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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La fiscalisation massive du financement de la Sécurité sociale, c’est le détricotage de notre système solidaire

Financement de la sécurité sociale pour 2018 : question préalable -

Par / 13 novembre 2017

Mes chers collègues, c’est un autre projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous vous invitons à écrire, dégagé de la mainmise étatique que le Gouvernement veut imposer à la sécurité sociale, en contradiction avec ses principes fondateurs, de solidarité, de gestion paritaire et de progrès continu. Tel est le sens de cette question préalable.

Le journal Les Échos ne pouvait cacher sa joie en sous-titrant le mardi 31 octobre : « Le transfert des cotisations sociales vers la CSG constitue une des réformes clefs de l’exécutif. »

De manière « emblématique » en effet, il n’y aura plus en 2019 de cotisations « employeurs » au niveau du SMIC. Or la cotisation sociale est un prélèvement sur les profits des entreprises qui ouvre des droits salariaux sur la santé, les retraites, la politique familiale – et j’en passe –, que les représentants des salariés ont toute légitimité pour cogérer. Il n’en est plus de même avec la fiscalisation massive des recettes de la sécurité sociale.

Derrière l’écran de fumée de la « hausse du pouvoir d’achat », c’est donc le détournement du salaire indirect, c’est-à-dire des cotisations, qui est organisé. Ainsi, entre 1990 et 2018, la part des cotisations sociales dans le financement de la sécurité sociale sera descendue à 55 %, quand celle des impôts et taxes, dont la CSG, pourrait approcher les 40 %. Or la CSG est acquittée à près de 90 % par les salariés et les retraités quand les cotisations sociales sont à 70 % à la charge de l’employeur.

Parallèlement, et non sans lien, les dividendes versés aux actionnaires sont passés de l’équivalent de dix jours de salaire voilà trente ans à quarante-cinq jours en 2012 ! Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sanctuarise cette évolution ; nous proposons de dire stop !
Madame la ministre, vous prétendez – ce n’est qu’un exemple – donner un peu de pouvoir d’achat aux salariés en supprimant leur cotisation sociale au titre de l’assurance chômage. Vous vous donnez en réalité les pouvoirs pour imposer au régime le passage progressif d’un droit du salarié généré par la cotisation, particulièrement précieux dans une France à 6 millions de chômeurs, à une prestation sociale pourquoi pas uniforme, dont vous fixerez – pourquoi pas ? – le montant.

La fiscalisation massive du financement de la sécurité sociale, c’est aussi le détricotage de notre système solidaire. Sous couvert de rétablissement des comptes sociaux, vous voulez imposer, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, une nouvelle cure d’austérité à hauteur de 5,4 milliards d’euros, dont 4,2 milliards d’euros sur les dépenses de santé et 1,2 milliard d’euros au moins sur l’hôpital public.

Comme ma collègue Laurence Cohen le développera, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue donc un véritable déni de réalité, alors que les hôpitaux publics, les équipes médicales et de soignants, les patients sont déjà au bord de la crise de nerfs. Le plafonnement des dépenses d’assurance maladie à seulement 2 %, si l’on ne prend pas en compte l’augmentation du forfait hospitalier de 18 euros à 20 euros par jour, est insupportable quand les besoins évoluent naturellement de 4,5 % !

Ce sont aussi 10 % des recettes nouvelles déjà insuffisantes qui seront financées par une ponction supplémentaire sur les plus pauvres – assurés sans couverture, handicapés en maison d’accueil spécialisé –, mais aussi sur l’ensemble des patients, via l’augmentation quasi inévitable des « mutuelles ».
Le développement de l’ambulatoire, dont le bilan réel reste à faire en termes de qualité de prise en charge des malades et des coûts liés aux réadmissions, ne saurait justifier ce nouveau « délitement » de l’hôpital public !

Je sais bien que le président Macron est passé maître dans les tours de passe-passe, afin de présenter aux Français des reculs comme des avancées. Il faut reconnaître que vous savez aussi jouer de la division pour mieux imposer cette logique libérale, c’est-à-dire l’affaiblissement généralisé de notre système de protection sociale au nom de la sacro-sainte baisse des « charges patronales », comme ils disent !

Ainsi, vous instruisez de fait un procès à charge contre les retraités, que vous ponctionnerez d’un nouveau prélèvement de 1,7 % de CSG sans aucune compensation celui-là, à la différence de celle qui est consentie aux salariés, et sur laquelle il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire !

