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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Votre loi, madame la ministre, est illégitime et nocive pour les salariés

Abrogation de la loi Travail -

Par / 11 janvier 2017

Aujourd’hui, dix jours après l’entrée en vigueur de la loi dite « Loi travail », avec mon groupe, le groupe communiste républicain et citoyen, j’en demande l’abrogation.

Notre attitude est sans ambiguïté ; elle se fonde sur l’illégitimité de cette loi et sur sa profonde nocivité pour les salariés, et à terme pour notre économie.

Oui Madame la Ministre, cette loi, votre loi, est illégitime .Elle n’a pas été négociée, elle a été imposée par le 49‑3 à l’Assemblée nationale à trois reprises.

Votre texte n’a donc pas eu de majorité à l’Assemblée nationale. Il a été voté par défaut par l’habituel chantage à la dissolution. Ce 49‑3, votre ancien Premier ministre, M. Manuel Valls, tente aujourd’hui –vainement et maladroitement‑ de s’en débarrasser tel un sparadrap qui lui colle à la peau.

Qui peut croire que ce 49-3 a été dégainé à l’insu de votre plein gré ? Pas grand monde ! Non, il a été dégaine en toute connaissance de cause pour imposer à votre majorité un texte de « casse du droit du travail » qui ne figurait pas au programme de François Hollande et qui tourne le dos à l’histoire de la gauche, fondée, pour une large part, sur les conquêtes du monde des salariés, sur la construction du Code du travail.

Nous vous rappelons donc Madame la Ministre, que ce texte est un texte minoritaire et que le respect de la démocratie exige son abrogation.

Non seulement votre majorité ne vous a pas suivie à l’Assemblée nationale, mais, enquête après enquête, notre peuple reste opposé à cette loi.

C’est pour cela que vous n’avez pas pu tourner la page de la Loi travail et que le livre du quinquennat reste bloqué sur ces lignes du renoncement, de cette politique contre nature qui a même surpris la droite sur son propre terrain, bloqué sur ces lignes du libéralisme, de la soumission sans frein, ou si peu, des salariés aux exigences patronales.

Comment s’étonner, Madame la Ministre, que cette droite exige plus aujourd’hui jusqu’au démantèlement du Code du travail puisque vous en avez sapé les fondations ?

C’est cette illégitimité profonde qui explique la vivacité de cette demande d’abrogation, y compris au sein de vos propres rangs.

La vivacité, la force de cette demande d’abrogation proviennent, bien entendu, du contenu même de votre texte, Madame la Ministre.

C’est avec colère et même un certain effarement que nous avons redécouvert les principaux chapitres de votre texte à l’occasion de son entrée en application le 1er janvier.

L’inversion de la hiérarchie des normes tout d’abord. Ce qui résulte de décennies de luttes, d’affrontements souvent durs, meurtriers parfois, avec le patronat et ses représentants politiques, pour gagner l’assurance d’une loi protectrice de tous les salariés face au patronat tout puissant, est en grande partie annihilé par cette loi qui, au nom des dogmes libéraux retire la protection législative.

Oui c’est maintenant au niveau de l’entreprise que l’essentiel des dispositions relatives au temps de travail sera négocié, la loi, celle des 35 heures par exemple, pouvant être aussi largement remise en cause.

Par exemple, Madame la Ministre, en dehors de l’historique 1er mai auquel vous n’avez pas osé toucher, l’ensemble des congés payés pourront être supprimés par accord d’entreprises.

Vous me direz que cette inversion avait déjà été engagée par vos prédécesseurs de droite, comme M. Xavier Bertrand.

Est-ce à votre honneur d’avoir puisé dans des recettes que vos électeurs avaient clairement rejetées le 6 mai 2012 ?

Vous constatez aujourd’hui le résultat politique de ce ralliement aux thèses libérales les plus éculées.

À force de dire que le Code du travail est trop épais (pourtant bien moins que le code du commerce), trop vieux, qu’il est un obstacle à la libre entreprise, vous avez permis à M. François Fillon et consorts d’exiger la fin du code du travail ; vous avez vu Emmanuel Macron, votre ancien collègue, proposer de le rendre transparent, translucide, évanescent.

Mais cette loi de casse du droit du travail, ce n’est pas que l’inversion de la hiérarchie des normes.

Au 1er janvier s’appliquent les nouveaux accords de préservation et de développement de l’emploi. Ces fameux « accords offensifs », surtout offensifs contre les droits des salariés qui autorisent une entreprise en difficulté à faire travailler plus sans augmentation de salaire. Les salariés qui refuseraient cet oukase s’exposent dorénavant à un licenciement facilité « pour motif spécifique ».

L’application au 1er janvier, c’est aussi la fin de la visite obligatoire d’embauche par la médecine du travail (à l’exception des emplois exposés).

Madame la Ministre, vous pouvez tourner les choses dans tous les sens. Comment ne pas constater un recul d’un droit social essentiel dans l’entreprise ? Vous me direz que souvent cette visite n’existe plus, faute de médecin, faute de volonté de l’entreprise. Mais l’honneur d’un Gouvernement de gauche n’eut-il pas été de pleinement restaurer ce droit à la santé au travail plutôt que de le piétiner ?

