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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La crise du Covid n’a été que le révélateur d’une gestion comptable de la santé

Financement de la sécurité sociale pour 2022 -

Par / 8 novembre 2021

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la continuité de la motion défendue par ma collègue Laurence Cohen, je souhaite dénoncer les insuffisances et les dangers de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Je ne reviendrai pas sur les nombreuses propositions que Laurence Cohen vous a exposées – sans dogmatisme, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Après dix-huit mois d’une crise sanitaire inédite, qui n’est pas encore arrivée à son terme, nous étions en droit d’attendre que le PLFSS pour 2022 en prenne toute la mesure et confère à notre sécurité sociale des moyens à la hauteur de ces enjeux. Force est de constater que c’est loin d’être le cas.

Chaque année, vous faites le choix de faire peser sur le budget de la sécurité sociale des mesures qui devraient être financées par le budget de l’État. Cela a concerné la crise des « gilets jaunes », puis celle du covid ; cette année, il s’agit des dépenses liées aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Nous avions déjà dénoncé l’an dernier cette méthode, qui aggrave le déficit de notre système de protection sociale.

Malgré cela, la sécurité sociale a joué un rôle indispensable, en dégageant des ressources considérables qui ont permis de faire face aux urgences liées à la covid, s’agissant, en particulier, de la vaccination et de l’accès massif aux tests.

Nous avions porté un regard critique sur ce procédé à travers le dépôt d’une série d’amendements visant à proposer des mesures urgentes et fortes ; cette année encore, toutefois, la faux de l’article 40 est passée et a rendu irrecevables certains de nos amendements.

Nous discuterons donc à la marge d’un texte dont les principaux arbitrages ne bougeront pas. Vous ne changez pas de méthode tant en matière de dialogue démocratique que de gestion des budgets : toujours plus de restrictions.

Au total, sur le quinquennat, une économie de près de 18 milliards d’euros aura donc été imposée sur la santé, par le biais de différents plans. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage ! En limitant les recettes de la sécurité sociale, tout en lui faisant supporter le coût de la crise, vous creusez le déficit. En 2006, les cotisations sociales représentaient 50 % du financement de la branche assurance maladie, contre 34 % aujourd’hui.

Au total, les exonérations de cotisations sociales représentent une perte de 75 milliards d’euros de recettes pour notre sécurité sociale. Imaginez ce que nous pourrions faire avec cet argent !

Depuis 2017, les économies infligées à l’assurance maladie représentent 18 milliards d’euros, dont 4,1 milliards sont à la seule charge des hôpitaux. Le bilan de cette politique, conjuguée au virage ambulatoire, est désastreux : 5 700 lits d’hospitalisation ont été fermés en 2020, en pleine crise sanitaire.

Ces fermetures s’ajoutent aux 7 600 lits déjà supprimés depuis 2017. De même, la France compte désormais moins de 3 000 hôpitaux et cliniques. Sous l’effet des réorganisations et des restructurations, vingt-cinq établissements ont fermé en 2020.

Notre système de santé a pourtant besoin d’une vraie ambition ! Aujourd’hui, les soignants quittent leur poste épuisés, humiliés, parfois maltraités. Vous vous êtes ingéniés à diviser toujours plus la communauté du soin, entre les infirmiers anesthésistes diplômés d’État (IADE), les infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État (Ibode), les infirmiers en pratique avancée (IPA), les sages-femmes, les médecins, les aides-soignantes, et tous les autres, sans même parler des agents épuisés dans le secteur médico-social. Certains d’entre eux ont obtenu des revalorisations, bien insuffisantes, d’autres pas. C’est juste assez pour essayer de diviser les professionnels entre eux.

Vous avez cassé l’hôpital public à grands coups d’économies et de plans de retour à l’équilibre ; la crise du covid n’a été que le révélateur d’une gestion comptable appliquée à la santé depuis bien longtemps.

Ce qui est vrai dans le soin l’est aussi dans la prise en charge de l’autonomie. On allait voir ce qu’on allait voir : enfin une grande réforme du grand âge et de l’autonomie ! Elle a fait « pschitt ! », disparue, envolée, tout juste recyclée dans quatre articles de ce texte. Ce n’est pas à la hauteur.