Et vous n’y allez pas de main morte, madame la Ministre ! Ainsi, les retraités de plus de 65 ans à partir de 1 440 euros de pension, et même 1 331 euros pour les moins de 65 ans, seront taxés d’un nouveau prélèvement direct sur leur revenu et leur pouvoir d’achat. Comme si on était riche avec un tel niveau de ressources, que l’on soit d’ailleurs retraité ou salarié !

En somme, votre conception de la politique sociale, c’est l’alignement vers le bas des revenus modestes. C’est d’ailleurs ce qu’a très bien expliqué le rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée nationale, en pointant le fait que les retraités avaient été « moins impactés » par la crise !
En réalité, vous ne digérez pas le fait que la pension moyenne des retraités soit passée de 62,7 % à 66,1 % du revenu d’activité moyen, ce qui n’est pourtant que la conséquence d’une plus grande activité des femmes notamment. Il est vrai que c’est tout notre système de retraites que vous voulez bousculer en proposant, dès le printemps prochain, une retraite par points, où le montant des pensions pourrait varier à la baisse pour sanctuariser – c’est là le fond – les cotisations patronales à leur niveau le plus bas possible. Ce qui est en train de se passer au niveau des retraites complémentaires en est la parfaite préfiguration.

La politique familiale sera aussi une des grandes perdantes de ce budget. Non seulement vous réaliserez une économie de 760 millions d’euros, malgré l’excédent de la branche, mais les quelques mesures positives ne pourront pas masquer le véritable changement de paradigme que vous vous vantez d’imposer à la branche, contre l’avis majoritaire de son conseil d’administration. Ce dernier, en ne vous suivant pas, a marqué à juste titre son attachement à une véritable politique familiale favorisant – je rappelle ce qu’est une politique familiale ! – la natalité, l’autonomie et l’émancipation de la femme et l’épanouissement de chaque enfant.

Mais alors que ces indicateurs de la politique familiale sont au rouge, vous accélérez au contraire la fuite en avant de la mise sous conditions de ressources de certaines prestations, à un plafond de ressources toujours plus bas. Où est la justice sociale ? Où est la politique familiale, quand les familles exclues de la prestation d’accueil du jeune enfant passeront de 20 % à 30 % des potentielles éligibles ? Les Français doivent savoir, par exemple, que les parents bénéficiaires actuels de la prestation à taux plein gagnant chacun plus de 1 660 euros et accueillant un deuxième enfant en perdront la moitié à partir du 1er avril 2018 !

Fondamentalement, les difficultés dans l’accès aux soins, la remise en cause de la politique familiale, le matraquage des retraités, l’étatisation de la sécurité sociale ou l’absence quasi totale d’anticipation des questions liées au vieillissement – selon la Cour des comptes, il y a 7 milliards d’euros de besoins de financement à trouver d’ici à 2040, mais vous les renvoyez à une énième mission – sont le résultat de la prédation toujours plus sauvage des richesses par les privilégiés de l’argent. Faut-il rappeler ici que la fortune des 500 Français les plus riches a été multipliée par sept en vingt ans et que chacun des 100 Français les plus riches va encore bénéficier d’un cadeau fiscal de 600 000 par an avec la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF ?

Nous ne le dirons jamais assez : les moyens existent dans notre beau pays, qui n’a jamais été aussi riche, pour donner une autre ambition que l’austérité et la confiscation toujours plus grande des moyens de gestion de la sécurité sociale aux assurés eux-mêmes.

Il faudrait au contraire mobiliser les intelligences et les moyens, rassembler les efforts pour lutter efficacement contre la désertification médicale ou le renoncement aux soins, qui est particulièrement problématique dans certains territoires et chez les jeunes par exemple, pour reconstruire un système de prévention en milieu scolaire et au travail en en faisant une vraie priorité nationale et pour mettre fin à la casse de l’hôpital public.

Mais, au lieu de questionner les exonérations massives de cotisations sociales patronales, les nouveaux cadeaux contenus dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances – je pense au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et à la flat tax –, vous préférez emboîter le pas à la Commission européenne dans sa logique austéritaire. Vous imposez, avec le projet de loi de programmation des finances publiques que vous venez de faire voter ces jours-ci, un carcan de dépenses de santé limité à 2,3 % sur la période 2018-2022 quand les réponses aux besoins devraient les porter à près de 5 %.

C’est pourquoi, mes chers collègues, en adoptant cette motion tendant à opposer la question préalable, vous affirmerez de manière forte votre refus d’une telle abdication et d’une telle soumission en même temps que votre attachement aux fondements humanistes de la sécurité sociale !

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