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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Nos schémas régionaux de développement de l’aquaculture restent lettre morte

Economie bleue -

Par / 10 mars 2016

Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a délégué à la commission des affaires économiques l’examen des articles concernant les pêches maritimes et l’aquaculture.

Ces activités sont en effet au cœur de l’économie bleue, et la proposition de loi ne pouvait les ignorer.

La pêche en France représente un peu plus de 7 000 navires, dont 4 500 en métropole et 2 500 dans les outre-mer. Un peu plus de 16 000 marins pêcheurs rapportent chaque année dans les criées françaises, au nombre de trente-huit en métropole, environ 550 000 tonnes de poisson, ce qui représente un chiffre d’affaires d’environ 1,1 milliard d’euros.

La pêche, ce sont aussi de nombreux emplois induits : 7 500 dans les poissonneries, 4 500 dans le mareyage, 16 500 dans les conserveries et autres entreprises de transformation de poisson. Le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins estime que, pour un emploi en mer, on compte trois emplois à terre.

L’aquaculture constitue l’autre volet de la production aquatique. La France figure au deuxième rang européen, avec une production de 160 000 tonnes et un chiffre d’affaires de presque 550 millions d’euros pour la conchyliculture – huîtres, moules et autres coquillages –, et une production de 40 000 tonnes et un chiffre d’affaires de 125 millions d’euros pour la pisciculture – principalement la truite, mais aussi le bar et la daurade. L’huître, qu’elle soit triploïde ou diploïde, assure près des deux tiers en valeur de la production aquacole française.

Depuis des années, nous faisons le même constat : les Français aiment les produits de la mer. Ils en consomment entre trente-quatre et trente-cinq kilos par personne et par an. Ce chiffre est stable depuis près de quinze ans après avoir fortement augmenté. Nous dépensons 7 milliards d’euros par an pour manger poissons, coquillages et crustacés, ce qui n’est pas rien dans la consommation alimentaire.

Mais plus de 80 % de ce que nous mangeons – saumons, crevettes, cabillauds – provient de produits importés. Finalement, notre balance commerciale reste très déficitaire s’agissant des produits de la mer : l’écart est de 3,5 milliards d’euros uniquement pour les poissons, car nos exportations sont très loin de compenser nos approvisionnements à l’extérieur !

Périodiquement, nous voyons passer des déclarations, parfois même des projets, et, comme en 2010, nous votons des lois pour développer l’aquaculture, dans le but de reconquérir notre marché intérieur. L’aquaculture constitue en effet le seul levier de développement à court terme de l’approvisionnement en produits de la mer.

La politique de la pêche relevant du niveau européen, c’est à Bruxelles que, chaque année, la France négocie les quotas pour ses pêcheurs. Compte tenu de l’état des ressources halieutiques dans les eaux européennes, il ne faut pas s’attendre à un développement spectaculaire de l’approvisionnement par pêche dans les années qui viennent.

D’autant que la nouvelle politique commune de la pêche, la PCP, est plus exigeante en matière de durabilité, en prévoyant par exemple d’atteindre le rendement maximum durable, le RMD, des stocks halieutiques au plus tard en 2020, ou encore en interdisant tout rejet des prises accessoires par les pêcheurs. Désormais, tout ce qui est pêché doit être débarqué. Il est donc urgent de créer le bateau du futur !

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 avait prévu de développer les fermes aquacoles, en mettant notamment en place un schéma régional de développement de l’aquaculture marine.

Cet outil n’a pas fonctionné : les schémas ont été écrits et sont approuvés, sauf dans deux régions. Pour autant, aucune ferme aquacole ne s’est créée ces dernières années.

Nous avons besoin non seulement de développer l’aquaculture, mais aussi de préserver ce qui marche actuellement : la filière ostréicole est une filière d’excellence. Toutefois, elle souffre de problèmes récurrents de surmortalité, qui ne touchent pas que les naissains, mais peut aussi affecter les huîtres adultes. La qualité des eaux conchylicoles constitue un enjeu essentiel pour maîtriser la production.

Enfin, nous ne pouvons négliger le besoin de modernisation du secteur des pêches maritimes. Notre pêche est essentiellement une pêche artisanale : la plupart de nos navires de pêche mesurent moins de vingt-quatre mètres. Même si nous sommes attachés à ce modèle, nous devons préparer l’avenir.

Pour ce faire, il faut accélérer, comme l’a proposé le rapport Deprost-Suche, le renouvellement de la flotte, dont l’ancienneté moyenne est supérieure à vingt-cinq ans.

Depuis la fin des aides publiques à la construction en 2004, les nouveaux navires sont de plus en plus rares. Ainsi, trente-cinq d’entre eux seulement ont été mis à l’eau en 2013.

Dans le même temps, il nous faut attirer et fidéliser nos marins pêcheurs. Le métier est dur. Les investissements que doivent consentir les jeunes pour s’installer sont considérables.

