillent en « connaisseurs », peuvent « retourner » la situation dégradée dans laquelle ils agissent malgré tout. C’est vous qui connaîtrez alors de la pénibilité politique.

Dans le groupe auquel j’appartiens nous avons tous le travail parlementaire à cœur et nous ne vous laisserons pas contaminer « le temps libre » qu’est la retraite.

Comme le dit le poète Bernard Noël : « Nous vivons une faillite à l’époque où nous devrions vivre une renaissance ».

Au travail ici au Parlement et sur les lieux de travail ! et laissez-nous travailler !

Le groupe CRC-SPG votera la motion tendant à opposer la question préalable que notre collègue Annie David, sénatrice de l’Isère, a si bien, si minutieusement et si humainement exposée.

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