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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le gouvernement se fait le VRP des plateformes de travail

Lutte contre l’indépendance fictive -

Par / 27 mai 2021

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en juin 2020, le groupe CRCE avait présenté une proposition de loi sur le statut de ces travailleurs – je remercie les collègues qui l’ont évoquée –, visant à les intégrer au code du travail, ce qui relève du bon sens, à leur ouvrir le droit à une protection sociale, ce dont tout le monde parle, ainsi qu’un droit à la négociation collective, qui a également été évoqué.

Chacun sait ici à quel point ces travailleurs sont précaires, y compris la Cour de cassation qui a reconnu par deux fois qu’ils étaient des salariés déguisés. Alors, que s’est-il passé ?

Le Gouvernement s’est comporté comme le VRP des plateformes, ce que confirment les propos que vous venez de tenir, madame la ministre : ce que vous souhaitez, c’est tenter d’obtenir un tiers statut.

Nous avons la chance, grâce au présent débat, de prendre connaissance de la méthode du Gouvernement, soit la présentation a posteriori d’ordonnances. Merci donc, madame la ministre, pour votre exposé très explicite à cet égard !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je n’ai pas dit ça, monsieur le sénateur !

M. Pascal Savoldelli. Sur notre proposition de loi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’était abstenu ; j’y reviendrai.

Quant à nos collègues de droite, que j’appelle la majorité sénatoriale des droites, à chaque fois que le sujet vient sur la table, c’est le statu quo : on ne touche à rien ! (Mme Laure Darcos proteste.)

Mes chers camarades socialistes, j’y reviens, vous vous étiez donc abstenus sur notre proposition de loi. Vous comprendrez donc notre étonnement face à votre cheminement : tantôt regroupement en coopérative d’emploi et d’activité, tantôt devoir de vigilance, et maintenant requalification par action de groupe. Tout ça pour finalement reprendre à demi-mot notre travail…

Mme Michelle Meunier. À charge de revanche !

M. Pascal Savoldelli. Dont acte quant à vos intentions, mais le contenu de votre texte reste quelque peu chaotique et questionne eu égard à l’efficacité de son application.

Empreint d’optimisme, j’ai bien noté que, dans votre article 1er, vous vouliez donner à ces travailleurs la possibilité d’intenter une procédure de requalification par action de groupe, leur conférant ainsi un outil supplémentaire pour faire respecter les droits.

Nous encourageons votre volonté de remplacer, à l’article 2, la présomption de non-salariat par une présomption de contrat de travail. C’était notre idée ; il me serait donc difficile de vous contredire et il serait bien inutile de nous départager.

Enfin, l’article 3 vient renforcer l’expertise des conseils de prud’hommes (CPH), en leur donnant la possibilité d’ordonner aux plateformes de communiquer leurs algorithmes et de se faire assister d’un expert pour la compréhension de leur fonctionnement. Pour notre part, nous avions proposé l’année dernière que les travailleurs puissent se faire assister d’une ou d’un data scientist : c’était bien plus offensif en termes de démocratie sociale.

Dans cet article 3, on perçoit une certaine confusion.

Vous parlez des plateformes de mise en relation. Alors là, non, ce n’est pas acceptable ! Une mise au point est indispensable : les plateformes les plus précarisantes, les Uber ou Deliveroo, c’est-à-dire celles qui emploient des travailleurs qu’il convient justement de protéger, sont tout sauf des plateformes de mise en relation. Ce sont des plateformes numériques de travail !

Quand une plateforme peut sanctionner un travailleur parce qu’il n’a pas respecté un itinéraire, qu’elle impose ses tarifs et qu’elle édite des factures, on est au-delà de la mise en relation : il s’agit de gestion et de contrôle. Les plateformes doivent impérativement assumer leur responsabilité d’employeur et s’acquitter des cotisations sociales.

Pour ce qui concerne l’article 1er relatif à l’action de groupe, celle-ci limite l’indemnisation, puisque seuls les préjudices nés après la demande sont pris en considération. Elle transfère le contentieux social du juge prud’homal au juge judiciaire : chacun le sait ici, ils n’ont pas la même lecture du droit.

La logique est la même à l’article 2. S’agissant des critères de la présomption de contrat de travail, vous proposez qu’« au moins les deux tiers du revenu professionnel annuel résultent d’un algorithme exploité directement ou indirectement par une personne ». Je ne vois pas comment on peut être exploité directement ou indirectement par une personne ; ce n’est pas clair…

Sur la question des algorithmes, nous devons aller beaucoup plus loin et prévoir des critères. Aucun critère de ce que j’appelle « l’algo-subordination » n’est défini !

Il s’agit d’un enjeu majeur, madame la ministre. Ces plateformes choisissent de contrôler par algorithme les éléments essentiels de la relation de travail, et pas seulement la relation contractuelle. Cette absence de définition limite considérablement la portée de cet article.

Nous voterons donc cette proposition de loi, mais – vous l’aurez compris – avec beaucoup de réserves.

Nous la voterons pour que le débat s’élargisse, se clarifie, dans l’intérêt de ces nouveaux salariés, déguisés et méprisés.

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