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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le droit à l’IVG est un droit inaliénable des femmes

Délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse -

Par / 7 décembre 2016

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, malgré les conditions d’examen peu propices à une analyse approfondie de cette proposition de loi, je veux souligner le respect qui a présidé à nos échanges au sein de la commission des affaires sociales. Je tiens donc à remercier le président de celle-ci, Alain Milon, la rapporteur, Stéphanie Riocreux, le rapporteur pour avis, Michel Mercier, et Chantal Jouanno, qui y ont chacune et chacun contribué.

Cela étant, de nombreuses évolutions ont eu lieu depuis la loi Veil du 17 janvier 1975 reconnaissant le droit à l’avortement, loi votée à la suite d’une forte mobilisation de femmes, de féministes et grâce à l’audace d’une femme politique.

Pour les membres de mon groupe, comme pour d’autres, ce droit est un droit inaliénable des femmes. Pourtant, il reste fragile et a dû, au cours des années, être renforcé, protégé, notamment à la suite des actions de commandos anti-IVG.

C’est ainsi qu’a été créé le délit spécifique d’entrave à l’IVG, par la loi du 27 janvier 1993, qui sanctionne le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher une IVG en perturbant l’accès aux établissements de soins concernés ou en exerçant des menaces sur le personnel ou sur les femmes elles-mêmes. Ce délit est désormais puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Nous savons toutes et tous que la violence peut s’exercer physiquement, mais aussi moralement. La loi du 4 juillet 2001 a donc renforcé ce délit d’entrave à l’IVG non seulement en ajoutant la notion de pressions morales et psychologiques pour sanctionner les menaces et les actes d’intimidation, mais également en alourdissant les peines prévues.

Notre pays n’est pas le seul où l’interruption volontaire de grossesse est un droit régulièrement attaqué : je pense à l’Espagne et, plus récemment, à la Pologne, pour ne citer que des pays européens. Aussi est-il très important de faire évoluer la loi pour garantir plus et mieux ce droit pour les femmes.

C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu, lors du vote de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, que soit encore élargi le champ du délit d’entrave en sanctionnant les actions qui viseraient à empêcher l’accès à l’information au sein des structures pratiquant des IVG.

De même, nous avons soutenu la suppression du délai de réflexion dans la loi de modernisation de la santé, véritable avancée pour les droits des femmes.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui prend en compte les nouveaux moyens de communication, en l’occurrence internet, pour étendre le délit d’entrave au domaine numérique, eu égard à l’existence de sites qui, en réalité, n’ont d’autre but que de dissuader des femmes enceintes de recourir à une IVG.

Ces sites internet, sous couvert d’aspects officiels, prétendent apporter une information neutre sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse alors que, en fait, ils font tout pour décourager les femmes de pratiquer un avortement.

Il est intéressant, par exemple, de constater que jamais ils ne donnent l’adresse de centres d’IVG. Le témoignage test de l’élue Les Républicains, Aurore Bergé, est en ce sens très éloquent.

En réalité, on est face à une entreprise de désinformation qui instrumentalise le désarroi de femmes, souvent jeunes, qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité. Car aucune femme ne prend la décision d’avorter le cœur léger !

Ce procédé particulièrement malhonnête peut avoir des conséquences très graves, les femmes perdant un temps précieux, pouvant se trouver ainsi hors délai.

De surcroît, les femmes qui se tournent vers internet, outre pour la rapidité de la réponse et la facilité de l’accès, le font aussi, car c’est une façon de préserver leur anonymat. Il s’agit, de la part de ces sites, d’un abus de confiance. Je le répète, ils avancent masqués, donnant à croire que les informations qu’ils délivrent sont objectives. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes l’avait d’ailleurs souligné dès 2013. Il est donc urgent d’agir.

Si les mouvements pro-vie ont toujours été présents dans notre pays, comme dans beaucoup d’autres, je suis inquiète de la teneur du débat qui secoue notre société. Des voix de plus en plus nombreuses à droite s’élèvent pour défendre une vision nataliste de la société au nom d’un modèle unique de la famille, s’en prenant de fait à l’avortement.

