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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce projet de budget est surtout marqué par la logique de réduction de la dépense publique

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 : question préalable -

Par / 9 novembre 2015

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je montrerai dans mon intervention qu’il n’y a pas lieu de débattre d’un budget qui contredit sur bien des points les fondements mêmes de notre système de protection sociale.

Je veux toutefois dire d’abord un mot du contexte de travail dans lequel nous évoluons depuis le 14 septembre dernier, date de reprise de nos travaux. En moins de deux mois, nous avons étudié quatre textes complexes et parfois sensibles relevant de la commission des affaires sociales : le projet de loi relatif à la santé, la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

Nous avons ainsi examiné – si l’on peut dire – quelque 2 031 amendements ! Or voici que, pris dans ce tourbillon de réunions, d’auditions, de commissions diverses et variées s’enchevêtrant d’ailleurs les unes les autres, nous devons examiner ce texte structurant qu’est le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Mes chers collègues, où est le recul nécessaire qui faisait la qualité des travaux de la Haute Assemblée ?

En outre, parallèlement, force est de constater que bien des sujets d’importance échappent au Parlement. Ainsi, nous découvrons dans la presse, comme tout un chacun, le contenu d’un accord sur les retraites complémentaires qui plombera encore les revenus des retraités et futurs pensionnés et fera porter sur eux seuls les efforts de redressement des comptes sociaux.

De même, nous découvrons un accord qui allonge d’un an la durée de cotisation nécessaire pour avoir effectivement le droit de partir à la retraite ; quand on peut perdre presque une mensualité de prestation en partant à la retraite à 62 ans plutôt qu’à 63 ans, qui, à part peut-être le Président de la République, oserait soutenir que l’on a un droit d’option ?

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, dite « loi Fillon », avait institué ce rendez-vous particulier, qui donne en fait la main au Medef, et c’est son application qui bafoue aujourd’hui le Parlement. Pourtant, le Gouvernement se félicite de ce nouveau recul et la droite veut même le généraliser…

Par ailleurs, mes chers collègues, ce PLFSS ne répond pas aux vraies questions. Notre système de sécurité sociale distribue certes des prestations pour un montant supérieur au budget de l’État, mais on exagère toujours la gravité de sa situation financière, afin de justifier de nouvelles réductions des prestations fournies aux salariés, aux assurés sociaux, aux familles ou encore aux retraités.

Selon vos propres chiffres, madame la ministre, le régime général de sécurité sociale devrait présenter en 2015 un déficit de 9 milliards d’euros pour un montant prévu de dépenses de 348 milliards d’euros. Cela correspond environ à un déficit de 2,6 %, c’est-à-dire l’équivalent d’un découvert bancaire de moins de 40 euros pour un salarié percevant 1 500 euros mensuels nets ! Tout est dit…

La vraie question qui se pose à la sécurité sociale ne réside pas dans l’excès de dépenses, même s’il faut agir plus fortement sur les prix de médicaments pratiqués par un certain nombre de groupes pharmaceutiques. La vraie question est bien celle des recettes, victimes à la fois de la fiscalisation des ressources et de la multiplication des allégements de cotisations sociales patronales.

Or ces allégements continuent d’exploser. En effet, écoutez ces chiffres, mes chers collègues : de 23 milliards d’euros en 2015, ils vont passer à 33 milliards d’euros en 2016, avant d’atteindre 41 milliards d’euros en 2017, dans le cadre du pacte de responsabilité ; voilà la vraie raison du « trou de la sécurité sociale » ! Et quels résultats ont ces exonérations de cotisations patronales ? Quelque 6 millions de chômeurs !

Ambroise Croizat, le père de cette institution – le métallurgiste savoyard communiste devenu, à la Libération, le ministre communiste du travail du général de Gaulle – le disait déjà : « Faire appel au budget de l’État, c’est inévitablement subordonner l’efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières, qui risqueraient de paralyser les efforts accomplis. » Nous partageons toujours, pour notre part, cette méfiance du fondateur de la sécurité sociale à l’endroit de l’intervention de l’État dans le financement et la gestion de la sécurité sociale.

Assujettir la sécurité sociale à la trop fameuse « trajectoire des finances publiques » contenue dans le pacte budgétaire européen et traduite, dans notre pays, dans la loi de programmation des finances publiques, c’est faire fi de ce qui est l’essence même de son existence : une contribution décisive, sous forme de prestations, au bien-être de l’ensemble de la population, ces prestations participant elles-mêmes à la croissance économique et au progrès social. Voilà un cercle qui serait vertueux !

