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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ce texte a été dénaturé

Protection de l’enfant (nouvelle lecture) -

Par / 18 février 2016

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 11 mars 2015, le Sénat a voté à l’unanimité la proposition de loi de protection de l’enfant présentée par nos collègues Muguette Dini et Michelle Meunier.

Un an plus tard, après deux lectures, nous sommes amenés à examiner un texte qui a été profondément modifié. Nous sommes passés d’un texte en faveur de la protection de l’enfant, qui parvenait à unir les différentes sensibilités politiques, à un texte moins ambitieux et plus clivant.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Nous ne pouvons reporter la faute sur nos deux collègues Muguette Dini et Michelle Meunier lesquelles, depuis le départ, cherchent à améliorer le dispositif de protection dans l’intérêt de l’enfant.

En commission et dans l’hémicycle, les intérêts partisans ont malheureusement trop souvent pris le dessus. C’est préjudiciable et somme toute un peu méprisant à l’égard de toutes celles et de tous ceux qui luttent sur le terrain, car la plupart des mesures en faveur de la protection de l’enfant ont été adoptées.

Reste que la majorité du Sénat et celle de l’Assemblée nationale n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance ni sur le versement de l’allocation de rentrée scolaire.

En ce qui concerne la gouvernance de la protection de l’enfance, notre groupe est favorable à la création de ce Conseil national. En effet, cette instance consultative permettrait d’améliorer la cohérence et la coordination des politiques de la protection de l’enfance, aujourd’hui caractérisées par une trop forte hétérogénéité entre les départements et, au sein d’un même territoire, par un cloisonnement de l’action des différents acteurs.

Cet outil de pilotage présenterait également l’avantage de garantir l’égalité en matière de prise en charge des enfants. Nous voyons dans ce Conseil national le moyen de tirer vers le haut les politiques de l’enfance. À cette fin, il va de soi que les politiques familiales doivent être accompagnées de moyens financiers et humains supplémentaires, j’y reviendrai.

La seconde pierre d’achoppement entre nos deux assemblées concerne le versement de l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, lorsqu’un enfant est confié à l’ASE.

La majorité sénatoriale souhaite que cette allocation soit versée directement aux services de l’ASE, tandis que l’Assemblée nationale estime que l’allocation de rentrée scolaire, qui est due à l’enfant confié à l’ASE, doit être versée à la Caisse des dépôts et consignations, de manière qu’elle en assure la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant ou, le cas échéant, jusqu’à son émancipation.

Si nous sommes sensibles à l’argumentation en faveur d’un pécule directement versé à l’enfant en vue d’une meilleure intégration dans la vie d’adulte, il n’en demeure pas moins que, dans le contexte actuel des conseils départementaux, le sous-financement par l’État renforce l’idée selon laquelle il faudrait utiliser l’argent de l’ARS pour financer le travail réalisé par les services des départements.

Le débat relatif au versement de l’allocation de rentrée scolaire cache en réalité la pénurie budgétaire des collectivités et la baisse des dotations de l’État. La solution politique nécessiterait de garantir la prise en charge financière des dépenses liées à la rentrée scolaire par les départements. Malheureusement, le Gouvernement ne semble pas vouloir donner de signe en ce sens pour désamorcer le problème.

Plus largement, le texte de cette proposition de loi, tel qu’il nous est soumis aujourd’hui, comporte trois principaux écueils pour notre groupe.

Le premier, je viens de l’évoquer, concerne les moyens humains et financiers destinés à la protection de l’enfance.

Alors que la loi de 2007 a opéré le transfert des compétences de la protection de l’enfance aux collectivités territoriales, le contexte budgétaire récent nous laisse craindre une progression des disparités territoriales.

Nous aurions aimé trouver dans ce texte la réaffirmation du rôle central de l’État, seul à même de garantir l’égalité de traitement de toutes les familles et de tous les enfants sur le territoire et d’assurer la cohérence du système.

Le désengagement financier de l’État est contradictoire avec l’extension des missions de prévention de la protection de l’enfance prévue depuis 2007 et qui n’a jamais eu lieu. Je rappelle que seuls 4 % des 5 milliards d’euros consacrés chaque année à la protection de l’enfance par les départements sont affectés à la prévention.

Le second écueil concerne la situation des mineurs étrangers isolés. Nous regrettons que cette proposition de loi ne prévoie aucune mesure spécifique envers cette population.

Alors même que les vagues migratoires de ces derniers mois sont inégalées en Europe et que les pays de l’Union européenne sont de plus en plus débordés par l’afflux de jeunes migrants, la situation des mineurs étrangers isolés est particulièrement inquiétante.

Notre groupe n’est pas le seul à interpeller le Gouvernement sur le sort de ces mineurs, puisque l’ONU, par l’intermédiaire de son Comité des droits de l’enfant, demande également à l’État d’intervenir. Ainsi, le 4 février dernier, ce comité a publié un certain nombre de recommandations à destination de la France, relatives à l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Il s’inquiète de la capacité de la France à répondre à ses obligations concernant la protection de tous les mineurs, sans distinction de nationalité, et demande à l’État français de mettre à disposition des ressources humaines, techniques et financières suffisantes, afin d’assurer notamment leur accompagnement social, leur éducation et leur formation professionnelle.

Nous déposerons donc à nouveau un amendement visant à garantir le respect de l’interdiction de placer les mineurs étrangers isolés dans les centres de rétention administrative.

Enfin, le troisième écueil de ce texte concerne les tests osseux. Je suis déjà intervenue sur ce sujet lors des précédentes discussions, mais une étude scientifique vient à nouveau de confirmer notre contestation de la fiabilité de ces tests pour déterminer l’âge des individus.

Ainsi, selon une étude scientifique menée au Royaume-Uni par Noel Cameron, professeur en anthropologie biologique, 50 % des garçons européens ont déjà des squelettes d’adultes à l’âge de seize ans et demi, tandis qu’un sur cinq n’est pas encore arrivé à la maturité sur le plan osseux à l’âge de dix-huit ans. Comment s’appuyer sur des données aussi aléatoires ?

En outre, l’encadrement des tests osseux n’est pas une avancée, car ces tests constituent, en eux-mêmes, une pratique inhumaine, injuste et coûteuse.

Alors que nous avions voté pour le texte initial, nous nous sommes abstenus sur ses versions ultérieures. Notre vote dépendra de ce qui se passera en séance concernant les retours en arrière opérés par la majorité de la commission des affaires sociales, que nous déplorons fortement, et le traitement des amendements que nous présenterons.

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