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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’intérêt général ne doit pas être confondu avec les intérêts des industries

Rôle des territoires pour la réussite d’un accord mondial sur le climat -

Par / 16 novembre 2015

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans quelques jours, à Paris, la communauté internationale aura la responsabilité historique de trouver un accord universel et contraignant permettant de lutter contre le dérèglement climatique.

Le diagnostic est connu et partagé : au-delà de 2 degrés, voire de 1,5 degré, les conséquences d’une hausse des températures pour les hommes et les différentes formes de vie seront ingérables, et souvent irréversibles. Notre crainte à tous est que tout cela nous échappe : sécheresse, inondations, disparition de pans entiers de territoires affecteront directement la sécurité alimentaire et mettront sans doute la paix en péril.

Ces menaces peuvent apparaître lointaines, mais ce n’est qu’une illusion : les premiers réfugiés climatiques, les inondations au Bangladesh et dans le delta du Nil, la submersion d’archipels, la sécheresse que connaît la bande sahélienne, en Afrique de l’Ouest, pour ne citer que ces quelques exemples, en témoignent.

En France, les questions liées au dérèglement climatique se posent déjà. Ainsi, l’Office national des forêts, qui doit gérer la plantation des arbres, est confrontée aux incertitudes liées à la capacité des essences à s’adapter au stress hydrique. Notre collègue Michel Magras vient de rappeler que les territoires ultramarins sont les premiers concernés par ce sujet. Ajoutons que la consommation mondiale de ressources naturelles a augmenté de moitié en trente ans. Nous vivons à crédit et le temps presse ! En fait, la crise climatique est un facteur aggravant de toutes les autres crises.

Si l’on ne peut préjuger aujourd’hui du contenu de l’accord final de Paris, le bilan du programme des Nations unies pour l’environnement n’incite guère à l’optimisme. Le PNUE considère que les contributions présentées par les 146 pays pour endiguer leurs émissions de gaz à effet de serre ne sont pas suffisantes. Leur mise en œuvre conduirait à une hausse de la température comprise entre 3 et 3,5 degrés à l’horizon 2100. En outre, la récente déclaration des États-Unis peut ajouter aux inquiétudes.

C’est dans ce contexte que le Sénat, au travers de son groupe de travail relatif aux négociations internationales sur le climat et l’environnement, qui a été constitué sous l’impulsion de M. le président du Sénat et a travaillé en collaboration avec les différentes commissions, a senti l’importance d’écrire un texte commun.

Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de divergences entre nous sur l’analyse des causes du dérèglement climatique et les solutions à trouver pour répondre à ce défi, mais cela signifie en tout cas que nous avons tous conscience de l’enjeu. En adoptant un texte de manière unanime, notre assemblée fera entendre sa voix, ainsi que celle des territoires qu’elle représente et qui ont longtemps été écartés des sommets climatiques.

En effet – et c’est une nouveauté –, les travaux préparatoires à l’accord de Paris ont associé plus largement l’ensemble des acteurs : la société civile, les associations, les organisations non gouvernementales, les collectivités territoriales. Cela était nécessaire, parce que les territoires sont déjà et seront à l’avenir confrontés directement aux conséquences du dérèglement climatique. Les collectivités territoriales ont donc toute légitimité à être étroitement associées aux négociations. C’est la raison pour laquelle elles revendiquaient une place dans les différents sommets climatiques depuis vingt ans. Lors du sommet « climat et territoires », à Lyon, des propositions ont été formulées et une déclaration commune a été adoptée.

L’expérience et l’expertise locales sont précieuses pour trouver des solutions d’avenir, consolider et partager les projets engagés. Il en est de même pour l’agenda des solutions, qui regroupe les propositions, les initiatives, les engagements, et est élaboré en lien avec les collectivités locales, les ONG et les entreprises.

Par ailleurs, il est important d’affirmer que les citoyens doivent pouvoir s’approprier les questions climatiques, être des acteurs du débat et faire jouer à plein l’exercice démocratique. C’est dans ce sens que nous avons proposé la prise en compte des savoirs locaux et autochtones, qui constituent le fondement d’un développement durable localement adapté.

Cependant, la question de la gouvernance et du financement des sommets étatiques sur le climat est posée et vient en partie contredire l’effort démocratique.

En effet, l’influence des lobbies sur les décisions politiques constitue un problème. La pérennité des subventions aux énergies fossiles l’illustre bien : elle est symptomatique de la divergence et du déséquilibre entre les intérêts économiques, d’un côté, et les intérêts sociaux et environnementaux, de l’autre. Je le répète : l’intérêt général ne peut être confondu avec l’intérêt des entreprises transnationales.

Pour aller vers une économie bas carbone, il faudra supprimer les subventions à la production et à la consommation des énergies fossiles. Le Fonds monétaire international, le FMI, a d’ailleurs considéré que le montant de ces subventions – 4 740 milliards d’euros –, qui profitent essentiellement aux pays riches, dépasse celui de l’ensemble des dépenses liées à la santé publique de tous les pays du monde. Il s’agit là de l’un des points auquel nous tenions ; il a été intégré dans le texte de la proposition de résolution.

Les États devront également prendre l’engagement clair de renoncer à l’exploitation des énergies fossiles non conventionnelles, comme le gaz obtenu par fracturation hydraulique ou les forages offshore, d’autant que, avec la fonte de la banquise, de nouvelles réserves d’énergie fossile seront disponibles. Cela nécessitera de dépasser des intérêts géopolitiques divergents pour être en cohérence avec l’objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre.