La conjoncture est plutôt positive : on entend peu parler des pêcheurs dans l’actualité nationale, ce qui est plutôt bon signe. Les prix se maintiennent à des niveaux élevés. La pêche française est bien valorisée, notamment grâce aux initiatives comme le « Pavillon France », promu par l’association interprofessionnelle France Filière Pêche.

Les prix du carburant sont bas – cela ne durera peut-être pas ! –, ce qui permet aussi aux sociétés de pêche maritime de réaliser des économies de fonctionnement très substantielles. Autrefois, le carburant représentait 40 % des frais de fonctionnement.

Bref, il faut profiter de cette situation plutôt favorable pour agir, en donnant aux marins pêcheurs les outils de nature à renforcer la solidité du secteur : construire plus de bateaux adaptés à la nouvelle réglementation et créer aussi des filières de déconstruction, avec une filière pour la pêche et une autre pour la plaisance. Il s’agirait là d’un gisement d’emplois très important, j’ai plaisir à le répéter. Aussi va-t-il falloir s’atteler à cette tâche.

Une fois les enjeux posés, j’en viens aux dispositions prévues dans la proposition de loi.

Les titres II et II bis sont consacrés à la pêche et à l’aquaculture. Les articles adoptés par l’Assemblée nationale ont été très peu modifiés par la commission des affaires économiques du Sénat, car ils vont plutôt dans le bon sens.

Permettez-moi de vous rappeler les dispositions les plus significatives.

Concernant la pêche maritime, la proposition de loi prévoit, à l’article 15, d’assouplir la définition de la société de pêche artisanale, en permettant l’entrée d’apporteurs de capitaux minoritaires à hauteur de 49 % maximum et en allongeant de dix à quinze ans la durée de l’acquisition progressive des parts par les patrons pêcheurs embarqués.

Le texte met en place une base juridique pour créer des fonds de mutualisation, afin que les pêcheurs puissent faire face à des phénomènes climatiques ou à des incidents environnementaux ou sanitaires, sur le modèle de ce qui existe dans le secteur agricole.

Les crédits du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche pourront être utilisés dans ce cadre.

Par ailleurs, la proposition de loi encourage la diversification de l’activité des pêcheurs, en pointant, notamment, le développement du pescatourisme.

Concernant l’aquaculture, la proposition de loi vise à mieux définir ce secteur et à lui assurer une meilleure place dans les politiques publiques. Il s’agit de développer tous les projets, en mer comme à terre, à proximité du rivage.

Le texte prévoit aussi de renforcer la prise en compte des schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine par les documents d’urbanisme des communes et de leurs groupements. Il vise aussi à consolider la surveillance de la qualité des eaux conchylicoles, en s’intéressant davantage à l’état microbiologique de ces eaux.

Un volet spécifique à l’outre-mer a été ajouté par l’Assemblée nationale, pour associer les collectivités des outre-mer à l’évaluation des ressources halieutiques et à la définition des politiques publiques en faveur de la pêche et de l’aquaculture. Ne l’oublions pas, ce sont les outre-mer qui font de la France l’une des premières nations maritimes et c’est là où se situent les perspectives de développement de notre pêche et de notre aquaculture.

Enfin, les députés avaient proposé que l’origine des produits de la mer proposés dans les restaurants fasse l’objet de mentions facultatives. La commission est allée plus loin dans l’information du consommateur, en instaurant une obligation d’information et de traçabilité, qui existe déjà pour la pêche fraîche vendue au détail dans les magasins.

Pour conclure, je me réjouis que le conseil interministériel de la mer d’octobre dernier ait fixé des objectifs ambitieux pour la pêche et l’aquaculture, dans le respect du développement durable. Encore faut-il que les réalisations suivent. La proposition de loi pour l’économie bleue a le mérite de mettre en lumière l’enjeu que cela représente pour nos territoires. Mais les dispositions proposées ne constituent pas pour autant une révolution en la matière.

Du reste, j’espère que nos débats pourront permettre d’avancer sur deux points.

Le premier concerne la nouvelle exigence, introduite dans le code des transports, d’un bulletin judiciaire vierge des capitaines et seconds des navires de pêche. L’article 5 ter ne règle qu’une partie du problème pour la pêche côtière. J’ai déposé un amendement sur cette question pour éviter de nous retrouver avec des navires à quai et des patrons pêcheurs ne pouvant plus travailler.

Le second a trait au statut des dirigeants de coopératives maritimes et des élus au sein des comités des pêches maritimes. Ces activités sont très prenantes et mal valorisées. Il ne nous est pas possible de présenter des amendements sur de tels sujets, car l’irrecevabilité financière de l’article 40 de la Constitution nous serait opposée. Toutefois, il faudra trouver des solutions, faute de quoi nous finirons par ne plus pouvoir proposer à l’avenir une gouvernance professionnelle de la pêche et de l’aquaculture.

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