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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le dispositif proposé sort du cadre habituel 

Expérimentation territoriale pour la lutte contre le chômage de longue durée -

Par / 13 janvier 2016

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vais moi aussi citer des chiffres, mais n’oublions pas que, derrière ces chiffres que chacune et chacun a énoncés, nous parlons de femmes et d’hommes.

À la fin du mois d’octobre 2015, la France comptait
5,7 millions de salariés privés d’emploi. Parmi ces femmes et ces hommes, le nombre de chômeurs de longue durée est de plus en plus important : en quinze ans, leur part est passée de 34 % à 43 % de l’ensemble des chômeurs. Selon l’INSEE, leur nombre s’est accru de 56 % entre 2008 et 2013, alors que le chômage augmentait globalement de 43 %.

Face à cette réalité, force est de constater l’impuissance des gouvernements successifs à trouver des moyens efficaces de lutte contre le chômage. Ainsi, la flexibilité accrue ou les exonérations accordées aux entreprises, mesures privilégiées ces dernières années, n’ont pas conduit à une baisse du taux de chômage ni empêché les plans de licenciement, même dans les entreprises qui font des bénéfices !

Au groupe communiste, républicain et citoyen, nous proposons depuis plusieurs années un tout autre projet pour lutter contre le chômage – je n’ai malheureusement pas le temps de le développer ce soir –, qui s’accompagne de la fin de la politique d’austérité menée depuis bien trop longtemps maintenant et qui permettrait de remplir les carnets de commandes et, ainsi, de favoriser l’emploi. Car c’est bien le secteur marchand qui doit être créateur d’emploi !

Compte tenu du constat que je viens de faire et nonobstant les préconisations que nous portons pour lutter efficacement contre le chômage, nous ne sommes pas insensibles à cette proposition de loi, qui permet d’ouvrir des « possibles ». Sous forme d’expérimentation, le dispositif proposé sort du cadre habituel ; en cela, on peut y voir la « plume » d’associations qui ont largement contribué à son écriture, et je les salue : ATD Quart Monde, Emmaüs, le Secours catholique ou encore la FNARS. Il s’agit en quelque sorte d’une coconstruction qui part du terrain pour arriver au Parlement, qui, je l’espère, enrichira encore le contenu du texte.

Aucune solution ne doit être négligée, d’autant moins quand il s’agit de s’attaquer au fléau du chômage de longue durée. En effet, pour les personnes concernées, il signifie la remise en cause des liens sociaux et familiaux, de la confiance en soi, il conduit à une sorte de résignation et s’associe parfois, et même souvent, à la précarité, qui rime, nous le savons bien, avec pauvreté. Aussi, nous ne pouvons envisager un « mieux vivre ensemble » en « laissant sur le carreau » des milliers de nos concitoyennes et concitoyens.

Cette proposition de loi permettra d’« essayer » une nouvelle option sans remettre en cause les dispositifs déjà mis en œuvre dans nos territoires. Elle permettra également d’apporter des réponses à des besoins sociaux qui s’expriment dans nos territoires, qui correspondent à des emplois non solvables et pour lesquels aucune entreprise du secteur marchand ne veut ou ne peut se positionner. De plus, la mesure proposée s’appuie sur le droit commun du travail, tant du point de vue de la rémunération que du temps de travail, et le CDI est la norme.

Cette expérimentation sera dans un premier temps centrée sur dix territoires, qui seront tous volontaires, et sera limitée dans le temps à cinq ans. Il nous semble que cela correspond à un juste équilibre. Puis, après une évaluation réalisée par un organisme indépendant – si l’amendement de Mme Emery-Dumas, que nous soutenons, est adopté –, et bien sûr si cette évaluation s’avère concluante, la mesure a vocation à être généralisée à l’ensemble du territoire national.

Bien sûr, nous sommes conscients que ce dispositif ne suffira pas à résoudre à lui seul le problème du chômage de longue durée. Mme la rapporteur nous a d’ailleurs indiqué en commission que, à terme, il pourrait concerner environ 2 500 à 3 000 personnes dans les dix territoires volontaires. Néanmoins, nous lui apporterons notre soutien, car il met en œuvre un procédé très nouveau et qui, pour une fois, ne consiste pas à donner de l’argent public aux entreprises, soit sous forme d’exonération ou d’aide directe à l’embauche. Cependant, l’aspect financier reste le point qui nous questionne le plus.

Madame la ministre, vous vous êtes engagée à financer à hauteur de 10 millions d’euros ce dispositif la première année, un amorçage en quelque sorte ; mais, pour la suite, planent beaucoup d’inquiétudes, notamment parmi nos collectivités locales. Ces dernières ont bien conscience que seules celles d’entre elles qui seront volontaires seront concernées, mais, si elles s’engagent dans le dispositif pensant pouvoir y faire face et que les finances viennent à manquer, vers qui se retourneront les entreprises qui auront passé une convention avec le fonds de financement ?

À l’heure où les restrictions budgétaires s’abattent sur les collectivités locales, beaucoup d’élus s’interrogent. Peut-être pourrez-vous nous rassurer pendant le débat.
Ce serait un bon signal envoyé à tous les acteurs du secteur de l’insertion sociale. Cela répondrait aussi à certaines des préconisations du CESE, qui demande justement des précisions sur les modalités de financement de l’expérimentation, avec notamment l’inscription de crédits spécifiques dans la loi de finances.

Je souhaite maintenant aborder nos travaux en commission et souligner ici le travail de très grande qualité de notre rapporteur.
Mme Emery-Dumas a su présenter non seulement les avantages de ce texte, mais aussi ses défauts, dont elle a réussi à corriger une grande partie, en dehors du financement – l’article 40 ne lui en a pas laissé la possibilité... Cela nous a donc permis de retirer certains de nos amendements pour nous associer aux siens. Nos échanges en commission nous ont également permis d’en modifier d’autres. Je pense notamment à celui qui tend à élargir à tous les demandeurs d’emploi de longue durée présents sur le territoire concerné depuis plus de six mois le bénéfice du dispositif ; quand on sait qu’en 2014 le nombre de ruptures conventionnelles s’est établi à 333 000, soit 19 000 de plus qu’en 2013, il nous semble pertinent d’apporter cette modification.

De la même manière, la proposition de confier l’évaluation à un organisme indépendant, conformément à une autre recommandation du CESE, va dans le bon sens. En effet, la réussite de l’expérimentation dépendra pour une large part de l’évaluation du dispositif, de ses points faibles et de ses points forts, qui ouvrira la voie à une éventuelle généralisation.

Nous présenterons des propositions pour renforcer l’efficacité de ce texte et pour assurer la réussite du dispositif, notamment en matière de formation professionnelle. De même, nous défendrons un amendement visant à garantir une mise en œuvre du dispositif respectueuse de la parité entre les femmes et les hommes.
Enfin, nous proposerons, suivant une préconisation du CESE, de revenir sur la disposition, contraire au droit du travail, aux termes de laquelle la rémunération des contrats s’appuie sur le niveau du SMIC.

Madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi donne corps à une idée novatrice en matière de lutte contre le chômage d’une durée supérieure à un an, un mal qui concerne 3 millions de salariés dans notre pays. Il est nécessaire que le dispositif qu’elle instaure soit expérimenté dans de bonnes conditions. C’est la raison pour laquelle les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste, républicain, et citoyen la voteront, à condition qu’elle ne subisse pas de modifications qui leur déplaisent. 

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