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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La métropolisation a renforcé la concurrence entre territoires et fragilisé les zones rurales

Mise en place d’un Agenda rural européen -

Par / 4 novembre 2021

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution a pour ambition louable l’élaboration d’un agenda rural européen.

Si nous partageons ses constats, nous regrettons qu’elle se refuse à avancer une perspective de changement des politiques publiques mises en place dans les campagnes européennes. En effet, il existe de criantes et graves inégalités entre les ruraux et les urbains, que ce soit en termes de mobilité, d’accès aux soins, aux services publics ou aux infrastructures numériques.

Entre zone rurale et zone urbaine, les écarts concernant l’espérance de vie se creusent depuis plus de trente ans. En milieu hyper-urbain, un Français vit en moyenne deux ans de plus qu’en milieu hyper-rural, alors que cet écart était de trois mois en 1990.

Cette résolution rappelle pourtant que 92 % des Français trouvent le monde rural attractif – il est vrai que nos campagnes sont belles, avec leurs paysages modelés par l’agriculture et par la conservation d’un patrimoine exceptionnel. Mais cela ne nous fait pas oublier les graves problèmes de chômage, de désertification, le sentiment d’abandon et le délitement du lien social qui ont constitué le terreau d’ancrage du mouvement des « gilets jaunes », appelant à plus d’égalité et de justice.

Un point positif, néanmoins, consiste dans l’expression d’une volonté de mieux prendre en compte la situation particulière des femmes en milieu rural. À cet égard, mes chers collègues, je vous renvoie au rapport rendu récemment par la délégation aux droits des femmes du Sénat sur ce sujet.

Mme Nathalie Goulet. Excellent rapport !

Mme Marie-Claude Varaillas. Dans le prolongement de ce diagnostic, cette proposition de résolution formule trois propositions : elle invite la Commission européenne à prendre en compte les spécificités de ces zones et à apporter un financement via les fonds européens structurels et d’investissement ; elle demande que la ruralité bénéficie de crédits correspondant à son poids démographique ; enfin, elle invite le Gouvernement à soutenir cet agenda rural européen à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne.
Quelques mesures concrètes sont également évoquées, notamment l’accès à « un socle de services universels à moins de trente minutes de trajet », grâce à un plan de soutien au commerce rural et à la mise en place d’une politique de logement. Cette mesure aurait pu constituer une base de discussion très intéressante si elle n’était pas absente de la proposition de résolution en elle-même, puisqu’elle n’est formulée que dans l’exposé des motifs de cette dernière.

De fait, la proposition de résolution n’aborde aucune mesure concrète et passe sous silence les causes profondes de ces inégalités. Je pense aux ravages du dogme de la concurrence libre et non faussée, à l’obsession de la lutte contre les monopoles publics et aux impératifs de réduction de la dépense publique, qui ont été imposés au fil des directives européennes et appliqués avec zèle par les gouvernements successifs.

La concurrence entre les territoires s’est exprimée au travers les lois dites « Maptam » et « NOTRe » – les lois du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République –, qui ont contribué à fragiliser les zones rurales, accélérant ainsi la désertification de celles-ci.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !

Mme Marie-Claude Varaillas. Le ruissellement attendu n’a pas eu lieu.

Mme Nathalie Goulet. C’est sûr !

Mme Marie-Claude Varaillas. La métropolisation, conjuguée à la fermeture des services publics, a freiné le développement des zones rurales. Les politiques de rétraction de la présence de l’État ont brisé la promesse de l’égalité républicaine, accentuant un sentiment de relégation qui favorise le vote extrême.

Malheureusement, ce n’est pas l’agenda rural présenté en 2019 qui changera la donne : l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) peine à trouver sa place, faute de moyens – espérons qu’elle en aura plus en 2022 – et l’ouverture des maisons France Services n’est, ne nous voilons pas la face, qu’un pis-aller face à la fermeture des services publics de plein exercice dans notre ruralité : postes, gares, gendarmeries, hôpitaux ou encore centres des impôts.

Le monde agricole reste, malgré les deux lois Égalim – la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous et la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs –, le parent pauvre de la répartition des richesses dans le secteur agroalimentaire.
En outre, la santé demeure un problème récurrent, cela a été souligné. Même si des efforts très importants sont réalisés par les élus, avec l’émergence des maisons et des centres de santé, de plus en plus de familles rurales n’ont plus, à ce jour, de médecin traitant. Les zones de revitalisation rurale (ZRR), prolongées jusqu’en 2022, devront être pérennisées, afin de faciliter l’installation d’entreprises et de médecins.

Ainsi le monde rural est-il en souffrance, alors qu’il recèle de formidables atouts, notamment pour accompagner la transition écologique. De ce constat, tant européen que national, découle la nécessité non pas d’une politique sectorielle de saupoudrage au travers d’un nouvel agenda, mais, plus sérieusement, d’une remise en cause des fondements mêmes des politiques publiques, à tous les échelons.

Nos élus ruraux dénoncent la baisse des moyens et des compétences. Une nouvelle politique d’aménagement du territoire s’impose, avec l’augmentation des dotations de fonctionnement. Nous proposons donc, avant toute chose, une révision des réformes des collectivités, afin de redonner à l’échelon communal une véritable place de proximité et de lien démocratique.

Nous souhaitons l’abrogation des lois de libéralisation et le retour de services publics, sous maîtrise publique et avec des opérateurs publics. C’est à cela qu’il faut s’atteler à l’échelon européen, afin de revenir sur les directives qui nous enferment dans des carcans libéraux sacrifiant nos campagnes sur l’autel de la concurrence économique.

Faute de répondre à ces enjeux, cet agenda rural européen risque de se révéler inopérant, en tentant de vider l’océan des inégalités territoriales avec une petite cuiller…

Pour ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’abstiendra sur cette proposition de résolution.

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