Aménagement du territoire et développement durable
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Le coût, le tarif et le prix de l’électricité...
Débat sur la réforme du marché de l’électricité -
Par Fabien Gay / 18 janvier 2024Monsieur le ministre, ma question est simple : quelle est la différence entre le coût, le tarif et le prix de l’électricité ?
Monsieur le ministre, vous le savez, nous avons des désaccords : vous croyez au marché, quand nous pensons que l’énergie est un bien commun, qui doit être géré comme un monopole public par une entreprise publique.
Pour ce qui est du coût de l’électricité, vous avez raison : c’est ce que cela coûte concrètement à l’entreprise EDF ou à d’autres énergéticiens.
En revanche, le tarif, ce n’est pas tout à fait ce que vous dites. C’est ce qui permettait jusqu’à présent à chacun d’avoir accès à l’énergie au prix le plus bas et en collant le plus possible aux coûts de production. C’est ce qu’on appelait le tarif réglementé. Et, à l’époque, tout le monde y avait droit, non seulement les usagers et les ménages, mais aussi les collectivités et toutes les entreprises !
Or, dans le cadre de la renégociation, il est certes prévu que les petites entreprises continueront d’y avoir droit, mais le problème se posera pour les collectivités territoriales et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Quant aux grands groupes, ils préfèrent en effet les PPA, c’est-à-dire des contrats de long terme, sur quinze ans, passés directement, avec un prix garanti – grand bien leur fasse.
Enfin, le prix de l’électricité – c’est ce qui a dysfonctionné – a été complètement décorrélé des coûts de production et, donc, du marché. C’est bien là le problème ! Vous n’avez fait que poser un pansement sur une jambe de bois car, en réalité, dans les négociations que vous avez menées sur la réforme du marché européen, nous avons certes arraché quelques petites avancées, mais nous avons surtout contribué à préserver la compétitivité des entreprises allemandes. Voilà la réalité !
Je le répète, le mécanisme a dysfonctionné, au point que le prix a atteint 1 000 euros du mégawattheure. C’est cela, l’Europe du trading, et cela coûte cher à l’ensemble des usagers de l’électricité.
En définitive, monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question : que faire de tout notre tissu industriel, qui ne se résume pas aux grandes entreprises, et de nos collectivités territoriales ?
Pour notre part, nous plaidons pour le rétablissement d’un grand service public.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour l’intérêt du débat, sachez, monsieur le sénateur, que si l’Allemagne était plus compétitive que la France, ArcelorMittal ne lui aurait pas préféré notre pays pour faire l’un des investissements industriels les plus importants de la décennie.
La raison de ce choix est simple : il tient à la présence de la centrale de Gravelines, qui, à quelques kilomètres du site d’ArcelorMittal, fournit une électricité décarbonée à un tarif imbattable. Aucune autre nation européenne ne peut apporter cela. C’est un atout compétitif majeur.
J’en viens à la réforme du précédent système, celui de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). En tant que ministre de l’économie, l’un de mes objectifs est de garantir la compétitivité des industriels. Je leur ai donc mis les cartes en main.
Il était possible de maintenir un tarif régulé semblable à l’Arenh, dont je rappelle qu’il ne s’appliquait qu’à 100 térawattheures sur les 300 térawattheures que nous produisons, soit un tiers, les deux tiers restants étant soumis au marché. En cas d’explosion des prix, je n’aurais pas pu protéger de nouveau les industriels.
L’autre solution était le système de contrat pour différence qui a été retenu, avec des seuils fixés à 78 euros et à 110 euros. Ce système s’appliquant à 100 % de la production, il est plus protecteur pour les industriels, qui ont préféré cette option.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Je vous remercie, monsieur le ministre, mais vous citez le cas d’une entreprise, quand je vous parle, moi, d’un tissu industriel qui en compte des dizaines, et même des centaines.
Vous pouvez tenter de contourner les faits, mais la réalité est que, avec cette réforme, vous continuez à lier le prix du gaz à celui de l’électricité, et partant, à soutenir la compétitivité allemande au détriment de la nôtre.
Pour terminer sur le sujet du post-Arenh, cela fait quinze ans que l’on biberonne les acteurs alternatifs. Il reste deux ans à tenir. C’est long. Pour les boulangers de nos circonscriptions, les renégociations en cours sont si difficiles que certains ne verront pas l’application de la réforme de 2026 et le post-Arenh.
En tout état de cause, comme vous êtes le nouveau ministre de l’énergie, nous aurons bientôt la possibilité, dans le cadre d’un prochain projet de loi sur l’énergie et le climat, de débattre de manière plus éclairée, en disposant de davantage de temps.