La proposition de résolution fait mention de « la généralisation de systèmes de définition d’un prix du carbone ». Si nous sommes d’accord sur la nécessité d’intégrer les externalités négatives dans les prix, nous disons de nouveau que l’existence d’un prix du carbone ne doit pas nécessairement conduire à mettre en place des marchés d’échange de quotas d’émission de carbone dans tous les pays, et encore moins un marché unique.

Ces marchés d’échange de droits à polluer ont jusqu’ici surtout prouvé leur inefficacité. Prix du carbone ne veut pas forcément dire marché du carbone. Sinon, cela reviendrait à dire que seul ce qui est marchand a de la valeur : nous ne pouvons nous y résoudre et nous le refuserons toujours !

La même logique marchande sous-tend d’ailleurs les programmes de réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts, dits programmes « REDD » et « REDD + », de l’ONU. Ils instaurent des crédits carbone pour les entreprises en échange d’une politique de reforestation. Dans ce système, peu importe qu’il s’agisse de palmiers ou de sapins plantés en lieu et place de forêts riches en biodiversité…

L’eau, la terre, l’air constituent au contraire un patrimoine commun inaliénable. Il est donc urgent de sanctuariser les biens communs de cette planète.

Un défi s’impose aujourd’hui aux États : trouver des alternatives aux énergies fossiles. Dans cette perspective, l’effort de recherche doit être regardé comme indispensable et pris en compte dans les budgets des États. C’est en redonnant des moyens importants à la recherche que l’on pourra espérer faire sauter des verrous technologiques et changer de paradigme.

Pour autant, la mobilisation des financements constitue aujourd’hui le principal enjeu de la COP 21.

D’une part, la réussite de cette entreprise dépendra de la capacité des États à changer d’échelle dans la mobilisation des moyens financiers. Nous sommes loin des 100 milliards de dollars nécessaires d’ici à 2020 pour respecter les engagements pris à Copenhague. Pourtant, les sources de financement existent : je pense à la taxation des transactions financières, à la lutte contre l’optimisation fiscale ou la fraude fiscale, qui font perdre des milliards d’euros de recettes aux États, pour la simple raison que des entreprises ou des personnes ont décidé qu’ils ne respecteraient pas les règles du jeu de la société. Il convient donc de changer d’échelle.

D’autre part, les pays les plus riches doivent augmenter la part des financements destinés aux politiques d’adaptation des pays les plus vulnérables. L’atténuation et l’adaptation sont complémentaires : il faut les rééquilibrer. Or, aujourd’hui, 91 % des fonds verts profitent d’abord aux politiques d’atténuation.

Enfin, et c’est un point crucial, le dérèglement climatique renforce les inégalités et la pauvreté. Ce sont deux fléaux contre lesquels nous devons lutter de front. Selon un rapport de la Banque mondiale publié la semaine dernière, 100 millions de personnes pourraient basculer dans l’extrême pauvreté dans les quinze prochaines années si aucune action n’est entreprise pour freiner le changement climatique. Les effets seraient particulièrement forts sur le continent africain, où le dérèglement climatique pourrait entraîner une flambée des prix alimentaires. L’Asie du Sud-Est serait, elle aussi, en première ligne.

La planète a des ressources limitées : il faut donc se poser la question du partage de ces ressources et, d’une manière plus générale, du partage des richesses produites.

La proposition de résolution soutient le principe d’une responsabilité partagée mais différenciée. Les pays les plus riches doivent aider les pays les plus vulnérables. L’accès à l’énergie pour tous les peuples est à ce titre primordial, parce que c’est un facteur de développement humain.

Les économies des pays développés ont surexploité les ressources au détriment de la planète et des hommes. Elles ont donc la responsabilité de réparer en tenant compte des risques et des vulnérabilités et en assurant l’accès des populations à l’eau, à l’alimentation et à la terre. Cela passe par la mise en œuvre de systèmes alimentaires résilients et durables.

La proposition de résolution appelle à la mise en place d’un nouveau modèle de développement respectueux de la planète. Pour notre part, nous pensons que ce nouveau modèle, que nous appelons de nos vœux, est incompatible avec le modèle capitaliste et les politiques d’austérité. Mettre en œuvre une politique climatique sérieuse, c’est rompre avec les deux.

En effet, nous considérons - et nous ne sommes pas les seuls à le dire - que le capitalisme, qui exploite les ressources et les hommes pour la satisfaction des 1 % des humains les plus fortunés de la planète, est la cause de tous les dérèglements constatés, notamment du dérèglement climatique. Ceux qui forment ce 1 % de la population mondiale agissent comme des « super-prédateurs », en dehors de toute règle.

Aujourd’hui, l’austérité s’attaque à tout ce qui favorise le bien-être humain, la santé, l’art, la culture, l’éducation. Rappelons-nous que la politique ne devrait avoir qu’un seul objectif : le bien commun des peuples ; aucun autre objectif ne peut lui être supérieur.

Cette proposition de résolution a été cosignée par tous ceux qui ont participé à sa rédaction. Il faut saluer ici le travail de Jérôme Bignon, président du groupe de travail relatif aux négociations internationales sur le climat et l’environnement, qui a eu à cœur, à ce titre, de rechercher le consensus.

Ce texte affirme des exigences fortes concernant l’accord à venir. Il se fonde sur des considérants qui mettent en lumière l’importance accordée à la préservation de la planète, en rappelant des combats fondamentaux comme la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes ; Chantal Jouanno a parfaitement exprimé ce qu’il fallait dire sur ce sujet.

La COP 21 n’est qu’une étape, mais c’est une étape cruciale ! Oui, l’humanité est aujourd’hui confrontée à un formidable défi. C’est pourquoi nous devons nous engager dès maintenant et devenir des bâtisseurs d’avenir. Dans cet esprit, nous voterons en faveur de l’adoption de cette proposition de résolution.

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