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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Il est urgent de faire bénéficier chaque agriculteur d’une pension décente au moment où il cesse son activité

Revalorisation des pensions de retraite agricoles -

Par / 7 mars 2018

Rapporteur de la commission des affaires sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la décision du Gouvernement de recourir à l’alinéa 3 de l’article 44 de la Constitution a fait l’effet d’une douche froide lors de sa communication ce matin à la commission des affaires sociales.

M. Claude Bérit-Débat. Qu’en pensent les retraités présents dans les tribunes ?

M. Dominique Watrin, rapporteur. « Recul de la démocratie », « procédure insupportable », « incompréhension de la méthode sur un sujet qui fédère » : voilà quelques exemples de réflexions entendues sur différentes travées. (Marques d’approbation sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Absolument !

M. Dominique Watrin, rapporteur. Loin d’être un simple report dans le temps, cette décision signe l’arrêt de mort de la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles.

En renvoyant la définition du minimum de pension à l’hypothétique future réforme systémique des retraites, le Gouvernement compromet la mise en œuvre immédiate de la mesure principale de ce texte : la garantie de retraite des exploitants agricoles à 85 % du SMIC. Cela engage votre entière responsabilité, madame la ministre !

Cette méthode brutale heurte l’unanimité qui a prévalu chez tous les parlementaires, conscients de l’urgence sociale à laquelle se trouve confronté le monde rural.

M. Gilbert Bouchet. Absolument !

M. Dominique Watrin, rapporteur. C’est à l’unanimité que ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 2 février 2017, sur le rapport de notre collègue André Chassaigne et grâce au travail de notre collègue Huguette Bello.

C’est à l’unanimité, aussi, que la commission des affaires sociales du Sénat l’a adopté, sans modification, le 21 février dernier.

C’est à l’unanimité, enfin, que la même commission a émis ce matin un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement et condamné son choix de recourir à la procédure du « vote bloqué ».

Au lieu de dialoguer avec la représentation parlementaire, vous avez choisi de fermer le débat avant même son commencement.

M. Roland Courteau. Drôle de pratique !

M. Dominique Watrin, rapporteur. J’étais pourtant prêt à répondre à deux objections que vous étiez susceptible de nous adresser, madame la ministre : le prétendu coût financier de cette proposition de loi et sa supposée incompatibilité avec la réforme systémique des retraites annoncée.

Aussi, avant de revenir sur la méthode que vous avez décidé d’employer, je souhaite dire quelques mots sur ces deux objections.

Sur le coût budgétaire, tout d’abord, je rappelle que l’article 1er de la proposition de loi prévoit de faire passer le minimum garanti pour la pension de base et complémentaire des anciens chefs d’exploitation agricole de 75 % à 85 % du SMIC net agricole, soit de 871 euros à 987 euros par mois. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)

Mme Esther Benbassa. Énorme !

M. Dominique Watrin, rapporteur. L’article 3 propose d’assouplir les conditions d’accès à ce minimum garanti de 75 % du SMIC pour les exploitants agricoles ultramarins.

Les services du ministère de l’agriculture évaluent l’impact financier de l’article 1er à environ 350 millions d’euros et celui de l’article 3 à 50 millions d’euros pour 2018, soit un total de 400 millions d’euros. Trois arguments me semblent toutefois relativiser ce coût.

Le premier repose sur un constat que nous partageons tous : le régime des non-salariés agricoles sert actuellement le plus petit niveau de pension parmi tous les régimes de retraite de notre pays. Pour une carrière complète, les exploitants agricoles touchent en moyenne 730 euros par mois en 2015 et seulement 650 euros par mois en moyenne dans les outre-mer, soit la plus petite pension des régimes de retraite, moins que le seuil de pauvreté, moins que le minimum vieillesse.

Porter le minimum garanti de 75 % à 85 %, c’est augmenter d’un peu plus de 100 euros par mois le pouvoir d’achat des 230 000 bénéficiaires actuels du dispositif. C’est aussi permettre à 30 000 retraités agricoles supplémentaires de voir leur pension progresser.

Si nous savons que le principal problème des retraites agricoles réside dans la faiblesse des revenus professionnels, soumis à des aléas climatiques ou de marché qui dépassent bien souvent les agriculteurs, il nous a paru urgent de faire bénéficier chaque agriculteur d’une pension décente au moment où il cesse son activité.

