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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’abrogation pure et simple de cette loi est une nécessité

Abrogation de la loi Travail -

Par / 11 janvier 2017

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je voudrais avant toutes choses remercier les fonctionnaires du Sénat qui m’ont grandement aidé dans mon travail de rapporteur.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, déposée par le groupe CRC, vise à abroger la loi Travail du 8 août 2016.

La position des auteurs de ce texte est claire. Tout en reconnaissant quelques avancées limitées, je pense notamment au compte personnel d’activité ou à la généralisation de la garantie jeunes, ils considèrent que la loi Travail comprend un si grand nombre de régressions sociales que son abrogation pure et simple est une nécessité.

Sur la forme, le Gouvernement a eu une lecture très contestable des dispositions de l’article L. 1 du code du travail, en élaborant son projet de loi sans véritable concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux ni document d’orientation, et en sélectionnant soigneusement ses interlocuteurs. Le Conseil d’État, dans son avis, a tenté autant que faire se peut de valider la procédure suivie, au terme d’un raisonnement casuistique qui ne trompe personne. Alors que la loi Travail est censée revigorer le dialogue social, la consultation des partenaires sociaux lors de son élaboration n’a pas été exemplaire, tant s’en faut.

Et que dire de l’engagement à trois reprises de la responsabilité du Gouvernement sur ce texte ? L’ancien Premier ministre Manuel Valls a beau jeu aujourd’hui de se poser en victime du 49.3, qui lui aurait été « imposé » par une majorité indocile. Qui a imposé aux parlementaires un texte aussi antisocial ?

Vous-même, madame la ministre, avez vécu le recours au 49.3, selon vos propres aveux, comme une « immense blessure ». Sans remettre en cause vos propos, j’estime que les premières victimes de cette procédure sont les salariés, qui voient disparaître des protections majeures que leur offrait jusqu’à présent le code du travail.

Cette loi engage d’abord la refonte du code du travail, consacrant l’inversion de la hiérarchie des normes et la suppression du principe de faveur qui était pourtant l’un des fondements de notre droit du travail. Une commission d’experts devrait prochainement être mise en place pour généraliser à l’ensemble du code sa nouvelle architecture, qui repose sur le triptyque ordre public, champ de la négociation collective, dispositions supplétives, déjà appliqué par la loi Travail aux dispositions relatives au temps de travail et aux congés. Soulignons d’ailleurs que ni les parlementaires ni les acteurs sociaux n’y seront représentés.

Les travaux de cette commission devraient aboutir, d’ici à 2018, à un code du travail faisant prévaloir la négociation d’entreprise sur le rôle de la branche et sur les prérogatives du législateur. L’article 8 de la loi Travail prévoit déjà que le cadre protecteur et harmonisé de la branche ne s’applique plus, en cas d’accord d’entreprise, au taux de majoration des heures supplémentaires, lequel peut être abaissé à 10 %.

Ce sont désormais pas moins de vingt-trois domaines dans lesquels la branche ne peut plus interdire les accords d’entreprise dérogatoires, qui pourront donc affaiblir le niveau de protection des salariés.

La philosophie générale de la loi Travail est très largement contestée non seulement par la majorité des syndicats, mais également par le patronat, à l’exception, sans surprise, du MEDEF, qui s’accordent à reconnaître à la branche un rôle essentiel pour lutter contre la concurrence sociale déloyale entre toutes les entreprises d’un secteur d’activité, quelle que soit leur taille.

À rebours de cette analyse, que je partage pleinement, la loi Travail offre aux grandes entreprises une boîte à outils pour faciliter le dumping social et économique. De plus, l’inversion de la hiérarchie des normes ne peut pas être favorable aux salariés quand on connaît la réalité des relations sociales dans la plupart des entreprises françaises et les discriminations subies par les représentants des salariés.

En un sens, ce texte dénature la finalité même du code du travail, qui doit d’abord protéger le salarié dans le rapport de subordination qui le lie à son employeur et non déterminer le niveau de flexibilité, de précarité ou d’éjectabilité de son contrat de travail.

Dans le même temps, la légitimité de l’action syndicale sera affaiblie par la possibilité pour des organisations minoritaires d’obtenir l’organisation d’un référendum d’entreprise pour valider un accord rejeté par les syndicats majoritaires.