J’ai organisé, la semaine dernière, une réunion publique autour de l’aide à domicile dans le Pas-de-Calais, pour préparer cette discussion. S’agissant de la revalorisation salariale du secteur médico-social, nous ne pouvons que saluer une mesure indispensable pour ces femmes qui vivent avec moins de 900 euros par mois, dans des conditions difficiles et avec une pénibilité qui brise les corps et les carrières.

Vous vous êtes pourtant arrêtés au milieu du gué. Pourquoi l’État ne compense-t-il pas à l’euro près cette nouvelle dépense ? Comment voulez-vous que les départements l’assument sans réduire le volume d’heures de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), alors que certaines autres de leurs dépenses sociales, comme le RSA, ne sont pas compensées ?

Pourquoi, surtout, diviser les structures d’aide à domicile avec l’avenant 43 ? Pour certaines d’entre elles, la revalorisation sera financée, pour d’autres non, alors qu’elles exercent le même métier. Qui va payer pour que ces secteurs puissent garder leurs salariées ? Il manque aujourd’hui 250 000 aides à domicile, toutes structures confondues ; avec ces mesures, vous aggravez la situation.

S’agissant de la réforme du financement de l’aide à domicile et de la création d’un tarif plancher, je tiens à rappeler que cette proposition avait été faite avec un minimum de 25 euros par mon prédécesseur Dominique Watrin et Jean-Marie Vanlerenberghe, dans un rapport de 2014 intitulé L’aide à domicile auprès des publics fragiles : un système à bout de souffle à réformer d’urgence.

Dès 2014, la préconisation d’un renforcement durable de la participation de l’État dans le financement de l’APA et la réévaluation tarifaire du service rendu par les associations d’aide à domicile étaient donc avancées.

Les structures réunies la semaine dernière nous ont rappelé qu’il existe dix-sept diplômes ou intitulés de postes différents pour une même réalité. Les droits et avantages de toutes ces salariées varient en fonction des conventions collectives, ce qui provoque une volatilité des compétences et des savoir-faire dommageable, en premier lieu, aux personnes accompagnées.

Il y a urgence à constituer un véritable service public national de l’autonomie et du grand âge. Nous devons élever la qualité du service rendu à la personne âgée et permettre une réelle reconnaissance de la profession.

Pour financer ces mesures, plutôt que de faire payer les salariés et les retraités, comme le préconise le Gouvernement, nous proposons de mettre à contribution les actionnaires.

La cinquième branche que vous proposez n’est pas la solution : elle serait financée à 90 % par la cotisation sociale généralisée (CSG) reposant essentiellement sur les salariés et les retraités, alors que les employeurs ne contribueront qu’à hauteur de 6 % au soutien à l’autonomie.

Pour notre part, nous considérons que les dépenses liées à la perte d’autonomie doivent relever de la branche assurance maladie de la sécurité sociale.

De même, soumettre les revenus financiers des entreprises à des cotisations sociales modulées selon la politique salariale et environnementale permettrait de recruter 100 000 personnels à l’hôpital et 100 000 personnels par an pendant trois ans au profit des Ehpad et du secteur médico-social.

La taxation des laboratoires pharmaceutiques et des Ehpad privés lucratifs permettrait également d’assurer la création d’un pôle public du médicament, des dispositifs médicaux et de la recherche.

Afin de regagner notre souveraineté sanitaire et de lutter contre les pénuries de médicaments, il est indispensable que nous regagnions en 2021 des capacités de production et de distribution des médicaments ou des vaccins.

Nous aurions apprécié de trouver dans ce texte de vraies propositions pour lutter contre la désertification et mieux prendre en charge le handicap, pour assurer une meilleure couverture de la médecine de ville et soutenir les centres de santé, un dispositif qui a fait ses preuves.

Nous espérions trouver des moyens et des idées pour favoriser l’installation de jeunes médecins et en former un plus grand nombre dans les facultés.

Ce PLFSS est le dernier de votre gouvernement. Pourtant, rien ne change… Avec ce texte, vous remettez complètement en cause, une fois de plus, les principes de solidarité qu’avait établis le ministre communiste Ambroise Croizat.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale apparaît donc comme extrêmement décevant. Il illustre votre renoncement aux soins pour tous et votre casse de la solidarité nationale.

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