Aménagement du territoire et développement durable
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
L’eau est un bien commun, d’où la nécessité d’une gestion publique
Services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe (conclusions de la CMP) -
Par Marie-Claude Varaillas / 8 avril 2021Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte arrêté en commission mixte paritaire permet de conserver des apports du Sénat, afin de rendre un peu plus souple le fonctionnement du syndicat mixte créé par la présente proposition de loi ou encore d’intégrer une réflexion sur la tarification sociale de l’eau, qui est un impératif de justice sociale.
Toutefois, nous estimons que cette structure imposée d’en haut aux Guadeloupéens demeure très contraignante et l’obligation pour l’ensemble des communautés d’agglomération d’y adhérer en est emblématique. Une telle dépossession des compétences des EPCI peut être interprétée comme une ingérence importante de l’État dans la libre administration des collectivités, surtout dans un contexte local de négociation entre les acteurs intéressés.
Une « feuille de route » a été adressée aux élus locaux par le Gouvernement. Elle est vécue par beaucoup comme une mise sous tutelle et une mise à l’écart de l’expertise guadeloupéenne. La crainte du retour des multinationales pour gérer la production et la distribution de l’eau et la nécessité de recueillir une aide financière renforcent la pression sur les élus.
Ce consensus forcé pour aboutir à une entité formelle ne garantit en rien son bon fonctionnement et la manière dont le syndicat s’intégrera au préexistant. Nous le répétons, la forme est là, mais le fond nous questionne.
En effet, plusieurs interrogations demeurent. S’agissant du financement du département et de la région, l’État s’est engagé à ne pas alourdir le budget des collectivités du fait de dépenses nouvelles. Mais comment compte-t-il concrétiser cet engagement ? Les élus locaux ne peuvent se contenter de promesses tant ils savent par ailleurs l’érosion dans le temps des compensations financières de l’État.
Les principales dettes des EPCI devront être transférées au nouveau syndicat pour éviter que cette instance soit mort-née. La question est toujours latente et les élus attendent des réponses.
L’avenir des salariés des structures actuelles n’est toujours pas clair. Des garanties devront être apportées, pour que chacun puisse retrouver un emploi au sein de la nouvelle structure.
Sur le terrain, le comité de défense des usagers de l’eau de la Guadeloupe ne se satisfait pas du texte. Il a récemment demandé un référendum sur le sujet et souhaite que les usagers soient mieux impliqués dans le processus de gouvernance de l’eau. Ses réclamations portent sur le montant excessif des factures envoyées aux usagers, l’instauration d’un tarif équitable pour tous et l’arrêt des poursuites judiciaires, alors que les services sont défaillants.
Le sujet en toile de fond de ce texte est celui de l’accès à l’eau et de la raréfaction des ressources en eau, qui touche en premier les territoires marins et nécessite l’appel à la solidarité nationale et internationale. Les collectivités d’outre-mer sont impactées par des réseaux vétustes, où plus de la moitié de l’eau se perd dans les fuites. Pourtant, les habitants, dont le quotidien est rythmé par des coupures d’eau, continuent de payer des factures.
L’eau est un bien commun essentiel à la vie impliquant des enjeux écologiques, sociaux et économiques, d’où l’importance d’une gestion publique pour garantir son accès, mais également sa qualité. Alors que le droit à l’eau et à un assainissement de qualité a été reconnu par l’ONU en 2010 comme « un droit fondamental essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme », ce droit est bafoué et les inégalités liées à cette ressource s’aggravent.
Le 15 avril prochain, notre groupe proposera de faire de ce droit à l’eau, aujourd’hui fictif, un droit réel. Nous défendrons, dans le cadre d’une proposition de loi, un accès pour toutes et tous à l’eau potable et à l’assainissement. Nous défendrons la gratuité des premiers litres d’eau nécessaires au quotidien, nécessaires à la vie.
Présentement, nous restons dubitatifs, il faut bien le dire, pour ce qui concerne le schéma proposé pour la gouvernance du service d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, sur les plans tant administratif que financier.
Nous maintenons donc notre position d’abstention sur ce texte.