Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Il faut former plus de médecins et de soignants
Débat sur la nécessité de former davantage de médecins et soignants à la demande du groupe CRCE-K -
Par Céline Brulin / 10 octobre 2024Trouver un rendez-vous chez un généraliste, spécialiste, psy ou kiné est une galère quotidienne face à laquelle nos concitoyens et les élus locaux sont démunis. La mission d’information du Sénat sur l’avenir de la santé périnatale a montré le défaut de sages-femmes et de gynéco-obstétriciens, alors que 40 % des maternités ont fermé en trente ans.
De plus en plus de services d’urgences ferment temporairement, comme à Lillebonne ou Fécamp. Au Havre, les agents sont mobilisés depuis onze semaines pour alerter sur cette situation. Les gouvernements successifs ont réduit le numerus clausus, faisant passer le nombre d’étudiants en médecine de 8 500 en 1971 à 3 500 en 1990.
Cette solution austéritaire est une bombe à retardement. La population a vieilli et le nombre de médecins a diminué à mesure que les besoins augmentaient. Le numerus clausus a été supprimé en 2021 mais la réforme des études de médecine a laissé sur le carreau nombre d’étudiants. Ils sont trois fois plus nombreux à redoubler leur deuxième année ; le taux d’abandon des étudiants en soins infirmiers a doublé en dix ans. Parcoursup et ses choix par défaut y sont pour quelque chose.
En 2022, les ministres de la santé et de l’enseignement supérieur avaient pour objectif d’augmenter de 20 % le nombre d’étudiants en médecine d’ici à 2027, 14 % en odontologie, 8 % en pharmacie... Nous n’y sommes pas : 1 100 places étaient vacantes en pharmacie en 2022, 500 en 2023.
La faculté de médecine de Rouen a augmenté ses capacités d’accueil de 200 % en vingt ans. Mais comment faire plus sans bâtiments ni services universitaires supplémentaires ?
Nous ne pouvons accepter que les internes compensent la pénurie de médecins pour seulement 6 euros de l’heure.
Comme le disait le Premier ministre, le temps est révolu où nous avions peur de former trop de médecins. Il faut partir des besoins des territoires et non des capacités universitaires. Le nombre de médecins repart légèrement à la hausse, de 0,8 %.
Mais les inégalités territoriales se creusent, comme dans l’Eure, où l’on compte 80 médecins pour 100 000 habitants, soit la moitié de ce que l’on trouve dans les départements incluant une métropole. Les praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue) sont en première ligne des hôpitaux désertés et connaissent une grande précarité administrative. À quelques jours des épreuves de vérification des connaissances, améliorez leurs conditions de travail et de vie. Le programme Hippocrate, annoncé par le Premier ministre, pour inciter internes français et étrangers à exercer dans les territoires déficitaires, ne doit pas être hypocrite.
Les collectivités territoriales n’ont pas attendu pour financer les logements d’étudiants venus sur leur territoire, accompagner les professionnels qui viennent s’installer, voire financer des postes de chefs de clinique. Mais elles ne peuvent continuer à le faire seules. Selon une étude de la Drees de juin, les médecins en zone rurale ont fait au moins un stage ou fait des remplacements d’au moins trois mois en zone rurale, ou bien y ont vécu pendant leur enfance. Plusieurs facultés proposent de décentraliser la première année des études de santé vers des villes plus petites, comme Pontivy, rattachée à la faculté de Rennes, et Périgueux pour Bordeaux.
Les stages de médecine dans les territoires ruraux doivent être déployés ; c’est une condition pour l’installation future en zone rurale. Il faut démocratiser les études de santé. En effet, plus il y aura de jeunes médecins issus de quartiers populaires ou de zones rurales, moins ils verront d’obstacles à s’y installer.
Des mesures pour orienter les jeunes vers les études de santé sont nécessaires, comme le contrat d’engagement de service public, ou une école normale préparatoire aux études de santé.
L’accès aux soins est une des premières préoccupations de nos concitoyens, qui ne peuvent admettre qu’on ne puisse accéder à un médecin en cas de besoin.