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Aménagement du territoire et développement durable

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Notre fiscalité environnementale souffre de trop d’exonérations

Barrière écologique aux frontières -

Par / 14 janvier 2020

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec la nouvelle année, il semblerait que le groupe Les Républicains entame sa transition écologique.

M. Stéphane Piednoir. Cela part mal... (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Gontard. En effet, les auteurs du texte qui est soumis aujourd’hui au Sénat proposent rien de moins que la mise en œuvre d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, afin, je cite l’exposé des motifs, « d’inciter nos partenaires extra-européens à une plus grande exigence environnementale ».

Certes, la surprise n’est pas totale, puisque le candidat Bellamy aux européennes défendait la même proposition, comme beaucoup d’autres candidats à ces élections, du reste. Ce consensus se retrouve aujourd’hui dans l’action de la Commission européenne nouvellement nommée, puisque le green deal présenté prévoit justement une taxe carbone aux frontières, mon collègue Joël Labbé l’a rappelé.

Puisque cette disposition est déjà dans les tuyaux, quel est l’intérêt de soumettre une telle proposition de résolution ? On aurait pu imaginer une proposition de résolution européenne.

Par ailleurs, comment comprendre cette initiative, alors même, chers collègues du groupe Les Républicains, que votre groupe parlementaire au Parlement européen, le PPE, a voté tous les traités de libre-échange qui justement suppriment toutes les barrières aux frontières, qu’elles soient financières ou normatives, engageant une régression environnementale et sanitaire très dangereuse, faisant primer les marchés sur les droits humains.

Comment comprendre cette prise de conscience ? Il faut sans doute mieux lire la proposition de résolution pour bien saisir votre propos et comprendre que cette proposition d’action résolue à l’échelon européen se conjugue avec l’idée d’un retour en arrière dans les politiques nationales. En effet, vous jugez la taxe carbone nationale injuste et inefficace par nature, dans la mesure où elle pèse sur les entreprises.
Voilà votre véritable sujet : il s’agit bien, par cette résolution, d’écarter toute norme et toute fiscalité pour les entreprises nationales.

M. Jean-François Husson. C’est du grand délire !

M. Guillaume Gontard. Cette position est cohérente avec votre volonté exprimée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020 de ne pas revenir sur les exonérations de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, dont disposent certains secteurs, notamment la route.

Pour le groupe Les Républicains, compétitivité se conjugue ainsi toujours avec déréglementation, bien loin des préoccupations écologiques, sociales ou démocratiques.

L’intérêt de cette proposition de résolution réside donc non pas dans ce qu’elle contient, mais plutôt dans ce qu’elle ne dit pas : le refus de toute fiscalité pour les entreprises et de normes environnementales considérées, à tort, comme des handicaps à la compétitivité.

On a d’ailleurs rarement vu une proposition de résolution présenter aussi peu de liens avec son objet et sa conclusion.

Loin de vous intéresser à l’ambition écologique du continent, vous ne cherchez au fond qu’à retarder les efforts de la France. C’est sans doute d’ailleurs pour cela que vous n’avez pas déposé de proposition de résolution européenne.

Mes chers collègues, tout cela reste très « vieille époque » !

M. Jean-François Husson. Ah !

M. Guillaume Gontard. Nous considérons bien au contraire que les entreprises doivent participer au changement de modèle. C’est même la manière de les rendre innovantes. Par ailleurs, une taxe carbone nationale n’est pas antinomique avec un quelconque dispositif européen.

À nos yeux, le principal défaut de la taxe carbone, telle qu’elle est actuellement mise en œuvre dans notre pays, est non pas qu’elle touche les entreprises, mais bien au contraire qu’elle comporte trop d’exonérations et, surtout, pénalise injustement les ménages.

Une limite importante tient également au fait que cette fiscalité n’est que très peu fléchée au profit de la transition écologique : elle vient en soutien aux politiques d’austérité, justifiant au passage la régression de la fiscalité sur le travail et sur le capital. C’est d’ailleurs ce qui a soulevé la colère des « gilets jaunes ».

Contrairement à ce qui est soutenu au travers de la proposition de résolution, nous pensons que l’existence de normes environnementales est justifiée et témoigne de la prise en compte d’un intérêt général devenu incontournable : la protection de la biodiversité et du vivant et la préservation des ressources, qui ne sont pas un puits sans fin.

Nous notons d’ailleurs que le groupe Les Républicains votent toujours toutes les mesures allant dans le sens d’une régression des normes environnementales, alors même que la situation actuelle nécessite de limiter très fortement les transports, de relocaliser et de diminuer les impacts sur la planète.

La dernière phrase de l’exposé des motifs en dit long : « La proposition de résolution, qu’il vous est demandé de voter, porte la volonté d’une vision ambitieuse de l’écologie, facteur de croissance et de développement, au service des intérêts environnementaux et économiques de l’Union européenne. » Le mythe de la croissance infini est tenace et témoigne de l’absence de compréhension des enjeux environnementaux d’une consommation économe des ressources et de sobriété !

Pour en revenir au fond de votre proposition, nous considérons pour notre part que, si l’idée d’une taxe carbone aux frontières est intéressante, elle est largement insuffisante pour rompre avec un modèle européen libéral.

Comment d’un côté instaurer une barrière écologique et de l’autre accélérer tous les politiques de libéralisation des services publics, alors qu’ils sont justement de formidables outils de lutte contre la pollution ?

Comment affirmer agir pour le développement du fret ferroviaire tout en libéralisant le rail ?

Comment promouvoir la production d’une énergie propre en privatisant les moyens de production ? C’est un contresens que de promouvoir d’un côté la protection de l’environnement et, de l’autre, de mener des politiques uniquement tournées vers le profit et la course aux dividendes, des politiques qui accélèrent le pillage des ressources et qui détruisent nos communs !

Il faut donc, pour accompagner un dispositif bienvenu de barrage écologique aux frontières, dénoncer tous les accords de libre-échange, instaurer à l’échelon européen un haut niveau de garantie pour les services publics et organiser une harmonisation fiscale et sociale pour lutter contre les dumpings environnementaux et sociaux qui s’opèrent au sein même de l’Union européenne.

Pour l’ensemble de ces raisons et, surtout, de ces contradictions, notre groupe s’abstiendra sur cette proposition de résolution.

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