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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Votre objectif est-il réellement de lutter contre la fraude, ou plutôt de stigmatiser les personnes précaires ?

Carte Vitale biométrique -

Par / 19 novembre 2019

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que nous entamons l’examen de la proposition de loi tendant à instituer une carte Vitale biométrique afin de lutter contre la fraude sociale, je tiens à faire un petit retour en arrière.

En 2017, l’affaire des « Paradise papers » a dévoilé que l’évasion fiscale des entreprises et des grandes fortunes coûtait, chaque année, 350 milliards d’euros de pertes fiscales aux États du monde entier. Cette fraude remet en cause le principe d’égalité de tous les citoyens face à l’impôt. Elle ampute les recettes publiques de centaines de milliards d’euros, qui auraient dû financer l’éducation ou la santé.

La fraude a de multiples facettes et nous regrettons que la majorité sénatoriale fasse le choix de s’attaquer en priorité à la fraude aux prestations sociales, qui est pourtant très loin d’être la plus importante.

À la mi-septembre dernier, dans un rapport d’information, la commission des affaires sociales a estimé que le coût de la fraude documentaire représentait entre 117 et 138,6 millions d’euros.

Dans son bilan de 2018, l’assurance maladie a, quant à elle, recensé 261 millions d’euros de remboursements abusifs, soit 0,058 % du montant total annuel des prestations versées par la sécurité sociale.

Quant à la fraude à la carte Vitale proprement dite, elle ne représente, selon le rapport de la commission, « qu’un montant faiblement significatif ».

Alors pourquoi ? Pourquoi ce texte ? Même si nous n’acceptons pas les comportements frauduleux, il est légitime de s’interroger sur la pertinence et les raisons de ce choix.

D’autres types de fraudes, qui pourraient rapporter bien davantage, mériteraient l’attention de notre assemblée. Je pense à la fraude au travail dissimulé, dont l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a estimé le coût entre 6,8 et 8,4 milliards d’euros en 2018, soit un montant sept fois supérieur au coût de la fraude aux prestations sociales ; ou encore à la fraude aux cotisations sociales patronales,...

Mme Nathalie Goulet. Eh oui !

Mme Michelle Gréaume. ... dont le coût est, lui, estimé par la Cour des comptes entre 20 et 24 milliards d’euros, soit cinquante fois plus ; enfin, à la fraude fiscale, dont le coût est évalué, en France, à environ 80 milliards d’euros par le syndicat Solidaires Finances publiques.

Mes chers collègues, votre objectif est-il réellement de lutter contre la fraude, ou plutôt de stigmatiser les personnes précaires ou étrangères, soupçonnées de profiter du système ?

Nous posons la question, car le fondement idéologique de la carte Vitale biométrique n’est pas neutre : celle-ci faisait partie du programme présidentiel de Marine Le Pen en 2007, Nicolas Sarkozy en avait ensuite repris l’idée et le groupe Les Républicains du Sénat a déposé, en 2015, un texte sur la fraude sociale qui prévoyait sa création.

Les députés ont, à l’époque, rejeté cette disposition, la jugeant coûteuse et ardue à appliquer en raison du nécessaire renouvellement du stock de cartes, ainsi que de la mise en place des mécanismes de recueil et de contrôle des éléments biométriques.

Les parlementaires ont surtout soulevé la problématique de l’autorisation du contrôle des détenteurs des cartes Vitale, puisque, aujourd’hui, rien n’interdit de se rendre dans une pharmacie avec une ordonnance et la carte Vitale d’une voisine pour récupérer ses médicaments et lui éviter d’avoir à se déplacer.

Ces objections restent tout à fait valables, sans doute ont-elles motivé la décision de réduire l’application de ce texte à une expérimentation limitée dans le temps et circonscrite à quelques caisses de sécurité sociale.

Alors que les politiques de santé des dernières années cherchent à réduire le temps administratif des médecins, voulez-vous vraiment leur demander de contrôler les informations de la carte Vitale ?

Si vous entendez vous attaquer à la fraude à la sécurité sociale, vous devriez également regarder du côté de certains professionnels de santé. Selon les chiffres de 2018 de l’assurance maladie, 47 % de la fraude provient des offreurs de soins et de services, 30 % des établissements, et seulement 23 % des assurés sociaux.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. C’est vrai !

Mme Michelle Gréaume. Il est dommage que vous ne prévoyiez aucune sanction à leur encontre.

Contrairement à ce que laisse penser ce texte, la carte Vitale est seulement une carte à puce permettant aux professionnels de santé de connaître les droits du titulaire ou de ses ayants droit, ce n’est pas une carte de paiement, et encore moins une carte d’identité.

Pourtant, vous proposez d’y enregistrer les empreintes digitales de son titulaire, des informations relatives à son identité, ainsi que son sexe, sa taille et la couleur de ses yeux.

Si nous nous gardons de faire un amalgame entre le Rassemblement national et Les Républicains à propos de cette proposition de loi, nous regrettons que vous vous engagiez sur le terrain de l’extrême droite en stigmatisant les assurés sociaux et les personnes étrangères.

Les futures échéances électorales ne sauraient justifier le renforcement d’idées populistes et xénophobes, bien trop présentes actuellement dans notre pays.

La majorité sénatoriale aurait été mieux inspirée de s’en prendre à d’autres types de fraudes, je le répète, ou d’agir contre le non-recours aux prestations.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe CRCE votera contre cette proposition de loi.

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