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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Mieux protèger les sites de tourisme de masse

Hyper fréquentation dans les sites naturels et culturels patrimoniaux -

Par / 21 novembre 2019

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne pouvons que souscrire à cette proposition de loi dont je tiens à remercier l’auteur et rapporteur, Jérôme Bignon.

Ce texte vise à mieux protéger les sites d’un tourisme de masse incompatible avec la protection de la nature et de la biodiversité, et à donner aux élus locaux les moyens juridiques d’organiser cette protection.

Il ne s’agit pas d’un problème mineur puisque, selon l’Organisation mondiale du tourisme, 95 % des touristes mondiaux se concentrent aujourd’hui sur moins de 5 % des terres émergées.

La proposition de loi, dans sa rédaction initiale, nous convenait bien. Élargir les pouvoirs de police du maire à un « ordre public écologique », notion aujourd’hui encore très théorique, nous apparaissait comme une évolution positive du droit qui permettait de répondre aux débats encore très universitaires et qui témoignait aussi d’une véritable prise de conscience des enjeux environnementaux.

Le principe de police administrative générale donnée au maire ne permet pas actuellement, selon une jurisprudence constante, et malgré la référence à la lutte contre les pollutions de toute nature, de traiter de l’hyper-fréquentation des sites et du tourisme de masse. Ainsi, l’ordre public recouvre aujourd’hui uniquement le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques.

Faire évoluer la notion même d’ordre public nous semblait une démarche innovante et porteuse de sens, une évolution d’autant plus souhaitable que la notion d’ordre public, par nature mouvante, doit pouvoir s’adapter aux nouveaux besoins.

Dans ce sens, et alors que nous avons intégré la Charte de l’environnement au bloc de constitutionnalité, bousculer la définition de l’ordre public nous semblait légitime, voire même souhaitable.

Cependant, nous entendons vos arguments sur le caractère trop général d’un « ordre public écologique » aux contours trop vastes qui entraînerait des risques d’interprétation juridique hasardeuse et, donc, une incertitude pour les maires chargés d’une compétence en contradiction avec des polices de l’environnement supportées par d’autres acteurs. Pour autant, nous estimons nécessaire de poursuivre une réflexion visant à redéfinir l’ordre public.

Monsieur le rapporteur, vous avez fait le choix de la réécriture, en resserrant la proposition de loi sur la police spéciale de l’environnement visée à l’article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales. Vous avez permis d’élargir cette police, qui ne traitait initialement que de la circulation des véhicules, à la notion de fréquentation générale. Au final, le résultat sera le même et c’est bien cela qui compte.

Nous sommes donc d’accord avec cette évolution législative, malgré quelques questionnements d’ordre plus général. Il faut tout d’abord savoir comment s’opérera cette régulation. Dans bien des pays, elle se traduit de plus en plus souvent par un droit d’entrée qui éloigne les plus modestes des espaces remarquables et des merveilles de ce monde. Au Bhoutan, par exemple, le nombre de visiteurs étrangers est limité par une taxe de séjour quotidienne très importante.

Nous portons, pour notre part, la conviction que la régulation de fréquentation ne peut se faire en instaurant un droit d’entrée payant, ce qui reviendrait à interdire l’accès de ces sites aux plus démunis. Le principe de gratuité d’accès aux espaces naturels doit être maintenu. Par contre, la régulation par des inscriptions ou par l’interdiction intermittente d’accès permettant de limiter le nombre de présents nous apparaît opportune.

Une politique de prévention sur les sites pourrait également être mise en œuvre pour favoriser un tourisme responsable et durable, et accompagner ainsi les élus dans leur démarche. Nous pourrions d’ailleurs intégrer cette mission à l’Agence nationale de cohésion des territoires, qui va entrer en fonction très bientôt.

Pour autant, s’il est légitime de donner aux élus les moyens de préserver leur territoire, encore faut-il qu’ils puissent également financer les remises en état et la préservation des sites sur le long terme, notamment dans le cadre de leur politique d’aménagement. Or les dotations aux collectivités sont limitées et la préservation de l’environnement est souvent le parent pauvre des politiques locales.

Enfin, l’État ne peut se désintéresser de la question de la protection de la biodiversité des sites remarquables, qui font parfois l’objet d’une protection particulière au titre du code de l’environnement.

Pourtant, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit plus de 1 000 suppressions de poste l’année prochaine au sein du ministère de la transition écologique et solidaire. Les effectifs agissant dans le domaine de la biodiversité sont en baisse de 75 emplois, dont 43 pour le seul Office français de la biodiversité, en parfaite contradiction avec l’objectif affiché de faire de la préservation et de la reconquête de la biodiversité une priorité de l’action en matière environnementale. L’État doit prendre sa part de responsabilité.

Pour finir, nous pensons qu’il convient, en parallèle de cette régulation et de ce nouveau pouvoir octroyé aux maires, d’engager une réflexion sur le tourisme de masse et le modèle économique qu’il sous-tend en favorisant un éco-tourisme plus respectueux de notre environnement dans une vision de long terme, soutenable pour l’humanité.

Nous devons donc changer de modèle de développement et de tourisme, par exemple en pénalisant plus fortement les mobilités polluantes, en régulant les capacités de tourisme sur certains territoires et en limitant drastiquement l’artificialisation des sols qui défigure nos côtes, nos montagnes et les espaces les plus fréquentés.

Nous voterons bien évidemment cette proposition de loi, en espérant que son adoption par le Sénat soit rapidement suivie d’un examen par l’Assemblée nationale afin qu’elle puisse entrer au plus vite en vigueur.

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