A l’heure où une caissière se voit privée de son travail pour avoir fait une fausse couche dans son entreprise, sans assistance, livrée à son sort ; à l’heure où une postière peut faire un AVC en plein labeur, sans aide, sans prise en charge ; à l’heure où des suicides de salariés, de leur angoisse au quotidien, de leur souffrance dans les transports, la gestion de la santé au travail est cruciale et vous imposez par le 49‑3 un recul majeur dans ce domaine.

Oui, nous proposons d’abroger cette mesure inique pour replacer la médecine du travail au centre des préoccupations.

J’ai constaté une tentative de vos services de médiatiser l’émergence d’un droit à la déconnexion pour tenter de positiver la réforme.

Cette tentative est dérisoire, car ce droit à la déconnexion n’est pas imposé et c’est là aussi la négociation dans l’entreprise qui primera et donc le bon vouloir patronal.

Cette mesure, comme quelques autres, ne fait pas le poids face à la déstructuration du droit du travail que vous avez engagée, accélérée, imposée.

Une question me taraude Madame la Ministre, comme sans doute des millions d’électeurs et d’électeurs de gauche.

Pourquoi avoir fait cela ?

La réponse se trouve sans doute dans l’engrenage libéral duquel le Président de la République et ses soutiens n’ont pas voulu sortir contrairement aux engagements pris.

Vouloir affronter la finance pour permettre une relance économique en injectant l’argent gaspillé dans les circuits financiers, dans l’économie dite réelle, c’est-à-dire l’investissement productif, scientifique pour la croissance, pour l’emploi, exigeait une rupture avec les dogmes libéraux qui fondent, en particulier, la construction européenne actuelle.

Il n’y a pas eu le début d’un commencement, non pas d’une rupture, mais d’une renégociation du traité budgétaire Merkel‑Sarkozy qui impose l’austérité à l’Europe, austérité qui détruit la dépense publique au service de l’intérêt général pour protéger les intérêts capitalistes, ceux des actionnaires.

Le résultat de ce renoncement de l’automne 2012 ne s’est pas fait attendre : pacte de compétitivité et crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), premiers reculs sociaux avec l’ANI (accord national interprofessionnel), la loi Macron avec son florilège de mesures libérales et, pour finir, cette ultime réponse aux exigences de Bruxelles, sous peine à terme de sanctions, la « loi travail ».

Votre loi, c’est une réponse à la Commission européenne qui demandait aux États, depuis des années, de décentraliser le dialogue social au niveau des entreprises pour flexibiliser le travail et, notamment, le travail en France.

En effet, dès février 2015, la Commission européenne regrettait explicitement que « le principe de faveur continue de s’appliquer pour tout ce qui concerne les salaires minima ».

L’abrogation de cette loi est donc nécessaire pour construire un code du travail du XXIe siècle et construire de nouveaux rapports sociaux entre le patronat et les salariés.

Le Code du travail du XXIe siècle doit élargir le droit du travail aux enjeux d’aujourd’hui, la précarisation du salariat, l’uberisation de l’économie, l’automatisation du travail.

L’évolution du droit du travail doit faire entrer la citoyenneté dans l’entreprise : moins de subordination des salariés, plus d’autonomie, et sécuriser leur vie professionnelle.

Cela nécessite d’inscrire le droit à l’emploi dans une vision nouvelle du travail impliquant la reconnaissance du droit à l’évolution, à la progression professionnelle et à une mobilité professionnelle positive.

C’est pourquoi, nous portons le projet d’une sécurisation de l’emploi et de la formation permettant d’alterner période d’emploi et période de formation choisie, sans perte de salaire et sans chômage.

Les 32 heures pour partager le travail sans perte de salaire, l’encadrement strict des heures supplémentaires et le rétablissement de la suprématie de la loi sont des piliers de ce projet comme les nouveaux droits des salariés en matière de contrôle des aides publiques ou licenciements collectifs infondés. Nous défendons l’interdiction des licenciements boursiers.

Comment accepter par exemple la suppression de 175 postes à La Voix du Nord alors que l’entreprise est bénéficiaire. Cette entreprise est l’une des premières à utiliser une disposition de votre loi, Madame la Ministre, pour licencier.

Pour un tel projet, il faut de l’argent. Croyez-moi, Madame la Ministre, notre pays est riche. Il suffit de constater l’indécent progrès des dividendes du CAC 40. Une nouvelle répartition des richesses fonde en effet nos propositions de rupture avec les choix libéraux.

Ces combats pour l’abrogation de la loi pour de nouveaux droits, la lutte quotidienne contre les licenciements sont difficiles. Je tiens aujourd’hui à apporter notre soutien aux salariés de Goodyear qui ont été poursuivis pour leur action revendicatrice. Si un d’entre eux a été relaxé par la cour d’appel d’Amiens, les autres sont condamnés à des peines avec sursis ou une mise à l’épreuve. Nous les avons soutenus, nous les soutenons et nous les soutiendrons.

Notre proposition de loi d’abrogation de la Loi travail est un appel à refuser la résignation, à poursuivre la lutte pour placer au cœur des élections présidentielles et législatives le rassemblement pour une société plaçant l’humain au cœur de son destin, l’humain d’abord face à la violence du marché et à la violence libérale.

Le droit du travail, le droit des salariés à vivre dignement, sereinement est au cœur de ce projet. Défaire la loi travail est donc un passage obligé dans cette bataille. C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cette proposition.

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