Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Nous estimons que la persuasion est plus efficace que la contrainte et les sanctions financières
Vaccination obligatoire contre le Covid-19 -
Par Laurence Cohen / 13 octobre 2021Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre le covid-19 passe par une couverture vaccinale de l’ensemble de la population en France, en Europe et dans le monde.
Nous saluons la découverte, en un temps extrêmement court, de vaccins contre ce virus très contagieux et dangereux. Obtenir le meilleur taux de couverture vaccinale de l’ensemble de la population le plus vite possible est un objectif que nous partageons toutes et tous dans cet hémicycle.
Les derniers chiffres du site Covid Tracker sont rassurants. Le cap des 50 millions de Françaises et Français primo-vaccinés a été franchi le 6 octobre dernier, soit 75,4 % de la population, et 73,1 % de la population ont reçu les deux doses requises.
Ce sont des moyennes, les situations sont inégales, avec des taux plus faibles dans les territoires ultramarins. Et c’est sans parler de certains pays où l’accès aux vaccins est quasi inexistant. C’est pourquoi, pour nous, il est indispensable de mener de front la bataille en faveur de la levée des brevets des vaccins afin que ces derniers profitent à l’ensemble de la planète.
C’est dans ce contexte que nos collègues socialistes, que je remercie, ont déposé cette proposition de loi visant à rendre la vaccination contre le covid-19 obligatoire pour toutes les personnes majeures.
Au groupe CRCE, nous estimons que la persuasion est plus efficace que la contrainte et les sanctions financières que veut introduire le rapporteur.
Les raisons pour lesquelles des personnes n’ont pas aujourd’hui leur parcours vaccinal complet sont multiples. Parmi elles, on retrouve de nombreuses personnes âgées isolées à leur domicile : que signifierait pour elles une obligation vaccinale ?
Pour convaincre les personnes non vaccinées, il faut mener une véritable campagne de prévention nationale multipliant les actions qui consistent à « aller vers ». Pourquoi les plus de 80 ans sont-ils tous vaccinés en Espagne et au Portugal, et pas en France ?
Concernant l’obligation vaccinale, le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, Alain Fischer, a lui-même reconnu que « la priorité est de vacciner les personnes vulnérables qui se trouvent en périphérie du système de santé ». Et de préciser que, « pour toucher les 14 % de plus de 80 ans encore non immunisés et les personnes précaires ou obèses éloignées des soins, l’obligation ne changerait rien : la seule façon de réussir à les protéger reste d’aller les chercher, quasiment une par une, grâce aux médecins traitants, aux infirmières et aux associations ».
En outre, l’obligation vaccinale va renforcer les inégalités sociales et territoriales de santé. Comme le disait récemment Jérôme Martin, cofondateur de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, « attribuer à l’individu la responsabilité pleine et entière de son comportement, sans apporter de soutien par une réelle politique de compensation des inégalités de santé, est voué à l’échec ».
L’adhésion à des mesures et leur respect par la population dépendent fortement de la crédibilité des gouvernements et de la confiance réciproque entre les autorités et la population. Il est tout à fait regrettable que le Gouvernement ait fait de la vaccination un enjeu politique, alors que c’est un enjeu de santé publique. Pour notre part, nous estimons que la question qui nous est posée pour vaincre la pandémie n’est pas l’obligation vaccinale, mais l’état de notre système de santé, mis à mal depuis près de vingt ans.
Comment améliorer l’accès aux soins des publics les plus éloignés, alors que les déserts médicaux en zones urbaines comme rurales entraînent des renoncements ?
Comment éviter la saturation des hôpitaux, alors que 100 000 lits ont été fermés en vingt ans pour réaliser 9 milliards d’euros d’économies et que 5 700 lits ont encore été supprimés en 2020 ?
Comment rassurer la population sans avoir la maîtrise de la production des médicaments, dont les vaccins, par un pôle public du médicament et des dispositifs médicaux ? Voir s’envoler les profits des labos en pleine crise sanitaire, économique et sociale est indécent et sème le doute parmi les populations.
Comment faire en sorte que les professionnels ne quittent pas le chemin de l’hôpital, épuisés par leurs conditions de travail, dépités d’avoir été applaudis hier et stigmatisés aujourd’hui par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire qui a rendu la vaccination obligatoire pour eux avec, en cas de refus, une suspension immédiate de leur contrat de travail sans rémunération ?
Comment ne pas s’inquiéter de ces milliers de suspensions qui entraînent des tensions dans les établissements, alors qu’ils manquent déjà cruellement de personnel ? Par exemple, l’hôpital de Mulhouse a dû déclencher le plan blanc pour réquisitionner du personnel, et la loi ne peut être appliquée dans certains départements ultramarins au risque de fermer des établissements hospitaliers !
L’impératif de santé publique nécessite une véritable révolution copernicienne de notre système de santé avec un financement qui soit assuré selon les besoins en personnel, en lits et en hôpitaux de proximité, non selon des objectifs de réduction des budgets publics.
La grande majorité du groupe CRCE votera contre cette proposition de loi : si nous partageons l’objectif d’une couverture vaccinale la plus large possible, vous l’aurez compris, nous préférons une forte adhésion de la population à la contrainte.