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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Cette loi poursuit le travail de sape des acquis sociaux

Abrogation de la loi Travail -

Par / 11 janvier 2017
Sénateurs communistes
Cette loi poursuit le travail de sape des acquis sociaux

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, près de 56 milliards d’euros versés en dividendes et en rachats d’actions : il en est pour qui les effets de la crise financière ne sont pas synonymes de sacrifices ! Et ce sont justement ceux-là que vous avez décidé d’aider, madame la ministre, avec votre loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

Imposée par le 49.3, car elle n’a trouvé aucune majorité, ni dans le pays ni à l’Assemblée nationale, cette loi entraîne les salariés dans une précarité généralisée et la remise en cause des 35 heures, facilite les licenciements par l’élargissement du motif économique et affaiblit le code du travail avec l’inversion de la hiérarchie des normes et l’abandon du principe de faveur.

De plus, elle s’est faite sans concertation avec les organisations syndicales. J’ai moi aussi, à cet instant, une pensée particulière pour les présents comme pour ceux qui nous ont quittés, notamment pour Georges Séguy, inlassable défenseur des travailleurs et des travailleuses et de la négociation, et qui fut secrétaire général de la CGT, premier syndicat dans notre pays. (Mmes Éliane Assassi et Laurence Cohen et M. Jean-Pierre Godefroy applaudissent.)

En outre, ce texte s’est fait sans concertation avec les organisations de jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Godefroy applaudit également.) Pourtant, les jeunes n’ont jamais été autant mobilisés depuis le contrat premier embauche, le CPE, en 2006. Cette mobilisation n’a pas faibli pendant cinq mois et dénonçait l’attaque portée à leur projet de vie. En effet, pour pouvoir entrer dans la vie professionnelle dans des conditions optimales, nos jeunes doivent pouvoir bénéficier d’une bonne protection salariale. Or non seulement cette loi organise la casse du code du travail, mais elle les plonge dans une grande précarité, les poussant à accepter des conditions de travail de plus en plus pénibles.

Preuve de cette précarité croissante, le chômage des 15-24 ans grimpe cette année à 25,1 %, son plus haut niveau depuis 2012. Pendant ce temps, madame la ministre, vous multipliez les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi. Mais ces derniers ne font pas baisser le chômage ; ils en diminuent simplement les chiffres officiels ! Même le rapport de la Cour des comptes, du mois d’octobre 2016, relatif à l’accès des jeunes à l’emploi est frileux à propos de leur efficacité.

Quant à la garantie jeunes, bien que son objectif puisse paraître louable, elle a raté sa cible : les jeunes les plus en difficulté et qui auraient le plus besoin d’accompagnement professionnel sont minoritaires parmi ses bénéficiaires. Ainsi, seuls 4,9 % des jeunes inscrits sont issus de quartiers prioritaires de la politique de la ville et non titulaires du baccalauréat. Finalement, madame Bricq, cette garantie jeunes se traduira surtout par un contrat précaire supplémentaire pour faire de la jeunesse une main-d’œuvre corvéable aux besoins des employeurs.

Or ce dont nos jeunes ont urgemment besoin, c’est d’emplois stables. Nous devons en recréer en France, en réindustrialisant nos territoires et en réinvestissant dans les services publics. Aussi, il faut pénaliser les contrats courts et l’intérim, pour que le CDI redevienne la norme. De plus, nous devons adopter une loi de sécurisation de l’emploi et de la formation, permettant aux salariés d’alterner emploi et formation choisie, sans perte de salaire et sans passer par le chômage. Alors, nos jeunes seront mieux préparés à affronter le monde du travail et à faire valoir leurs droits, notamment leurs droits à la santé et à la sécurité.

Vous le constatez, mes chers collègues, nous avons des propositions à formuler ! Et nous en avons encore beaucoup d’autres.

Je crois que le travail peut et doit être facteur de santé. Mais votre loi, madame la ministre, ne s’en soucie guère, comme en témoigne le sort qu’elle réserve à la médecine du travail – le groupe socialiste et républicain fait apparemment le même constat, ce qui n’est pas peu dire – et à l’inspection du travail.

Auparavant, la visite médicale à l’embauche permettait d’identifier les risques auxquels les nouveaux salariés pouvaient être exposés et d’agir en amont, en adaptant le poste. Elle constituera dorénavant un simple rendez-vous d’information et de sensibilisation.

