Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
L’hôpital reste une variable d’ajustement
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (nouvelle lecture) -
Par Laurence Cohen / 26 novembre 2020Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le ministre de la santé, avec qui nous n’avons pas eu l’honneur d’échanger en première comme en seconde lecture de ce PLFSS (Applaudissements sur de nombreuses travées à gauche comme à droite.), a défendu devant nos collègues députés un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, qu’il a qualifié d’« exceptionnel », « à bien des titres », ajoutant qu’ils auraient pu faire d’autres choix : « Serrer la vis, réduire la voilure ou couper le robinet [...] Ce choix de l’austérité, dont les conséquences auraient évidemment été dramatiques, nous ne l’avons pas fait. » Qui est dupe de ce recours à l’auto-persuasion ? Certainement pas les personnels hospitaliers ni ceux du secteur médico-social !
L’Ondam fixé pour 2021 suit la même logique que tous ceux qui ont été votés depuis 2008, à savoir une progression, à hauteur de 2,4 %, inférieure à l’évolution tendancielle des dépenses de santé, provoquant, une fois de trop, des coupes budgétaires terribles pour notre système de santé. Cette fois, ce sont 4 milliards d’euros qui sont rognés, dont 800 millions pour l’hôpital.
Moi, madame la ministre, j’appelle cela une cure d’austérité !
Le langage de vérité est de dire que vous continuez à considérer l’hôpital comme une variable d’ajustement de votre politique de restrictions budgétaires.
Comment construire le PLFSS 2021 sans prendre en compte les réalités de terrain ? Entre 2008 et 2017, 10 % des établissements ont été fermés ; 15 % des lits ont été supprimés. Et vous continuez dans cette funeste logique. Bien que la pandémie ait mis en évidence un manque de lits criant, et pas seulement de lits de réanimation, 13 établissements de santé viennent encore de perdre des places.
Votre machine à restructurer l’offre hospitalière ne s’arrête pas là. Ainsi, à Marseille, le centre hospitalo-universitaire de Sainte-Marguerite doit faire face au démantèlement programmé de sa pharmacie, après la fermeture des urgences et la disparition du service de réanimation.
En Île-de-France, la réduction des capacités hospitalières se poursuit avec la construction de l’hôpital Nord, qui se traduira par la fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon. À la clé, la disparition de 300 à 400 lits !
Alors que la covid-19 a démontré combien il fallait repenser la place de nos aînés en situation de dépendance dans nos structures d’accueil et de soins, le plan Gériatrie est toujours d’actualité à l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), avec la fermeture de 40 % des lits de soins de longue durée !
Ces exemples, parmi des centaines d’autres, sont la traduction directe, madame la ministre, des PLFSS successifs, dont celui de 2021. Ce projet de loi de financement n’a décidément rien d’exceptionnel.
Vous avez annoncé vouloir améliorer l’attractivité des métiers à l’hôpital, mais les étudiantes et les étudiants en santé, les soignants, les médecins n’en peuvent plus et démissionnent sans bruit, à cause des conditions de travail dégradées par des décennies de réduction des budgets.
Vous avez annoncé vouloir revaloriser les salaires de celles et ceux qui ont été en première ligne. Pourtant, 50 000 agents du secteur médico-social, dont le secteur de la psychiatrie, sont exclus de la revalorisation salariale du Ségur de la santé. Ces hommes et ces femmes se mobilisent pour faire entendre cette injustice. Nous demandons qu’ils soient enfin entendus.
Alors que, depuis de nombreux mois, la branche de l’aide, de l’accompagnement et des soins à domicile était en négociation sur la classification et les rémunérations, et malgré l’unanimité entre les organisations syndicales de salariés et la représentation des employeurs, l’avenant 43 – je parle bien du 43 –, qui prévoit un rattrapage et une augmentation de salaire n’a pas reçu l’avis favorable du Gouvernement, car considéré comme trop onéreux.
Le « quoi qu’il en coûte » ne s’applique décidément pas à tout le monde !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Allez dire cela aux départements.
Mme Laurence Cohen. Pour ce 75e anniversaire de la sécurité sociale, nous espérions que l’État, conformément à ses engagements, compense à l’euro près les pertes de recettes et les nouvelles dépenses infligées à notre système de protection sociale. Malheureusement, il n’en est rien.
Nous avions déposé de nombreux amendements en première lecture. Très peu ont été adoptés, pour être directement rejetés par l’Assemblée nationale.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera donc contre ce budget de la sécurité sociale pour 2021, largement déconnecté des besoins sociaux, et qui continue à affaiblir notre système de protection sociale de haut niveau, tournant le dos, chaque jour davantage, à une société solidaire.