Affaires sociales
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Un dispositif contre les violences intrafamiliales perfectible
Proposition de loi allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate (OPPI) -
Par Évelyne Corbière Naminzo / 14 mai 2024Le rapport annuel 2023 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) sur l’état des lieux du sexisme en France l’a démontré : les violences sexistes et sexuelles ne reculent pas.
En 2022, elles ont fait 244 000 victimes, dont 86 % de femmes. À La Réunion, 66 % des violences intrafamiliales sont des violences conjugales, dont 85 % des victimes sont des femmes. En moyenne, chaque jour, chez nous, douze femmes dénoncent des violences conjugales. On constate une hausse de 17 % des violences intrafamiliales, avec dix-sept interventions des forces de l’ordre chaque jour pour des faits de violences intrafamiliales.
Pourtant, seule une victime sur quatre porte plainte. Il est donc urgent d’agir.
Le dispositif d’ordonnance de protection mis en place en 2010 et amélioré par cinq réformes permet au Juge des affaires familiales (JAF) de prendre des mesures à l’encontre d’un conjoint violent pour protéger les victimes de violences. Sous six jours après la saisine, le juge peut interdire au conjoint violent d’entrer en contact avec la victime, de se rendre dans certains lieux, de porter une arme, ou encore statuer sur la résidence séparée et sur l’autorité parentale.
Le dispositif permet de lutter contre les violences intrafamiliales, mais il reste perfectible.
Il est demandé d’allonger le mécanisme d’ordonnance de protection de six à douze mois. Nous ne pouvons qu’y être favorables d’autant que, dans la plupart des cas, au bout de six mois, l’accusé n’a toujours pas été jugé.
L’OPPI est aussi bienvenue : alors qu’au moins 103 féminicides par compagnon ou ex-compagnon ont été commis en France en 2023, chaque jour compte. Le délai de six jours peut avoir des conséquences dramatiques. Avec ce mécanisme, ce texte se donne l’ambition de sauver des vies.
Nous regrettons que cette ordonnance ne puisse être prononcée par le parquet : à l’inverse de ce dernier, les services du JAF ne disposent pas d’une permanence, et ce texte n’en prévoit pas. Nous souhaitons modifier ce point sur le modèle des ordonnances de protection de l’enfance, par souci de cohérence avec la réalité des moyens de la justice.
Nous invitons le garde des sceaux à mettre en avant ces évolutions auprès des magistrats. En 2022, le ministère public n’était à l’origine que de 2 % des demandes d’ordonnances de protection. Le besoin de formation est donc criant.
Nous voterons naturellement ce texte, pour la protection des victimes de violences conjugales. Mais, alors que le sexisme progresse dans la société française, le rôle du Gouvernement est de lutter contre lui à la racine, car il est la cause de ces violences immondes.