En effet, le redressement économique de la France après la Libération a aussi été la conséquence du choix opéré par notre pays de disposer d’une sécurité sociale de haut niveau et de caractère universel. Ce système palliait les accidents et les événements de la vie et évitait tant aux salariés qu’à leur famille de sombrer dans la misère si l’emploi avait été perdu ou si l’âge de la retraite avait sonné.

A contrario, avez-vous remarqué, mes chers collègues, madame la ministre, que toutes les lois ayant conduit au recul des droits sociaux ont apporté des périodes de récession ou de ralentissement économiques ? Et que, au cours des deux dernières décennies, nos comptes sociaux n’ont retrouvé – de manière temporaire – la voie de l’équilibre, voire de l’excédent, que pendant la période comprise entre 1997 et 2001, pendant laquelle les lois de réduction et d’aménagement du temps de travail ont eu des effets décisifs ?

Il a suffi que François Fillon, durant le premier gouvernement Raffarin, déconnecte l’exonération de cotisations sociales et la réduction du temps de travail pour que l’on observe de nouveau, d’une part, un décalage entre les dépenses et les recettes de la sécurité sociale, et, d’autre part, les premières mesures d’austérité.

Le PLFSS pour 2016 n’échappe malheureusement pas à ces travers. Entre des objectifs de dépenses intenables et irréalistes, niant les réalités déjà très contraintes des hôpitaux, par exemple, des objectifs flous de santé publique, alors même que la fameuse compétitivité de notre économie dépend fondamentalement de la situation sanitaire de la population salariée, et diverses « mesurettes » d’ajustement de fiscalité, où est la visée ? Où est l’objectif ?

Sur quoi peut se fonder la discussion d’un texte qui, pour ne donner que quelques exemples, ne conteste pas l’assujettissement des retraites à la contribution sociale généralisée – la CSG – et à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, ce qui finit par rendre complexe l’adhésion obligatoire aux organismes de protection sociale complémentaire et à mettre en cause le caractère positif, pourtant évident, du tiers payant ?

Si l’on excepte quelques mesures favorables, telles que la gratuité totale de la contraception, la prévention infantile de l’obésité, la prise en charge intégrale du dépistage du cancer du sein ou encore la généralisation de la garantie contre les pensions impayées, ce projet de budget est surtout marqué par la logique de réduction de la dépense publique. Or, je le répète, cela entre en contradiction totale avec l’ambition originelle de la sécurité sociale, qui visait à assurer le bien-être de tous, de la naissance à la mort.

Nous ne connaissons que trop les piteux résultats de cette orientation : des retards dans le traitement des dossiers de retraite dans certaines régions, comme celle dont je suis l’élu, d’où des retards dans la perception des pensions et des allocations des plus modestes et des économies sur les prestations sociales, avec des coupes claires dans les allocations familiales et les dépenses d’assurance maladie – quelque 3,4 milliards d’euros, notamment pour les hôpitaux publics, qui sont pourtant déjà exsangues. Ma collègue Laurence Cohen vous en parlera plus en détail lors de son intervention.

Ainsi, la droite n’a plus eu qu’à s’engouffrer dans ce sillon déjà tracé pour imposer en commission le report à 63 ans de l’âge de la retraite et l’abrogation des jours de carence pour le personnel hospitalier, pourtant déjà bien à la tâche.

Vous l’aurez compris, pour nous, ce PLFSS est trop marqué par de mauvais choix. En outre, parallèlement, le Gouvernement, cédant au MEDEF, décide de nouveaux cadeaux fiscaux et sociaux au patronat, et refuse de lutter contre la fraude à la déclaration de certains employeurs, qui coûte pourtant, selon la Cour des comptes, quelque 20 milliards d’euros par an à la sécurité sociale.

J’ose espérer, madame la ministre, que le Gouvernement n’utilisera pas l’excédent possible de la branche accidents du travail-maladies professionnelles pour diminuer les cotisations des employeurs, alors qu’il reste tant à faire pour répondre aux besoins des victimes du travail. Nous attendons de vous une réponse claire sur ce point.

Nous vous proposons donc, mes chers collègues, d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, seul moyen de revoir l’architecture générale de cette construction budgétaire dans son ensemble et de revenir aux fondements humanistes de la sécurité sociale.

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