M. Thierry Foucaud. C’est vrai !

Mme Annie David. Cette mesure, dite « de prévention », est absurde, car une prévention efficace ne peut se faire que sur le lieu de travail. De plus, les rendez-vous de suivi avec la médecine du travail seront espacés : ils auront lieu tous les cinq ans, intervalle réduit à trois ans pour les travailleurs mineurs ou handicapés.

Dans ces conditions, comment pouvez-vous croire que les visites garderont une quelconque utilité ? Qu’elles permettront de détecter le mal-être, les mauvaises postures ou le développement de maladies professionnelles ? Tout cela sous prétexte d’un manque de médecins du travail !

Malgré des visites plus rares, du fait de la multiplication des contrats courts et précaires, le nombre de visites est en constante augmentation, entre visites d’embauche, visites d’aptitude pour les postes à risques, visites périodiques et de suivi. Les médecins du travail que nous avons auditionnés doutent eux-mêmes de pouvoir toutes les réaliser… Comme le souligne le rapport Aptitude et médecine du travail rédigé en 2015 par le député socialiste Michel Issindou, il n’y a plus d’adéquation entre les obligations réglementaires et les réels besoins de santé.

Selon le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise, le CISME, 30 millions de visites devront être réalisées chaque année à la suite de l’adoption de votre texte. De plus, 15 des 22 millions de visites d’embauche concernent des contrats de moins d’un mois et devront donc être renouvelées. Dans le même temps, on compte 17 millions de salariés… Dans ces conditions, combien de visites passeront à la trappe ? Combien de salariés ne seront pas suivis par manque de temps pour les médecins, à qui vous demandez de faire toujours plus sans aucun moyen supplémentaire ?

M. Henri de Raincourt. Il ne faut pas exagérer !

Mme Annie David. Votre volonté de mettre fin à l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude constatée par la médecine du travail va, de plus, favoriser les licenciements. Comment contester les conditions de travail et la hiérarchie quand plane la menace du licenciement et du chômage ? En outre, fragiliser la relation de confiance qui existait entre médecins et salariés est contraire à toute logique de prévention.

L’inspection du travail constitue une autre facette de la santé au travail. Ses agents, malgré leur sous-effectif, voient leurs moyens d’action et d’alerte encadrés et contrôlés par un code déontologique. Sont-ce vraiment nos inspectrices et inspecteurs du travail qui ont besoin de plus de déontologie ?

Or les jeunes représentent justement la population la plus à risques : ils sont victimes de trois fois plus d’accidents. Chez les intérimaires, les accidents sont deux fois plus nombreux.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous contestons la logique de la loi Travail. Il faut, de notre point de vue, adapter le travail à l’homme. Engageons une véritable réflexion sur la santé physique et psychique au travail, dont nombre des facettes et besoins ne sont aujourd’hui que survolés. Il faut rétablir l’obligation de reclassement et d’adaptation des postes, mettre en œuvre un pilotage régional des agences de médecine du travail, un suivi médical par bassin d’emploi, et non par entreprise.

Bien sûr, certains décrets d’application sont déjà en vigueur et des accords en découlent ! Pour autant, nous pouvons demander l’abrogation de la loi Travail et ensuite, au cas par cas, aborder chaque situation et ses conséquences, à l’instar de l’accord intervenu chez Renault ou du plan en cours à La Voix du Nord. Dans mon département, c’est l’entreprise MikroPul, du groupe Nederman, une multinationale suédoise, qui vient de licencier vingt et un salariés, sous prétexte de problèmes économiques.

L’ordre de publication de ces décrets est, par ailleurs, révélateur de vos objectifs : vous avez donné la priorité aux aspects les plus contestés,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Annie David. … alors que d’autres décrets n’ont toujours pas été publiés, notamment ceux relatifs à l’égalité professionnelle. Vous êtes pourtant sensible à cette question, madame la ministre !

Vous l’aurez compris, nous sommes farouchement opposés à la loi Travail et souhaitons l’abroger, à défaut de pouvoir la réécrire. Et ce n’est pas le droit à la déconnexion ou le compte personnel d’activité, si importants soient-ils, qui nous feront changer d’avis.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame David !

Mme Annie David. Nous voulons proposer un autre code du travail, répondant aux besoins du monde du travail du XXIe siècle, un code qui ne promet pas comme seul avenir de perdre sa vie à la gagner.

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