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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Il aurait été juste de s’en prendre à la fraude aux cotisations sociales, c’est-à-dire à la fraude patronale

Lutte contre la fraude sociale -

Par / 31 mai 2016

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, d’après Corinne Imbert, notre rapporteur, cette proposition de loi repose sur deux constatations. D’une part, les collectivités territoriales n’ont plus les moyens de leurs politiques, notamment de leur politique sociale. D’autre part, une partie des bénéficiaires du RSA, voire la totalité, seraient des fraudeurs potentiels.

Je veux donc, chers collègues, vous poser, tout d’abord, une question : qui, dans cet hémicycle, a voté la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe (Pas nous ! sur les travées du groupe Les Républicains.), qui met à mal les territoires et vise à supprimer, à terme, les départements et les communes ou, à tout le moins, à leur attribuer un rôle de simples figurants, dépourvus de moyens et de pouvoirs ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.) Qui vote les coupes successives dans le budget des collectivités territoriales ? (Pas nous ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Pouvez-vous honnêtement déplorer les conséquences de tels choix en abordant ce débat quand tous les groupes adoptent une réduction drastique des budgets des politiques publiques, à l’exception du groupe CRC, qui vote contre, et d’une partie des écologistes, qui s’abstiennent ?

Quant aux fraudes des bénéficiaires du RSA, de qui parle-t-on ? De femmes et d’hommes qui se débattent face à des problèmes terribles. Je vous rappelle que les personnes seules perçoivent à peine 500 euros par mois ! Qui d’entre nous, mes chers collègues, peut vivre avec une telle somme ?

Que ce système, comme tout système ou règlement, se voit contourné par une minorité est une réalité, qu’il faut réduire autant que faire se peut, mais, dans le cas précis qui nous occupe, de combien de personnes s’agit-il ? Pour quelle somme ?

Il aurait été honnête de ne pas taire que, selon le rapport du Comité national d’évaluation du RSA, le taux de non-recours à ce dispositif s’élève à 50 %, taux qui grimpe à près de 70 % pour le seul RSA activité, tant le dispositif est compliqué. Combien d’économies ainsi réalisées sur le dos des plus fragiles ?

Mme Annie David. Eh oui !

Mme Laurence Cohen. Il aurait été honnête de ne pas taire que la fraude dénoncée repose, dans la majorité des cas, sur des erreurs ou des omissions, et non sur la malhonnêteté. Pourquoi ne pas proposer une simplification du dispositif ?

Il aurait été juste de s’en prendre à la fraude aux cotisations sociales, c’est-à-dire à la fraude patronale. Or aucun article de cette proposition de loi n’y est consacré, alors que le manque à gagner pour les caisses publiques est important – j’y reviendrai.

Nous avons, d’ailleurs, déposé des amendements pour cibler ces fraudeurs-là. Je suis impatiente, chers collègues, d’entendre les arguments que vous allez nous opposer !

Cette proposition de loi fait, en réalité, la chasse aux pauvres, ce que conforte, par exemple, la majorité Les Républicains et UDI du conseil départemental de l’Ain, qui nous explique que la solidarité – droit constitutionnel, faut-il le rappeler ici ? – se résumerait, en fait, à ce que certains paient pour d’autres, plus pauvres qu’eux. (M. Jean-Jacques Panunzi s’exclame.)

Quant à la vision historique des auteurs du texte, que l’on peut découvrir dans l’exposé des motifs, elle me laisse perplexe. C’est au nom des principes du Conseil national de la Résistance et d’un système de protection sociale qui serait, aujourd’hui, à bout de souffle que cette proposition de loi est présentée. Chers collègues, revoyez votre histoire ! Quand les gouvernements issus de la Libération du pays ont fait le pari de créer la sécurité sociale, on ne pouvait pas trouver caisses plus vides.

En réalité, la création de ce que vous avez appelé « l’État providence » présentait un caractère dialectique particulièrement stimulant, car, voyez-vous, la sécurité sociale est à la fois portée par la croissance et moteur de cette croissance.

La proposition de loi, qui mélange législation sociale, code de la nationalité et droit pénal, est bien loin de faire honneur à notre Haute Assemblée.

En Alsace, les bénéficiaires du RSA ont reçu l’obligation de fournir des relevés de compte bancaire pour vérification, une démarche qui fait polémique, à juste titre.

Ces arguments stigmatisants visent sans doute à donner des gages à la droite la plus extrême, mais c’est vraiment jouer avec le feu.

Au reste, la démonstration concernant les économies réalisées est très chancelante – c’est le moins que l’on puisse dire.

Ainsi, le rapport d’information de Dominique Tian, député des Bouches-du-Rhône, publié en 2011, qui a inspiré une bonne partie des mesures prises en matière de lutte contre la fraude sociale, présente des chiffres contradictoires et fantaisistes. Il indique que « l’impact financier de la fraude représenterait entre 0,91 % et 1,36 % du montant total des allocations versées en 2009, soit entre 540 et 808 millions d’euros ». Quelques pages plus loin, il évoque une fraude aux alentours de 4 milliards d’euros… Vous apprécierez le grand écart !

Je veux rappeler que, selon le même rapport, le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé que la fraude aux cotisations imputable aux entreprises constituait un volume de pertes de recettes de 8,4 milliards à 14,6 milliards d’euros pour les premières années du XXIe siècle.

Quant à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, elle a estimé cette fraude, sur la base d’une étude de terrain et par extrapolation, entre 13,5 milliards et 15,8 milliards d’euros.

Cette réalité, c’est aussi celle des réseaux de travail illégal et dissimulé.

Cette réalité, c’est celle d’entreprises qui font de la fraude sociale un élément de la concurrence déloyale qu’elles imposent aux autres entreprises de leur secteur, respectueuses des droits de leurs salariés et des règles du jeu dans un État de droit.

Cette réalité, c’est celle que nous avons dénoncée lors du récent examen de notre proposition de loi invitant les 5 000 plus grandes entreprises de notre pays à rendre publics leurs comptes, pays d’implantation par pays d’implantation, pour que nous puissions faire le juste partage entre l’éthique, d’un côté, et la tricherie, de l’autre.

Cette réalité, on la retrouve également dans la volonté du P-DG de l’une de nos grandes banques commerciales de dissimuler au Sénat la réalité des services bancaires pour le moins particuliers rendus par son entreprise à des clients à la recherche de cieux fiscaux cléments...

Je constate, d’ailleurs, que vous n’avez voulu ni adopter notre proposition de loi ni même demander à la justice s’il y avait matière à poursuites.

M. Éric Bocquet. Très bien !

Mme Laurence Cohen. Apparemment, si l’on en croit le texte que nous examinons aujourd’hui, vous préférez que ce soient les allocataires de prestations sociales qui fassent l’objet de poursuites, c’est-à-dire des personnes dont le sacrilège peut porter, parfois, sur 460 euros de prestations « indues »…

Si tant est qu’il convienne de fixer un ordre de priorité, que faut-il faire, mes chers collègues ? Sans aucun doute tout le contraire de ce que l’on nous propose avec cette proposition de loi.

À mes yeux, comme à ceux de l’ensemble des membres de mon groupe, ce texte est scandaleux. Nous nous y opposons avec la plus grande vigueur.

Ce n’est pas rassembler que de déposer de telles propositions de loi. J’espère que la discussion du texte vous permettra d’en prendre un peu conscience !

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