C’est le cas notamment du prétendant de droite à l’Élysée, incitant les femmes à la procréation et au retour au foyer plutôt qu’à l’émancipation. (Marques de réprobation sur les travées du groupe Les Républicains.) Ou bien encore du président de la Conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier, qui en a appelé directement à François Hollande pour qu’il s’oppose à cette proposition de loi, en dénonçant une atteinte « grave » aux libertés.

M. Loïc Hervé. Il a le droit de s’exprimer ! Ce n’est pas un délit d’entrave !

Mme Laurence Cohen. Cette démarche ne peut que nous conduire à nous interroger, quelle que soit notre sensibilité politique, quand on songe à un principe fondateur de notre République : la séparation entre l’Église et l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

Cette vision a, hélas, traversé le débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale, où droite et extrême droite ont multiplié les amendements dans un climat détestable que je déplore, s’éloignant totalement de l’objet de cette proposition de loi.

En revanche, je ne confonds pas ces mauvais prétextes avec l’inquiétude de nombreux collègues concernant une possible remise en cause de la liberté d’expression.

Ainsi, le président du groupe Les Républicains du Sénat, Bruno Retailleau, a indiqué devant Public Sénat que « ce texte est contraire à la liberté d’expression et contraire à l’esprit de la loi Veil ».

Mais pour moi, il faut toujours contextualiser les actes ou les paroles que l’on analyse. Cette loi a été votée dans des conditions très difficiles et Mme Veil a dû mener un combat âpre dans son propre camp pour y parvenir. Impossible, par exemple, de déclarer, à l’époque, devant une majorité de députés réticents, voire hostiles, que l’avortement était un droit, ce qu’elle a pu faire, en 2007, dans un entretien au Point.

Je le répète, le présent texte ne remet pas en cause la liberté d’expression, car si tel était le cas, mon groupe ne le soutiendrait pas. Il remet en revanche en cause la manipulation des esprits par des sites de désinformation.

Il s’agit donc non pas de sanctionner un quelconque délit d’opinion sur internet ni de prévoir un contrôle de l’objectivité de l’information, mais de donner sa pleine efficacité à un délit existant.

Dans un premier temps, j’étais dubitative sur la nouvelle rédaction de l’article unique proposée par Mme la rapporteur. Mais après explication, notamment en commission voilà une heure, je pense que cette rédaction tient compte des doutes exprimés et du risque de censure par le Conseil constitutionnel, et ce dans l’intérêt des femmes qui cherchent désespérément des informations claires et objectives sur l’IVG.

Avant de conclure, je veux attirer votre attention, madame la ministre, sur le fait qu’il existe d’autres façons de sécuriser le droit à l’avortement. D’abord, donner des moyens aux centres de contraception et d’interruption volontaire de grossesse, dont cent trente ont fermé en dix ans. Aujourd’hui, en France, des femmes sont obligées d’aller à l’étranger pour avorter ! Je n’ai cessé de le dénoncer avec mon groupe. Malheureusement, ce n’est pas le chemin suivi par la loi de modernisation de notre système de santé ni par les différentes lois de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat.

Ensuite, je regrette fortement que l’amendement que mon groupe et moi avons déposé, dans le cadre du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, visant à permettre aux centres de planification et d’éducation familiale de pratiquer des IVG chirurgicales ait été retoqué avec un avis défavorable de la commission et de la ministre, Marisol Touraine.

Enfin, au lieu de réduire les subventions aux associations qui se battent sur ce terrain, obligeant bon nombre d’entre elles à mettre la clef sous la porte, il faut doter davantage ces associations, tant sur le plan financier qu’en termes de ressources humaines.

Mais face à cette offensive de désinformation qui se joue sur internet, et parce que nous considérons l’avortement comme un droit inaliénable – notre famille politique propose d’ailleurs sa constitutionnalisation –, nous voterons cette proposition de loi visant à étendre le délit d’entrave à l’IVG.

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