Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Une vieille revendication des associations d’anciens combattants
Attribution de la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d’Évian -
Par Cécile Cukierman / 6 juin 2018Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je regrette que nous débattions des anciens combattants sans qu’au moins un secrétariat d’État à part entière leur soit dédié, même si Mme Darrieussecq s’occupe de cette question.
La proposition de loi que nous examinons vise à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d’Évian, du 2 juillet 1962 jusqu’au 1er juillet 1964.
La loi en vigueur depuis 1974 fait courir le bénéfice de la carte du combattant pour les opérations en Afrique du Nord jusqu’au 2 juillet 1962, veille de l’indépendance de l’Algérie. Cette date concerne les engagés en Algérie comme en Tunisie et au Maroc. Pourtant, si la fin de la guerre d’Algérie est officiellement fixée à la signature des accords d’Évian et l’indépendance algérienne au 2 juillet 1962, le contingent français est resté sur zone jusqu’en 1964. Ainsi, 305 000 soldats étaient présents au 2 juillet 1962, 103 000 en janvier 1963 et encore 50 000 en juillet 1964. En outre, 535 soldats français sont morts en Algérie après l’indépendance et le début du retrait des troupes.
Dans un premier temps et afin de pallier cet arrêt brusque de la reconnaissance, la loi de finances pour 2014 a créé la carte dite « à cheval », qui a permis à 11 000 anciens combattants, présents en Algérie à cheval sur les deux périodes – avant et après le 2 juillet 1962 –, de faire valoir leur droit à reconnaissance.
Les dispositions prévues dans cette proposition de loi répondent à une vieille revendication des associations d’anciens combattants, que nous avons l’habitude de rencontrer. Pouvons-nous encore, en 2018, accepter que le statut d’ancien combattant ne soit toujours pas accordé aux militaires français déployés en Algérie entre 1962 et 1964 ? Ceux qui ont perdu la vie pendant cette période ont droit à la qualification de « morts pour la France », les autres, à un titre de reconnaissance de la Nation. La preuve, en accordant ce titre, l’État français reconnaît le climat de dangerosité qui régnait à cette époque en Algérie.
Nous sommes face à une aberration : celui qui arrivé sur place le 1er juillet 1962 a pu obtenir la carte du combattant, alors que celui qui est arrivé le 3 juillet 1962 n’a pu en bénéficier. Pourtant, vous en conviendrez, ces deux personnes se trouvaient dans le même peloton et y ont effectué, ensemble, les mêmes missions, les mêmes jours, aux mêmes horaires.
Je souhaite préciser ici qu’il ne s’agit ici en aucun cas de réécrire l’histoire. Cette décision ne doit pas conduire à changer de vision quant à la date de la fin de la guerre. Il s’agit d’une harmonisation qui ne vise ni plus ni moins qu’à conférer le même statut aux soldats envoyés en Algérie.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, plusieurs amendements avaient été déposés en ce sens. À l’époque nous nous étions heurtés à un refus du Gouvernement, qui nous demandait du temps.
Nous avons attendu et nous avons tous pris connaissance de l’intention du Gouvernement d’accorder cette carte. Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, vous avez l’occasion de mettre en œuvre ce que vous avez annoncé.
Malheureusement, nos anciens combattants disparaissent chaque année, compte tenu de leur âge, et cela n’ira qu’en s’aggravant. Ils ont assez attendu et leurs associations, dans leur ensemble, souhaitent que cette inégalité de traitement soit réparée au plus vite.
Nous avons entendu votre position de principe, mais il manque encore des crédits, et nous demeurerons vigilants lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, afin de garantir l’affectation des crédits nécessaires et l’application de cette mesure.
La forte précarité sociale dans laquelle se trouvent ces anciens combattants ainsi que la légitimité de leurs revendications encouragent à soutenir cette délivrance de la carte de combattant. Le groupe CRCE se prononcera donc favorablement sur ce texte, tout en restant vigilant quant à la mise en œuvre de cette disposition.