Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
L’interdiction d’un dernier échange a été vécue comme une violence faite aux mourants et aux proches
Droit de visite pour les malades -
Par Laurence Cohen / 12 octobre 2021Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début de la pandémie de covid-19, et au plus fort de celle-ci, nous avons toutes et tous été confrontés, dans notre entourage direct ou indirect, à des situations dans lesquelles les visites de patients hospitalisés étaient restreintes, voire interdites.
Vouloir protéger les patients et les résidents du virus, population par définition plus vulnérable que le reste de la société, pouvait paraître légitime. Mais cet isolement contraint a créé des problèmes, des situations de grande souffrance. En effet, si le risque de contamination a été plutôt maîtrisé, ces privations de liberté ont suscité de nombreux traumatismes, tant pour les patients, notamment des vécus d’emprisonnement, des syndromes de glissement et un sentiment d’abandon, que pour leurs proches, avec des deuils traumatiques et des vécus d’angoisse et de culpabilité.
Les personnels soignants du secteur médical, les personnels du secteur médico-social ont été exemplaires de ce point de vue, mais eux aussi ont été traumatisés par ces mesures contraignantes traduisant un manque cruel d’empathie.
Pour pallier l’absence de visites, certains Ehpad ou services hospitaliers ont mis en place des alternatives numériques, mais ces outils n’étaient pas forcément adaptés à toutes les situations. On le sait, rien ne remplace le contact physique direct.
Comment par exemple gérer l’accompagnement de fin de vie ? Avec un an de recul, on sait combien cette question a été particulièrement douloureuse. Le maintien de la relation prend évidemment tout son sens dans les situations de fin de vie.
L’interdiction d’avoir un dernier échange a été vécue comme une violence faite aux mourants et aux proches, entraînant chez ces derniers des traumatismes et des deuils impossibles.
En Ehpad, des mesures de limitation des visites ont parfois été appliquées de manière disproportionnée et mises en place de façon autoritaire par certaines directions.
Dans le secteur hospitalier, les pratiques ont été très variables et le droit de visite a pu changer d’un établissement à un autre, voire d’un service à un autre.
Le ministre de la santé avait pourtant déclaré le 9 février dernier : « Les visites à l’hôpital doivent être et sont autorisées dans toutes les situations, avec des protocoles sanitaires bien sûr [...]. En priver quelqu’un serait extrêmement douloureux. »
En réalité, faute de texte contraignant, les directions d’Ehpad, de foyers et d’hôpitaux demeurent libres pour édicter leurs règles de visites.
Pourtant, les témoignages de drames personnels et la dénonciation de reculs éthiques dans les lieux de prise en charge des plus fragiles continuent de se multiplier.
Ainsi, le Conseil national professionnel de gériatrie alertait au mois de février dernier sur la surmortalité de patients ou de résidents du fait de mesures prises pour les protéger d’une infection au moins équivalente à celle de la covid-19.
Les sentiments d’abandon, d’infantilisation et la disparition des relations sociales ont favorisé des syndromes de glissement.
A contrario, les études scientifiques soulignent l’apport d’une politique de visite qui procure au patient un sentiment de sécurité, réduit les complications cardiovasculaires et diminue la durée de séjour en réanimation.
La présente proposition de loi vise à garantir le respect d’un droit de visite dans les hôpitaux, les Ehpad et les foyers de personnes en situation de handicap.
Si la charte de la personne hospitalisée du mois d’avril 2006 accorde déjà un droit aux visites extérieures, celui-ci est actuellement limité par le pouvoir de police laissé aux directeurs d’établissement.
Le président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées estimait qu’une centaine d’Ehpad pratiquent une politique liberticide et gardent encore leurs portes closes.
Cette proposition de loi permettrait donc d’encadrer le pouvoir des directeurs d’établissement et de garantir ainsi un droit de visite aux malades, en particulier aux personnes en fin de vie.
Ce texte ne règle pas tout, puisque les questions des moyens financiers pour renforcer la présence humaine, de la participation des usagers aux instances et la réflexion sur l’architecture des locaux des établissements demeurent.
Mais ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi, qui, pour le groupe CRCE, dépasse les clivages politiques tout en améliorant les droits des patients et des accompagnants.
À ce titre, je veux en remercier les auteurs et notre rapporteure Corinne Imbert.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE soutiendra et votera la présente proposition de loi.