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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les prostituées sont des victimes

Lutte contre le système prostitutionnel -

Par / 30 mars 2015

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la Haute Assemblée va enfin pouvoir examiner la présente proposition de loi, adoptée à l’Assemblée nationale au mois de décembre 2013.

Les membres de mon groupe et moi-même faisons partie de celles et de ceux qui ont à plusieurs reprises interpellé les présidents successifs du Sénat et le ministre chargé des relations avec le Parlement pour que ce texte soit mis à l’ordre du jour. Je me réjouis donc qu’il en soit ainsi aujourd’hui.

Je souhaite que nos débats en séance plénière permettent de ne pas suivre le vote majoritaire de la commission spéciale renouvelée qui vide totalement la proposition de loi de son sens en réintroduisant le délit de racolage et en rejetant la pénalisation de l’acte sexuel tarifé.

Il y avait urgence à débattre de cette proposition de loi, et surtout urgence à se donner les moyens de lutter efficacement contre le système prostitutionnel.

La France, pays abolitionniste, se doit d’avoir une politique cohérente avec cette position.

Pour les abolitionnistes, la prostitution est une forme d’exploitation et une atteinte à la dignité humaine qui doit être abolie. Les prostituées sont des victimes non punissables, les proxénètes des criminels, et les clients peuvent être sanctionnés comme acteurs du système.

Comment prétendre instaurer une société de pleine égalité entre les femmes et les hommes quand on accepte que des hommes achètent le corps des femmes ? Où est le choix de ces dernières ?

Même si je considère que le débat premier ne se limite pas à une question de chiffres, il me semble à mon tour nécessaire d’illustrer la réalité de la prostitution par quelques données statistiques.

En France, les personnes prostituées seraient au nombre de 30 000, et 85 % sont des femmes. À l’inverse, 99 % des clients sont des hommes. La prostitution est donc bien un phénomène sexué.

De plus, comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, plus de 90 % des personnes prostituées exerçant sur le territoire français sont de nationalité étrangère. Les pays d’origine sont bien connus : il s’agit principalement de la Roumanie, du Nigeria et de la Chine.

Alors que 80 % des personnes prostituées étaient françaises au début des années quatre-vingt-dix, cette proportion s’est aujourd’hui très largement inversée. Cela ne peut que nous conduire à nous interroger et à admettre que cette tendance n’est pas sans lien avec les réseaux de proxénétisme, de traite d’êtres humains.

Quant aux hommes qui ont recours à des prostituées, ils ne sont pas particulièrement confrontés à la misère affective et sexuelle : plus des deux tiers d’entre eux vivent ou ont vécu en couple et plus de 50 % sont pères de famille. Je dirai qu’il s’agit de monsieur Tout-le-Monde.

Mme Maryvonne Blondin. C’est exact !

Mme Laurence Cohen. Nous savons pertinemment que la prostitution est un phénomène lié à une vulnérabilité sociale et économique.

Nous connaissons toutes et tous les raisons qui peuvent pousser telle ou telle personne à quitter son pays d’origine et surtout les difficultés qu’elle rencontre et les menaces auxquelles elle est exposée en arrivant dans un nouveau pays : elle constitue une proie idéale. Nous savons les chantages qui sont exercés sur elle lorsqu’elle veut obtenir ou récupérer ses papiers, son passeport, etc.

À cette précarité, à cette subordination économique, s’ajoutent les risques sanitaires qu’encourent les personnes prostituées. C’est une catégorie majoritairement bien plus exposée que le reste de la population aux maladies sexuellement transmissibles ou aux infections sexuellement transmissibles, sans parler des maladies chroniques et autres problèmes de santé souvent liés à des conditions de vie dégradées et à la perte de l’estime de soi. Or on ne le sait que trop bien, le cumul des difficultés est un obstacle à l’accès aux soins. Je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport de Michelle Meunier ou au rapport d’information de Chantal Jouanno et Jean-Pierre Godefroy qui sont extrêmement éloquents et préoccupants à cet égard.

Au-delà de ces chiffres qu’il convenait de rappeler, la prostitution est une violence extrême, inhérente au système prostitutionnel, infligée tout aussi bien par les clients que par les proxénètes : violences sous toutes formes, chantages, humiliations, insultes, coups, viols répétés… Les témoignages des personnes prostituées ou qui sont sorties de la prostitution – je pense notamment à Rosen Hicher– sont tout simplement insoutenables.

Comment, à partir de là, continuer à banaliser la prostitution en la considérant comme étant le plus vieux métier du monde ? Je rappellerai l’expression de Brigitte Gonthier-Maurin qui, elle, parlait de « plus vieille violence du monde infligée aux femmes ».

Comment accepter cette violence masculine s’exerçant sur des personnes plus vulnérables, au nom d’un rapport sexuel prétendument consenti car tarifé ?

On le voit à travers ces constats, les défis à relever sont importants et la présente proposition de loi vise à s’y attaquer par la mise en place d’une politique fondée sur quatre piliers, qui sont fondamentaux dans la mesure où ils prennent en compte le système prostitutionnel dans son ensemble, dans sa globalité, en intégrant tous les acteurs concernés, personnes prostituées, proxénètes et clients.

Nous le savons tous dans cette enceinte, le débat va tourner essentiellement autour des articles 13, 16 et 17 de la proposition de loi et les dispositions adoptées alors détermineront le vote final de chacun.

À l’instar de la majorité de mes collègues du groupe CRC, j’estime que nous devons réintroduire dans ce texte les articles 16 et 17 ayant pour objet la responsabilisation du client, au risque, sinon, de le vider de sa substance De même, l’article 13 abrogeant le délit de racolage doit être maintenu en l’état.

Bien évidemment, il est important d’insister sur les moyens qui doivent être accordés pour que cette proposition de loi puisse être suivie d’effets et que l’on parvienne à lutter efficacement contre le système prostitutionnel.

Je conclurai mon propos en disant que la prostitution est une défaite non seulement pour les femmes, mais également pour les hommes et le vivre ensemble. Lutter pour son abolition est une question éminemment politique. C’est un combat mixte en faveur du respect et de l’universalité des droits humains qui rassemble de nombreux progressistes et la majorité des associations féministes, notamment celles qui composent le collectif Abolition 2012.

Notre responsabilité de parlementaire est de légiférer en ce sens, pour la majorité des prostituées qui sont contraintes d’exercer cette activité. Mes chers collègues, je vous remercie d’être attentifs à cet aspect de la question au cours de notre débat et de redonner à cette proposition de loi toute la portée qu’elle avait à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale.

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