Le deuxième argument qui doit nous faire relativiser ce chiffre, c’est le vieillissement de la population des exploitants agricoles. La dépense associée au minimum garanti devrait en effet diminuer à mesure de l’arrivée à l’âge de la retraite de nouvelles générations qui auront beaucoup plus cotisé que les précédentes.

Enfin, l’estimation du coût du dispositif : en 2014, lorsque la réforme des retraites a mis en place la garantie à 75 %, le Gouvernement évaluait le coût annuel de ce dispositif entre 140 et 160 millions d’euros, un niveau stable jusqu’en 2030. Je constate toutefois que, en 2018, ce dispositif coûte moins – 130 millions d’euros – et qu’il ne devrait représenter que 125 millions d’euros en 2020. Dès lors, il n’est pas interdit de penser que l’impact financier de l’augmentation du minimum garanti ne sera pas si élevé.

Je précise surtout que ce texte prévoit, à l’article 2, un financement suffisant et même dynamique : une taxe additionnelle de 0,1 % à la taxe sur les transactions financières.

Le passage de 0,3 % à 0,4 % me paraît raisonnable, puisque cela revient à prélever 4 centimes d’euros au lieu de 3 centimes lors de l’achat d’une action de 10 euros et permettra de rapporter au moins 450 millions d’euros par an, que le texte prévoit d’affecter à la Mutualité sociale agricole.

Cette recette, qui est supérieure au coût des mesures proposées, consoliderait donc aussi financièrement le régime de retraite des non-salariés agricoles, qui plus est sans que cela ne coûte un centime à l’État ou au contribuable, madame la ministre, tout en assurant des retombées positives sur l’économie réelle.

Je dirai un mot sur l’article 4. Celui-ci est important, car il met fin à une discrimination qui touche les salariés agricoles de Guadeloupe, de La Réunion et de Mayotte, en prévoyant l’extension à leur bénéfice de la retraite complémentaire. Ils sont en effet les derniers salariés à ne pas être couverts. Cela n’est plus supportable.

J’en viens à la supposée contradiction avec la réforme systémique annoncée. La logique de la réforme proposée par le Président de la République, qui veut qu’un euro cotisé rapporte la même chose pour tous, nécessitera de réinterroger tout notre système de retraite, en particulier ses dispositifs de solidarité.

Dans ce contexte, le dispositif de minimum garanti que nous proposons et qui devra être intégré à cette large réflexion présente déjà l’avantage de fonctionner sur un système d’attribution de points de retraite complémentaire à titre gratuit.

À ce stade, je ne vois donc pas de contradiction avec le vote de cette proposition de loi, qui offre une perspective immédiate de revalorisation des pensions de retraite agricoles modestes, sauf bien sûr si votre intention est de minimiser les dispositifs de solidarité.

J’en viens enfin aux conditions d’examen de cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour du Sénat depuis plusieurs semaines.

En tant que rapporteur, j’ai mené une série d’auditions avec l’ensemble des acteurs concernés, auditions auxquelles ont assisté de nombreux collègues sénateurs de toutes les sensibilités. Elles ont permis de consolider l’esprit de consensus face à l’urgence sociale que j’évoquais et à la nécessité d’y apporter une réponse.

Nous avons en particulier auditionné les représentants des administrations de l’agriculture et de la sécurité sociale, qui n’ont pas été en mesure de nous communiquer la position du Gouvernement.

Madame la ministre, je regrette d’avoir appris hier soir, très tardivement, votre décision non seulement de vous opposer à ce texte, mais également de recourir au vote bloqué, ce qui n’est pas conforme à la nécessité d’un dialogue respectueux entre le Gouvernement et le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Comme je l’ai rappelé ce matin en commission, cette procédure n’avait pas été utilisée depuis 1993 sur une proposition de loi. Et l’argument de l’obstruction ne peut tenir ici ! Notre commission réunie ce matin a, je le répète, unanimement condamné cette décision, et mes collègues s’en feront sans doute l’écho dans la discussion à venir.

À ce stade, je me borne à rappeler la position de notre commission, qui est d’adopter ce texte de manière conforme, afin qu’il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.

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