Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Le postulat de ce texte est faux
Création de points d’accueil pour soins immédiats -
Par Laurence Cohen / 4 juin 2020Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier notre rapporteure Élisabeth Doineau pour le travail qu’elle a réalisé.
Cette proposition de loi arrive dans un contexte particulier : l’organisation de notre système de santé est en pleine ébullition. La crise née de la pandémie du Covid-19 a été le révélateur des maux dénoncés depuis des années à l’hôpital.
Ce texte, qui part d’un bon sentiment, ne prend pas en compte l’ampleur des difficultés et reste assez flou, puisque nous n’avons aucun élément sur le futur cahier des charges, qui sera défini par décret. Il fait même sien un postulat tout à fait contestable, tendant à faire croire que les urgences seraient saturées du fait d’un afflux injustifié de patients, alors que le recours aux urgences serait inapproprié dans seulement 6 % des cas.
Le fond du problème réside plutôt dans l’augmentation du nombre des déserts médicaux, le vieillissement de la population et la plus grande prévalence des maladies chroniques. En réalité, c’est toute la chaîne des soins qu’il faut revoir, en travaillant en profondeur sur la complémentarité entre médecine de ville et hôpital, et non sur la mise en concurrence du public et du privé. Si les cliniques privées ont été si peu mises à contribution durant la crise du Covid-19 pour soigner les malades, c’est en partie le résultat des politiques de tarification à l’activité et de cette mise en concurrence, qui les ont conduites à se spécialiser dans les soins rentables à fort remboursement.
Le risque n’est-il pas que cette proposition de loi permette aux cliniques commerciales de prendre en charge les patients qui en ont les moyens ? De fait, elle ouvre la labellisation des PASI aux établissements privés, qui ne participaient pas au service public hospitalier jusqu’alors. Même si elle précise que les patients devront être adressés à des structures pratiquant le tiers payant, ce que nous défendons totalement, elle ouvre la porte aux structures pratiquant des dépassements d’honoraires, sous réserve simplement que le patient en soit averti. De plus, si l’idée d’encourager les médecins libéraux à s’organiser sur leur territoire est tout à fait juste, ce texte méconnaît les réalités.
Dans mon département du Val-de-Marne, il existe douze structures, dénommées « SAMI », qui assurent les urgences médicales le soir, le week-end et les jours fériés. Ce système fonctionne grâce, d’une part, à l’implication du conseil de l’ordre départemental des médecins ainsi que d’une équipe de médecins volontaires et, d’autre part, à l’engagement de collectivités, qui participent à certains frais. Mais, aujourd’hui, ces médecins volontaires ont vieilli et ne trouvent pas de relève. Le fait que les SAMI soient labellisés PASI ne changera rien à l’affaire.
Il serait d’ailleurs peut-être temps, monsieur le secrétaire d’État, de revenir sur le décret Mattei, qui a supprimé les gardes des médecins le soir et le week-end.
M. René-Paul Savary. Ah oui !
Mme Laurence Cohen. Sachant votre qualité d’écoute, je compte sur vous pour faire remonter ce vœu à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Cette proposition de loi cherche à trouver une solution, en distinguant les soins urgents des soins immédiats, qui n’entraîneraient pas de risque pour la survie des patientes et des patients. Pour y parvenir, elle propose d’associer plus fortement les professionnels de santé de proximité autour d’un plateau technique et au sein d’une CPTS, ce qui concerne notamment les maisons de santé et les centres de santé.
Mes chers collègues, pour avoir parcouru l’ensemble du territoire et avoir visité plus de cent trente établissements, dans l’Hexagone et dans les territoires ultramarins, avec les collègues de mon groupe et nos homologues de l’Assemblée nationale, je considère qu’il faudrait que les ARS aident les maires, sur les plans financier comme logistique. En effet, nos édiles se sentent bien seuls au moment où ils décident d’implanter des centres de santé sur leur territoire.
En fait, les différents plans qui se sont succédé, notamment lors du passage de Mme Buzyn au ministère, n’ont pas rompu avec la logique de restrictions budgétaires qui plombe notre système de santé. Le plan Ma santé 2022 met notamment à mal les hôpitaux de proximité, en remettant en cause leurs missions, et porte un coup à la continuité des soins.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai participé, hier, avec plusieurs de mes collègues, à une rencontre avec le ministre des solidarités et de la santé et ses services dans le cadre du Ségur de la santé. Fort des propositions des professionnels de santé, particulièrement mobilisés depuis plus d’un an et des enseignements de la pandémie du Covid-19, le Gouvernement va-t-il enfin remettre à plat l’intégralité de notre système de soins ?
Les solutions passent, en plus de ce que j’ai énoncé, par l’augmentation globale du budget de l’hôpital – vous savez que nous avons des propositions de nouveaux financements pour y parvenir –, l’ouverture de lits d’amont et d’aval des urgences et la revalorisation des professionnels de santé et du médico-social, avec une augmentation de leurs salaires et une progression de leur statut. Il ne suffit pas de dire, dans cet hémicycle, que l’on soutient les professionnels. Il ne suffit pas de se payer de mots. Il faut aller sur place, les assurer de ce soutien et relayer leurs revendications ici même.
On voit bien que le problème est global et qu’il ne peut en rien être résolu par une proposition de loi. Parce que nous ne pouvons ignorer la gravité de la crise de notre système de santé, nous ne pouvons nous contenter d’un sparadrap sur une jambe de bois. C’est pourquoi notre groupe votera contre ce texte.