Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Les vrais fraudeurs se trouvent parmi les riches et les puissants
Lutte contre les fraudes sociales -
Par Cathy Apourceau-Poly / 11 mars 2021Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’opiniâtreté dont fait preuve notre collègue Nathalie Goulet dans son combat contre la fraude.
M. André Reichardt. Ah !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous partageons d’ailleurs avec elle l’idée que la fraude remet en cause le consentement à l’impôt, pilier de notre société. En revanche, nous refusons de pointer du doigt les bénéficiaires des prestations sociales comme les principaux fraudeurs.
Tant en nombre qu’en montant, les allocations familiales représentent une part minoritaire des fraudes qualifiées. Surtout, ces fraudes sont pour 70 % des omissions.
Bien sûr, et je le dis à notre collègue Nathalie Goulet, nous n’acceptons aucune fraude, mais nous notons que ce texte s’attaque à la minorité du montant de la fraude qui est déjà contrôlée, tandis que la majorité du montant de la fraude demeure libre et impunie.
Pour nous, les vrais fraudeurs ce sont les 15 000 Français ou entreprises tricolores qui sont établis au Luxembourg et qui soustraient à l’impôt 6 500 milliards d’euros ! Les fraudeurs, ce sont les 166 filiales d’entreprises du CAC 40 qui détiennent des avoirs au Luxembourg. Ce sont les 80 milliards d’euros de fraude fiscale, c’est-à-dire de pertes de recettes pour le budget de l’État.
Les fraudeurs, ce sont aussi les patrons qui ne cotisent pas à la sécurité sociale et qui, chaque année, font perdre 8 milliards d’euros à l’hôpital et à notre régime de retraite.
Malheureusement, cette proposition de loi ne s’attaque absolument pas à cette fraude. Vous préférez pointer du doigt la fraude aux prestations sociales. Nous pensons que cela stigmatise les pauvres. Vous pointez du doigt les petits tricheurs qui cachent les grands voleurs !
Cette fraude aux prestations sociales est chiffrée par la Cour des comptes à 1,2 milliard d’euros, qu’il faut mettre en regard des 450 milliards d’euros de prestations versées par la sécurité sociale, soit moins de 0,3 % du total.
Concernant la fraude documentaire, elle serait située entre 117 millions d’euros et 138 millions d’euros, bien loin des 14 milliards d’euros évoqués par certains.
Contrairement aux idées reçues, en 2019, les fraudeurs ne sont pas celles et ceux que l’on croit.
Ainsi, la fraude à l’assurance maladie provient, dans seulement 21 % des cas, des salariés et des employeurs, contre 31 % des cas pour les établissements de santé et médico-sociaux et 48 % des cas pour les professionnels de santé.
En comparaison, le non-recours aux prestations sociales atteint un montant largement supérieur à la fraude aux prestations sociales.
Ainsi, le non-recours pour le revenu de solidarité active (RSA) est de 36 %, soit plus de 3,6 milliards d’euros ; le non-recours pour la couverture maladie universelle est de 34 % ; enfin, le non-recours pour l’aide à la complémentaire santé solidaire est de 70 %.
Dans le Pas-de-Calais, des familles survivent sous les radars et renoncent à leurs droits, car elles refusent d’être stigmatisées et considérées comme des « assistées »…
Nos concitoyens renoncent à leurs droits par méconnaissance et parce qu’ils sont montrés du doigt. Cette proposition de loi stigmatise les plus pauvres au lieu de s’attaquer aux riches et aux puissants, véritables fraudeurs professionnels.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre cette proposition de loi.