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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Il en faudra beaucoup plus pour garantir véritablement le droit à l’eau

Expérimentation de la tarification sociale de l’eau -

Par / 4 avril 2018

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi une proposition de loi dont l’objet est de permettre la prolongation de l’expérimentation prévue par la loi Brottes.

Adoptée en 2013, cette loi d’origine parlementaire a permis aux collectivités territoriales volontaires, sur leurs propres deniers, de mettre en place des outils pour favoriser l’accès à l’eau : tarification sociale ou soutien financier au paiement des factures.

Cette expérimentation, prévue pour une durée de cinq années, s’achèvera à la fin du mois. Or tout le monde s’accorde à considérer que plus de temps est nécessaire, du fait des difficultés de mise en œuvre. Ainsi, sur les cinquante collectivités territoriales retenues en 2015, la moitié seulement a aujourd’hui entamé l’expérimentation. Les obstacles à la mise en œuvre ont même parfois conduit à des abandons, comme à Denain, dans le Nord.

Ces difficultés sont principalement de deux ordres : d’une part, le coût élevé de la mise en place des dispositifs ; d’autre part, les difficultés techniques et la diversité des choix des critères sociaux retenus – problèmes qui se posent d’autant plus que les collectivités territoriales ne disposent pas, le plus souvent, de l’ingénierie nécessaire.

Tenant compte de cette situation, les auteurs de la présente proposition de loi invitent à prolonger l’expérimentation de trois années, conformément aux préconisations du Comité national de l’eau. Nous ne formulons aucune opposition de principe à cette poursuite, puisque nous avions soutenu, à l’époque, ce dispositif.

Pour autant, il faut reconnaître qu’il en faudra beaucoup plus pour garantir le droit à l’eau, tel qu’énoncé par l’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Aujourd’hui, ce droit reste purement fictif : en effet, s’il est possible d’aider les ménages en situation d’impayés, aucun dispositif légal ne permet une aide préventive au paiement de la facture d’eau.

Pour notre part, nous nous sommes toujours engagés en faveur d’une aide préventive, privilégiant l’instauration d’une allocation en faveur des ménages dont la facture d’eau dépasse 3 % des ressources. Cette allocation devrait être financée soit par les délégataires de service public, soit par une taxe sur l’eau minérale embouteillée, selon les différentes propositions de loi que nous avons présentées ou soutenues.

L’une de ces propositions de loi est en cours de navette. Son adoption définitive permettrait, au-delà des expérimentations prévues par la loi Brottes, de disposer d’un mécanisme directement applicable sur l’ensemble du territoire national.

Pour le reste, évidemment, nous ne nous opposons pas aux autres formes de tarification sociale, encore moins à la gratuité.

Il reste donc nécessaire, pour l’avenir, de poursuivre toutes les expérimentations, afin de pouvoir mener des analyses sur le long terme et définir une solution généralisable ou plusieurs, mais aussi, je le souligne, créer des dispositifs d’accompagnement pour les collectivités territoriales, aujourd’hui trop livrées à elles-mêmes en la matière.

À ce titre, et pour que la poursuite de cette expérimentation ait du sens, nous souhaiterions disposer de l’ensemble des rapports prévus. En particulier, nous demandons solennellement au Gouvernement la remise du rapport d’évaluation et de proposition du Comité national de l’eau. Par ailleurs, selon le code général des collectivités territoriales, un rapport d’évaluation aurait dû être remis par le Gouvernement au Parlement avant l’expiration de la durée fixée par la loi pour l’expérimentation, ce qui n’a pas été fait.

Pour aller plus loin, il convient de s’interroger sur l’ensemble des dysfonctionnements dans le secteur de l’eau et sur leurs effets en matière de tarification et de péréquation.

Comment comprendre que l’ensemble des dispositifs d’accès à l’eau soient uniquement financés par la puissance publique, donc les contribuables, alors même que les majors de l’eau, délégataires du service public, réalisent des bénéfices indécents ? Nous le savons tous : l’eau vaut de l’or !

Ensuite, comment confier aux collectivités territoriales une mission de service public supplémentaire en matière de tarification, dans un contexte où les finances locales sont très dégradées et l’environnement législatif en perpétuelle évolution ?

Plus globalement, nous devrions nous demander sérieusement comment sortir de ce schéma où l’on socialise les pertes et privatise les profits…

Sur le fond, il faut être clair : ce dispositif de tarification sociale reste un dispositif d’accompagnement social. Or, pour nous, la question est plus vaste : c’est celle de la définition d’un service public de l’eau, national et décentralisé, qui permette, notamment, un soutien logistique et d’ingénierie aux collectivités territoriales pour l’exercice de leurs compétences, dans l’intérêt des usagers.

Il est de la responsabilité de l’État de garantir non seulement le droit d’accès à l’eau pour tous, mais également la préservation de la ressource. Or, aujourd’hui, les logiques strictement financières des délégataires conduisent à de grandes pertes du fait d’un réseau en très mauvais état.

Nous réaffirmons donc que l’eau ne doit pas être considérée comme une marchandise ni comme une source de profits !

Nous en arrivons à la question qui nous semble centrale : le prix de l’eau. Un chiffre devrait nous faire réfléchir : le prix de l’eau est inférieur de 10 % dans les villes qui sont en régie municipale, donc en gestion publique.

M. Jean-Claude Requier. Ce sont des villes !

M. Antoine Lefèvre. Pour quelle qualité de service ?

Mme Michelle Gréaume. Au-delà des tarifications spécifiques, il faut donc s’attacher à créer les conditions d’une « démarchandisation » de ce secteur, afin de garantir enfin le droit à l’eau pour tous, tel que défini à l’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques.

Dans l’immédiat, il va de soi que nous voterons la proposition de loi !

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