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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La santé publique sous le joug de l’austérité

Modernisation de notre système de santé : explication de vote -

Par / 6 octobre 2015
La santé publique sous le joug de l’austérité
La santé publique sous le joug de l’austérité

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, durant deux semaines, nous avons examiné un projet de loi ayant pour ambition de moderniser notre système de santé.

Nous avions un défi considérable à relever compte tenu de la situation de la santé publique, notamment en termes d’offre de soins au regard des besoins de santé sur l’ensemble du territoire.

Or la logique qui nous a été imposée dès le départ a été le redéploiement et l’aménagement de l’offre de soins dans une enveloppe contrainte. En effet, le postulat qui fait consensus dans cet hémicycle, à l’exception de notre groupe, est qu’il faut restreindre les dépenses en matière de santé publique.

L’une des pistes privilégiées pour y parvenir est l’instauration des groupements hospitaliers de territoire ou GHT, de même que le développement de l’ambulatoire, qui serait moderne et efficace face à l’immobilisme de l’hospitalisation classique, sans compter l’encadrement de la médecine de ville par les agences régionales de santé, les ARS. Mais c’est un leurre de dire que les groupements hospitaliers de territoire sont destinés à éviter la disparition des établissements au profit de leurs regroupements.

C’est faire fi du lien de proximité indispensable à une médecine humaine. Je rappelle qu’il s’agit, après déjà de nombreuses fermetures, de passer de 1 300 hôpitaux sur l’ensemble de notre territoire à environ 150 GHT !

Pour la psychiatrie, qui a été la première discipline à s’ouvrir au travail en réseau et aux collaborations interdisciplinaires, c’est la mort annoncée de la politique de secteur et la poursuite d’une vision sécuritaire de cette discipline, autant de raisons qui nous ont conduits à voter contre l’article 13 du projet de loi.

Pourquoi vouloir en réalité rendre obligatoires ces GHT, qui plus est à marche forcée ? En effet, les directeurs des ARS les mettent déjà en place, sans même attendre le vote de la loi !

N’est-ce pas essentiellement par souci de restreindre les budgets, puisque cette réforme se traduirait par environ 400 millions d’euros de dépenses en moins sur trois ans ?

Comment imaginer, dans ces conditions, répondre aux besoins de la population et aux souffrances des personnels de santé ?

Par ailleurs, vouloir opposer l’ambulatoire à l’hospitalisation sous prétexte de réduire les inégalités d’accès aux soins est, là encore, bien illusoire. Cela revient à demander plus aux familles en termes d’assistance, de relais… Or, vous le savez pertinemment, tous les patients ne peuvent s’appuyer sur des parents vivants, disponibles, capables financièrement et moralement de s’occuper d’eux.

Cela revient également à privatiser une partie de l’activité hospitalière tout en multipliant des soins infirmiers et de kinésithérapie, ce que dénonce la Cour des comptes.

Quant aux déserts médicaux, pensez-vous régler le problème en permettant aux médecins hospitaliers d’exercer jusqu’à soixante-douze ans ?

Toutes ces mesures s’inscrivent, de surcroît, dans un déni de démocratie puisque vous refusez l’instauration de contre-pouvoirs à ceux des directeurs d’ARS qui deviennent hégémoniques !

Les quelques mesures positives – ouverture de salles de consommation à moindre risque, suppression du délai de réflexion pour l’IVG, reconnaissance des centres de santé dans le parcours de soins, effort de transparence quant aux liens d’intérêt… – sont loin de suffire pour changer la donne, à savoir transformer cette loi en une loi-cadre de santé publique. D’autant que la majorité de droite a refusé un certain nombre de propositions qui allaient dans le bon sens et que nous avons soutenues.

Je pense, bien évidemment, au tiers payant généralisé en 2017, qui est une aide utile à l’accès aux soins, même si, dans les conditions d’aujourd’hui, c’est aussi une incitation à la généralisation des complémentaires, donc des assurances.

Je pense, également, à l’inscription, dans chaque région, d’un plan d’action pour l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, élaboré par les ARS.

À ce propos, je voudrais dénoncer la manœuvre de la majorité de droite, qui a consisté à refuser de voter les mesures en faveur de l’avortement sous le prétexte qu’elles relevaient de la bioéthique ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.) Je laisse nos concitoyennes et concitoyens en juger.

Si nous sommes contre ce projet de loi, nous n’oublions pas la responsabilité de la droite dans la « casse » de la santé publique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.) Nous ne mêlons donc pas nos voix aux leurs, eux qui défendent la loi « HPST » ou « Bachelot », et qui soutiennent toujours davantage de restrictions budgétaires. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

Nos critiques sont diamétralement opposées, comme nous l’avons clairement exprimé au cours de ces deux semaines de débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Je le redis ici, pour mon groupe, la région est bien le niveau pertinent concernant les questions de santé, tout comme le département l’est pour celles de la perte d’autonomie et de la petite enfance. C’est aussi le niveau de l’organisation de la formation professionnelle médicale et paramédicale.

Mais cela suppose de partir des besoins de santé de la population, à l’opposé de la recherche prioritaire par le Gouvernement de la répartition de l’offre de soins la moins-disante.

Le moteur de notre projet est la démocratie concrétisée à tous les niveaux. Elle doit permettre d’exprimer les besoins de santé, mais aussi d’assurer un contrôle démocratique des décisions et de la mise en œuvre des réponses à ces besoins.

Ainsi, madame la secrétaire d’État, nous aurions souhaité voir figurer dans ce projet de loi l’arrêt immédiat des suppressions d’activité et des fermetures de services de santé, donc le renoncement aux GHT, la relance des services d’urgence dans chaque bassin de vie, la suppression des franchises, des forfaits et des dépassements d’honoraires, l’attribution de moyens spécifiques aux missions des centres de santé, la relance d’une médecine préventive avec le développement de la médecine scolaire et de la médecine du travail, qui nécessite des moyens humains et financiers, un pôle public du médicament, une loi de santé mentale digne de ce nom, ainsi que l’affirmation d’un soutien au remboursement par la sécurité sociale des soins prescrits, avec le retour à 80 % tout de suite et à 100 % pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans et les étudiants, avant d’atteindre 100 % pour tous et pour tous les soins prescrits.

Évidemment, pour cela, il faut des moyens, et nous allons à présent vous donner quelques idées de recettes supplémentaires.

M. Hubert Falco. Heureusement que vous êtes là !

Mme Laurence Cohen. Ainsi, pourquoi ne pas soumettre au taux actuel des cotisations sociales employeurs les profits financiers ? Cela pourrait générer plus de 87 milliards d’euros de recettes et, en rendant moins profitable la finance, on ouvrirait la voie à une réorientation de l’économie vers la production de richesses réelles.

De manière plus pérenne, nous proposons de supprimer la CSG et de combiner cette suppression avec un mouvement général de hausse des cotisations patronales, associé à un dispositif de modulation des cotisations sociales employeurs incitant l’entreprise à adopter une gestion vertueuse à l’égard de l’emploi et des salaires. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. François Grosdidier. Il n’y a pas assez de chômage ?

Mme Laurence Cohen. Ces propositions constituent de véritables marqueurs de gauche qui font défaut dans ce projet de loi. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

Pour finir, mes chers collègues, j’ai davantage eu l’impression, durant ces quelques minutes, de me trouver dans une classe d’école maternelle…

M. François Grosdidier. Et nous devant une institutrice désagréable !

Mme Laurence Cohen.… ou dans un hall de gare que dans l’hémicycle… Mais il est vrai que vous êtes très nombreux aujourd’hui !

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