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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Pour que la lutte contre le proxénétisme soit efficace, il est indispensable d’aider les prostituées

Lutte contre le système prostitutionnel (deuxième lecture) -

Par / 14 octobre 2015

Je tiens tout d’abord à vous remercier, Madame la Ministre, pour votre constance et votre engagement personnel sur cette PPL.

J’espère et je crois possible que nos débats lors de cette deuxième lecture aboutissent à un vote restaurant l’esprit initial de la PPL tel que votée par l’Assemblée Nationale.

Car hélas notre Haute-Assemblée en votant majoritairement, en 1ère lecture, des sanctions pour les personnes prostituées et en refusant de responsabiliser les clients, a rendu un texte qui aggrave la situation actuelle.

Je veux d’abord pointer ce qui fait consensus entre nous. A savoir notre volonté de lutter contre les réseaux mafieux de traite des êtres humains et le proxénétisme.

Ce qui fait toujours débat, c’est la manière dont on prend en compte les deux autres protagonistes de ce système prostitueur, à savoir les clients et les personnes prostituées.
La force de la PPL initiale est bien de tenir compte du triptyque : Proxénète/ Client/ Personne prostituée, de le penser de façon équilibrée comme un tout.

Pour que la lutte contre le proxénétisme soit efficace, il est indispensable d’aider les prostituées, en cessant de les considérer comme des délinquantes, donc passibles de sanctions, de les accompagner, de les soutenir dans les diverses démarches leur permettant de sortir de la prostitution.

Il est donc tout à fait positif que la commission spéciale ait cette fois-ci voté l’abrogation du délit de racolage. C’est une véritable évolution qui met fin à une conception répressive et inefficace à l’encontre des prostituées.

Mais pour que la lutte contre le proxénétisme soit efficace, je pense, comme beaucoup, qu’il est indispensable de tarir la demande. La pénalisation des clients pose un interdit : on n’achète pas l’accès au corps et au sexe d’autrui. Non pas au nom de la morale mais au nom de l’égalité entre les êtres humains. L’argent ne peut pas tout acheter !

Une grande majorité d’hommes n’achètent d’ailleurs pas de services sexuels tarifiés car ils considèrent, que la prostitution est bel et bien une extrême violence subie.
Dans le système prostitueur, on a affaire à des réseaux de traite d’êtres humains qui profitent de la détresse, de la crédulité, de la misère des plus fragiles pour développer un marché qui rapporte beaucoup d’argent. Il faut sortir des fantasmes et prendre conscience que la prostitution n’est ni un choix ni une activité professionnelle !

Qui peut sincèrement imaginer sa femme, sa fille, sa sœur avoir des dizaines de rapports sexuels par jour, très souvent accompagnés de violences, de coups, d’humiliation, et soutenir que la prostitution est un acte banal faisant partie de la liberté sexuelle ?
Et quand bien même ce serait un choix pour un nombre infime de personnes en quoi cela devrait nous empêcher de légiférer tel que nous nous apprêtons à le faire ? Prenons l’exemple du don d’organes : certaines personnes, poussées par des difficultés financières, sociales …pourraient sans nul doute être conduites à accepter de vendre un de leurs organes, et c’est parfois la triste réalité dans certains pays. Mais, en France, la loi ne le permet pas et c’est heureux ! L’interdiction est donc totalement déconnectée du consentement présumé des personnes, c’est une mesure de protection des plus vulnérables.

L’argument consistant à affirmer que pénaliser l’acte sexuel tarifé aurait pour conséquence de renvoyer les personnes prostituées à la clandestinité, les mettant davantage en danger, ne me semble pas solide. Car, comme le souligne le Mouvement du Nid : « pour la première fois, le rapport de force sera partiellement en faveur de la personne prostituée…qui n’aura rien à prouver, car le simple fait de la solliciter sera illégal. ».

Et l’article I ter, fruit d’un gros travail que je tiens à saluer, met en place un régime de protection intéressant et équilibré. J’y reviendrai lors d’une intervention sur article.
La loi que nous allons voter doit véritablement mettre fin à une impunité des clients, notamment parce que leurs comportements individuels nourrissent un système plus vaste et dangereux.

S’attaquer à la demande, c’est s’attaquer aussi aux profits des proxénètes.

Il faut redire, encore et toujours, les traumatismes racontés par d’anciennes prostituées.
De nombreuses associations qui les accompagnent dénoncent :

-  Il y a 8 fois plus de viols parmi les personnes prostituées que parmi la population générale (source INVS)

-  Il y a 16 fois plus de suicides parmi les personnes prostituées

-  En 2014, 8 prostituées ont été assassinées par des personnes officiellement reconnus comme ‘’clients’’.

Quant à l’argument, consistant à affirmer que ce dispositif serait inefficace avant même de l’avoir testé et sans tenir compte des expériences menées par d’autres pays, il est caduc.

Mes chers collègues, nous avons reçu ces derniers jours, de nombreux mails pour nous interpeller. Je pense à celui de 259 de nos collègues maires et élus municipaux, toutes tendances politiques confondues, qui se sont rassemblés pour signer une tribune nous appelant à voter cette proposition de loi, avec le triptyque dont je parlais précédemment.

Leur engagement d’élu-es locaux écorne, pour une part, l’argument consistant à affirmer que cette loi porterait atteinte à la tranquillité publique.
Encore une fois, il est totalement incohérent, de vouloir apporter des évolutions positives en terme d’accompagnement des prostituées, de lutte contre le proxénétisme et contre la traite des êtres humains, et de ne pas toucher à l’impunité des clients. Cela ne fonctionnera pas !

Outre les amendements rétablissant les articles 16 et 17 que j’ai signés avec plusieurs de mes collègues du groupe CRC, nous avons déposé des amendements sur l’article 6 afin d’améliorer les dispositions prévues en matière d’autorisation de séjour pour les personnes prostituées, afin de tenir compte non seulement du temps nécessaire pour entreprendre des démarches pour en sortir mais également des lourdeurs administratives.

Je souhaite que notre débat passionné mais toujours respectueux nous permette de voter une loi qui s’attaque à l’une des violences majeures à l’encontre des femmes.
Pour moi, comme pour l’ensemble des associations féministes et de jeunesse, il ne peut y avoir de pleine égalité entre les femmes et les hommes si la prostitution reste légitimée.
Je crois que nous pourrons être fiers si cette proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel est votée telle que je viens de la défendre (avec bien entendu les moyens de sa mise en œuvre) car nous aurons ainsi contribué à adopter une législation progressiste en adéquation avec la position abolitionniste de la France.

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