Par ailleurs, la loi Travail facilite grandement les licenciements. Le développement des accords de compétitivité dits « offensifs » va permettre aux employeurs d’exiger de leurs salariés de nouveaux sacrifices, même quand leur entreprise est en bonne santé, comme cela est maintenant le cas chez Renault. Pour cet exemple, je vous renvoie, mes chers collègues, à la lecture de mon rapport. Les salariés qui refuseront ces accords pourront même être licenciés sans bénéficier des protections accordées aux victimes d’un licenciement économique.

De plus, les règles du licenciement économique ont été considérablement assouplies, satisfaisant ainsi d’anciennes revendications patronales. Dans les grandes entreprises, un employeur pourra licencier dès lors qu’il constate une baisse significative de son carnet de commandes ou de son chiffre d’affaires pendant un an. Nous en avons malheureusement un exemple vivant dans ma région, à La Voix du Nord, dont le quart des effectifs doit être supprimé, alors que l’entreprise réalise cinq millions d’euros de bénéfice net.

Avec cette permissivité, comment éviter aussi que des groupes n’organisent artificiellement des difficultés économiques pour rentrer dans ces critères et privilégier les intérêts des actionnaires ?

Enfin, la loi Travail dénature les missions de la médecine du travail. C’est un point important. Ainsi, depuis le 1er janvier dernier, les salariés ne bénéficient plus que d’une simple visite d’information et de prévention effectuée après leur embauche par un professionnel de santé membre de l’équipe pluridisciplinaire, le plus souvent un infirmier. Le principe de visites périodiques tous les vingt-quatre mois est lui aussi supprimé.

Le décret du 27 décembre 2016 a confirmé nos craintes, en entérinant le principe d’un suivi médical à géométrie variable et en portant à cinq ans la périodicité maximale des visites de contrôle pour la majorité des salariés. Pour, d’une part, ceux qui font l’objet d’un suivi individuel renforcé et pour, d’autre part, les travailleurs mineurs, les travailleurs de nuit et les travailleurs handicapés, ce délai est respectivement fixé à quatre ans et à trois ans. Tout cela, pour ne prendre qu’un exemple, alors que des études médicales établissent un lien entre travail de nuit et développement du cancer du sein.

De plus, peu ont noté que la loi Travail modifie la procédure de recours contre les avis d’aptitude ou d’inaptitude, recours qui doit désormais être porté devant le conseil de prud’hommes et non plus devant l’inspecteur du travail. En cas de contestation de cet avis par le salarié, la contre-expertise est maintenant à ses frais, alors qu’elle était auparavant réalisée gratuitement par le médecin inspecteur du travail. Cette réforme me paraît particulièrement choquante, car elle affectera surtout les salariés connaissant les situations personnelles les plus dramatiques.

Plus globalement, je déplore, madame la ministre, la méthode suivie par votre gouvernement pour réformer la médecine du travail. Avant d’envisager la modification des règles du suivi médical, il aurait peut-être fallu lancer un ambitieux plan national pour renforcer l’attractivité de cette filière auprès des étudiants en médecine. Faute d’une telle initiative, la réforme apparaît comme un aveu d’échec face au déclin réel du nombre de professionnels. Pis, cette mesure entre en contradiction avec le troisième plan santé au travail qui érige comme priorité les actions de prévention et de reclassement.

En conclusion, je regrette que la commission des affaires sociales ait repoussé la présente proposition de loi d’abrogation le 21 décembre dernier. Depuis cette date, en effet, l’abrogation de la loi Travail est devenue, vous l’avez certainement noté, mes chers collègues, un thème incontournable du débat politique, car elle est proposée par plusieurs candidats à l’élection présidentielle.

Certes, j’en suis convaincu, cette abrogation n’est pas suffisante, mais elle est selon moi nécessaire pour dessiner les contours d’un nouveau code du travail, rénové et simplifié, répondant aux évolutions technologiques, économiques et sociales, tout en rétablissant et étendant les protections des salariés et leur pouvoir d’intervention. C’est pourquoi je forme le vœu que le Sénat adopte cette proposition de loi, afin d’envoyer un message fort à l’attention de nos concitoyens soucieux de la préservation de notre modèle social.

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