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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un mécanisme qui accompagne la libéralisation de notre économie

Instauration d’un revenu de base -

Par / 19 mai 2016

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux, en introduction de mon propos, m’associer aux manifestations de ce jour, qui rassemblent, aujourd’hui encore, des milliers de personnes demandant le retrait du projet de loi relatif au travail. Salariés, jeunes étudiants ou lycéens disent de nouveau au Gouvernement que ce texte n’était ni négociable ni amendable. Au reste, les parlementaires l’ont dit eux aussi, mais le Gouvernement a choisi de ne pas les écouter et de recourir à la procédure définie à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Dans le contexte actuel de tension, face à la mobilisation qui s’amplifie, il serait sage d’entendre les revendications exprimées maintenant depuis trois mois. En effet, c’est la volonté d’une autre société, plus juste, plus solidaire, qui permette à toutes et à tous de vivre dignement de son travail, quel que soit son statut, qui se manifeste ainsi.

Cette observation m’amène directement à la proposition de résolution de Jean Desessard et des membres du groupe écologiste sur le revenu de base, proposition qui paraît bien alléchante malgré les multiples questions, philosophiques, économiques, sociales, qu’elle pose, questions difficiles à résoudre et dont l’exposé des motifs ne dit mot – en tout état de cause, il ne nous permet pas vraiment de les trancher.

Depuis longtemps, l’instauration d’un revenu de base, distribué de manière inconditionnelle à chaque citoyenne et à chaque citoyen est entrée dans le débat public. Bien éloignée de la réalité vécue actuellement par des millions de femmes et d’hommes, qui peinent à boucler leurs fins de mois et sont trop souvent dans l’obligation de cumuler plusieurs emplois pour simplement payer leur loyer, cette proposition tente d’apporter une réponse aux ravages d’un chômage de masse et à la précarisation des emplois.

Aussi – ce sera ma première remarque –, il faut veiller à ne pas laisser croire que ce revenu universel résoudrait à lui seul la précarité et la pauvreté auxquelles sont confrontés un trop grand nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

La proposition de résolution invite le Gouvernement à « prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un “revenu de base” », dont Jean Desessard nous a rappelé les caractéristiques.

Mais, derrière cette idée généreuse, défendue par des personnalités de gauche comme de droite, les objectifs et les formes diffèrent : revenu d’existence, universel, de base… Bien sûr, les financements diffèrent aussi.

Les auteurs de la proposition de résolution s’appuient sur trois arguments principaux pour préconiser la création de ce revenu de base.

Le premier argument qu’ils invoquent est la nécessité de garantir à chaque personne un niveau de vie suffisant pour assurer son bien-être élémentaire. Les membres de mon groupe partagent évidemment cet objectif, mais rien n’est dit sur le financement.

Selon Marc de Basquiat, docteur en économie et président de l’Association pour l’instauration d’un revenu d’existence, l’AIRE, il en coûterait 325 milliards d’euros pour un revenu de l’ordre de 470 euros par mois par adulte. L’économiste Jacques Bichot, spécialiste de la protection sociale, estime, quant à lui, qu’un revenu de base digne de ce nom se situerait plutôt aux alentours de 1 000 euros, ce qui correspond, en somme, au seuil de pauvreté ; à défaut, ce revenu perdrait son véritable sens.

Or, si l’on décidait de verser un tel montant, chaque mois, aux 50 millions d’adultes que compte notre pays, il en coûterait, au bas mot, 600 milliards d’euros par an à l’État.

Mme Nicole Bricq. C’est le coût de la protection sociale !

Mme Annie David. Cela nécessiterait donc d’y consacrer tout l’argent affecté aujourd’hui à notre protection sociale ciblée.

Mme Éliane Assassi. Et voilà !

Mme Annie David. Aussi, nous avons véritablement besoin d’éclaircissements sur le financement de cette mesure et sur sa finalité.

Le deuxième argument auquel recourent les auteurs de la proposition de résolution est la volonté de simplifier les minima sociaux, notamment face à la complexité des dispositifs et du taux de non-recours qui en découle.

Si je souscris également à cet argument, je m’interroge, car, lorsqu’il est question de simplification, le résultat n’est pas toujours celui que l’on attendait. La droite y voit, d’ailleurs, un bon moyen d’en finir avec notre système de sécurité sociale !

De plus, cette simplification risque de se conclure par de nombreuses suppressions de postes, même si Jean Desessard a affirmé vouloir réorienter les ressources ainsi libérées.

Enfin, les auteurs de la proposition de résolution invoquent un troisième argument : selon eux, le revenu de base est une solution pour accompagner dignement les mutations de l’économie française.

C’est sans doute cet argument que je conteste le plus. En effet, le revenu de base n’ouvre pas la voie à une sortie du système économique à l’œuvre dans notre pays et dans le monde, avec les conséquences que l’on connaît, que cette proposition de résolution, d’ailleurs, tente d’atténuer. Le risque est grand qu’il ne soit utilisé pour libéraliser encore un peu plus notre économie !

Les membres de mon groupe refusent de voir notre modèle de protection sociale remis en question au profit d’un revenu de base minimal dont on n’appréhende ni le financement ni la finalité au travers de la présente proposition de résolution.

De ce point de vue, la création de la mission d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France, dont les membres ont été désignés cette semaine, arrive fort à propos.

Pour notre part, nous défendons un projet de société qui s’appuie sur l’émancipation des salariés, crée les conditions leur permettant de choisir librement ce qu’ils veulent apporter à la société et leur donne des droits nouveaux pour intervenir dans les décisions des entreprises.

Nous voulons construire une société sans chômage et n’avons pas abandonné l’idée, défendue par Ambroise Croizat, d’un système de sécurité sociale qui refuse la perspective d’un salariat éternellement condamné à devoir consacrer sa vie à la gagner, parfois au risque de la perdre.

Nous voulons amplifier le combat pour l’emploi. Or la proposition de résolution capitule devant les conséquences de la révolution numérique, qui, pourtant, devrait permettre à toutes et à tous d’engranger des bénéfices.

Nous voulons moderniser notre sécurité sociale et lui donner les moyens de cette modernité, en commençant par une augmentation générale des salaires, la reconnaissance des qualifications et la diminution du temps de travail à 32 heures par semaine. Nous voulons permettre un véritable accès à la formation professionnelle et revenir sur l’âge de départ à la retraite, pour le fixer à 60 ans pour toutes et tous et à 55 ans pour celles et ceux qui exercent des métiers pénibles.

Permettre à chacune et chacun de se consacrer à un travail librement choisi ou à une activité non marchande, d’avoir des loisirs et de bénéficier d’une pension de retraite acquise au regard de sa qualification, voilà la modernité !

Au reste, encore faut-il que la révolution fiscale nécessaire pour assurer un montant suffisant à ce revenu universel soit acceptée…

Sur ce point, je suis un peu moins optimiste que ne l’est Jean Desessard, compte tenu du vote intervenu en séance publique, hier après-midi, sur notre proposition de loi tendant à assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale. Ce vote ne laisse rien présager de bon en ce sens.

Telle est notre vision de ce que doit être un revenu universel, lequel consiste à instaurer une sécurisation des parcours professionnels de toutes les personnes, en emploi ou non, salariées ou indépendantes.

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